RIYAD : Les compétences traditionnelles des marieuses du Royaume ont survécu à de nombreux changements, et elles sont sûres que, malgré les transformations sociales rapides dans la jeune génération et la révolution technologique, elles pourront continuer à pratiquer leur métier.
Puisque les hommes et les femmes ont la possibilité de se rencontrer et d’échanger, et que les attitudes dans le pays sont en train de changer, la pratique du métier de marieuse, auparavant traditionnel, devrait théoriquement diminuer. Cependant, Arab News s’est entretenu avec des femmes qui continuent cette pratique et qui ont révélé que leurs services sont toujours aussi demandés.
Lorsqu’on entend le mot « marieuse », on imagine probablement la femme stricte et dure dans le film « Mulan » de Disney qui a semé la terreur dans le cœur des jeunes femmes chinoises cherchant à faire honneur à leur famille. Mais les marieuses saoudiennes veulent que les gens sachent que ceci ne représente pas du tout la réalité. La plupart d’entre elles ne veulent qu’une chose : un mariage heureux et réussi pour toute personne qui a recours à leurs services.
Um Nasser, une femme bienveillante âgée d’une cinquantaine d’années, a affirmé à Arab News qu'après presque quatre décennies de mariage, ses expériences lui avaient donné un aperçu inestimable de ce qui permet à une relation de fonctionner, et que l'amour n'a quelquefois rien à voir avec cela.
« Quand j’avais 16 ans, je me suis mariée avec le fils d’un ami de la famille. Bien que je ne puisse pas dire que c'était le coup de foudre, nous avons finalement évolué vers le respect et la compréhension mutuels, et notre relation s'est épanouie », raconte-t-elle. « Nous sommes mariés depuis 36 ans, et notre affection et notre respect l’un pour l’autre sont plus forts que jamais ».
D’après Um Nasser, les éléments fondamentaux du mariage ne sont pas l’amour et l’attirance, mais la compréhension et le compromis, ce dont elle pense que beaucoup de jeunes ne réalisent pas lorsqu'ils pensent au mariage.
« Tout le monde rêve d’une histoire d’amour comme dans les contes de fées ou du genre de relation que nous observons sur les réseaux sociaux. Je veux que les jeunes d’aujourd’hui prennent conscience du fait que ce que nous voyons sur Instagram et dans les films est faux. La passion se refroidit, la beauté se fane, mais une base solide pour construire le respect est la seule chose qui dure », dit-elle.
Um Nasser a plus de 10 000 abonnés sur son compte Twitter qu’elle utilise pour aider les Saoudiens célibataires à trouver des partenaires potentiels en créant une sorte de « profil de rencontre ».
« Je demande à mes clients des informations personnelles détaillées, telles que leur âge, leur taille, leurs demandes spécifiques sur ce qu'ils aimeraient le plus dans un partenaire, etc. Je crée ensuite un tweet dans lequel je partage toutes ces informations avec le public. Les partenaires potentiels peuvent m’envoyer un message privé exprimant leur intérêt, et si leurs demandes sont compatibles, je peux les mettre en contact », explique-t-elle.
« Si je reçois des détails d’un client qui, à mon avis, conviendraient à un autre, je peux également les mettre directement en contact, par l’intermédiaire de la personne à qui ils ont demandé de les “représenter” dans la discussion. Pour les femmes, il s'agit généralement d'un parent ou d'un tuteur. Pour les hommes, cette personne pourrait être leur mère, leur sœur ou leur tante », ajoute-t-elle.
Um Nasser a mentionné qu’en près de 20 ans de services matrimoniaux, elle avait marié plus de 300 couples, dont la majorité ont des relations réussies jusqu'à présent.
Le mariage c’est donner et recevoir. Écouter, comprendre et appliquer ce que vous apprenez l’un sur l’autre. Traverser des situations difficiles, écouter les plaintes et les attentes de l’autre, mais aussi respecter ses limites et faire des sacrifices.
Um Mansour, marieuse traditionnelle
« Cela me rend très heureuse de savoir que j'ai aidé des gens à trouver leur partenaire de vie, et certains d'entre eux sont même encore en contact avec moi jusqu’à ce jour », dit-elle.
Toutefois, alors que beaucoup de jeunes trouvent aujourd’hui leurs propres partenaires en raison des changements d’attitude dans le pays, et des possibilités croissantes pour les hommes et les femmes de se rencontrer au travail ou lors d’évènements sociaux, comment les marieuses continuent-elles à travailler ?
Um Mansour, une autre marieuse traditionnelle, a confié à Arab News qu’elle avait acquis une renommée uniquement par le bouche à oreille. « Je n’utilise pas les réseaux sociaux parce que je n’en ai pas besoin. Beaucoup de mes anciens clients me recommandent à leurs amis et leurs familles, et je peux travailler de cette façon ». Selon elle, un mariage est plus qu'une relation : c'est un partenariat, ce qui signifie que tout le monde doit faire le même effort pour faire avancer les choses.
« Compromis, compromis, compromis. Le mariage c’est donner et recevoir. Écouter, comprendre et appliquer ce que vous apprenez l’un sur l’autre. Traverser des situations difficiles, écouter les plaintes et les attentes de l’autre, mais aussi respecter ses limites et faire des sacrifices », insiste-t-elle.
Mansour a déclaré que même si elle ne reçoit plus autant de demandes de personnes âgées de moins de 30 ans de nos jours, ses clients proviennent d'un groupe démographique différent, souvent oublié du public.
« Notre société peut malheureusement avoir une vision négative des femmes divorcées et veuves. Beaucoup de ces dames qui viennent me voir sont des femmes merveilleuses et aimantes qui ont simplement été victimes de circonstances malheureuses. Elles méritent une seconde chance et je veux faire tout ce qui est en mon pouvoir pour leur assurer cela », poursuit-elle.
Mais que pensent les jeunes Saoudiens des services matrimoniaux ? Arab News a demandé à des hommes et des femmes âgés de moins de 30 ans s'ils envisageraient ou non un mariage arrangé et ce qu'ils attendaient d'un partenaire potentiel.
Sarah Almutairi, une femme de 22 ans originaire de Riyad, a affirmé qu'elle était ouverte à l'idée d'un mariage arrangé, à condition qu'elle ait l'occasion de tisser des liens avec la personne qui a été choisie pour elle.
« Je pense que je suis encore un peu jeune pour envisager sérieusement le mariage, mais je crois que ce qui doit arriver arrivera. Si ma famille me proposait quelqu'un qui, selon eux, serait un bon partenaire pour moi, je ne le refuserais pas catégoriquement, mais je ne pense pas que je serais à l'aise d'épouser un étranger. Si nous pouvions nous rencontrer d’abord pendant un certain temps, même sous supervision, et apprendre à nous connaître, je ne m’y opposerais pas», explique-t-elle.
Hussam Alajmi, 30 ans, de Riyad, a déclaré qu’il envisagerait de demander les services d’une marieuse s’il ne rencontrait pas quelqu’un lui-même dans les prochaines années.
« J’espère toujours pouvoir rencontrer quelqu’un au travail ou lors d’un évènement social, mais peut-être que si je ne rencontre personne avant l’âge de 35 ans, j’y penserai. Je suis à un âge où je pense sérieusement à me marier le plus tôt possible », dit-il.
M. Alajmi a mentionné qu’il y avait plusieurs raisons pour lesquelles il ne s'était pas encore marié, la raison principale étant d'ordre financier.
« Le mariage est un engagement financier important, et je ne sais pas si je gagne actuellement assez d’argent pour subvenir aux besoins d’une femme et d’un ménage. Je veux pouvoir subvenir aux besoins de ma femme, même si elle a sa propre source de revenus. C’est ainsi que j’ai été élevé ».
Yasmine Alkhudair, 27 ans, a affirmé que les soucis financiers étaient en grande partie la raison pour laquelle elle ne s'était pas encore mariée, affirmant que l’augmentation des dépenses et la flambée des prix de l'immobilier préoccupaient plusieurs personnes de sa génération.
« Je ne suis pas d'accord avec l'idée que ce sont les hommes qui doivent subvenir aux besoins du ménage et payer le loyer, etc. Dans cette économie, c’est une attente injuste. Quand je me marierai, je voudrais que nous soyons partenaires. Mais certains hommes trouvent ce concept émasculant, en raison de la pression que la société exerce sur eux », souligne-t-elle.
Cependant, Mme Alkhudair a rejeté l'idée des services matrimoniaux traditionnels, affirmant qu'elle souhaitait rencontrer son partenaire de manière « organique ».
« Je veux rencontrer quelqu'un par moi-même et construire une relation avec lui avant de me marier. Je me rends compte que le mariage est plus qu’être amoureux de quelqu'un, mais pour moi, c’est un élément fondamental du processus. Sortir ensemble dans notre société demeure encore un processus étranger, certes, mais je pense que cela peut être fait de manière respectueuse, conformément à nos traditions et à notre religion », précise-t-elle. "C'est de cette manière que je veux rencontrer mon partenaire de vie ».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com