SAN FRANCISCO: Les partisans du président américain Donald Trump peuvent ajouter son personnage dans certains jeux vidéo et même le protéger de tentatives d'assassinat dans l'univers sans foi ni loi de « Grand Theft Auto ».
De l'autre côté de l'échiquier politique, les joueurs peuvent rendre visite au candidat démocrate à la Maison Blanche Joe Biden dans son quartier général sur « Animal Crossing ».
En investissant le monde des jeux vidéo, les personnalités politiques y ont reproduit les fractures de la vie réelle, suscitant la désapprobation de certains joueurs qui se plaignent d'une invasion de leurs univers fictifs.
« Les jeux vidéo vont être de plus en plus utilisés comme porte d'entrée vers la politique », prédit Renee Gittins, directrice exécutive de l'Association internationale des développeurs de jeux vidéo.
« Les gens ne regardent plus les pubs à la télévision. Il faut aller là où le public se trouve et, dans une large mesure, il se trouve dans les jeux vidéo », ajoute-t-elle.
Selon une récente étude de Statista, près de quatre joueurs américains sur dix ont entre 18 et 34 ans.
Amatrice de jeux vidéo, la députée Alexandria Ocasio-Cortez a récemment connu un succès retentissant sur Twitch en diffusant en direct une partie du jeu « Among Us », visionnée par plus de 430.000 personnes.
La jeune élue démocrate de New York a rivalisé avec des diffuseurs célèbres de la plateforme d'Amazon pendant plus de trois heures, distillant avec subtilité des messages politiques et incitant les spectateurs à voter le 3 novembre.
A un moment, Ilhan Omar, jeune représentante démocrate du Minnesota, a rejoint la partie de ce jeu ultra-populaire de coopération et de trahison.
Quelques jours après la partie diffusée par AOC, « Among Us » a été la cible de pirates qui y ont diffusé des messages pro-Trump.
« Fuir la réalité »
Certaines initiatives ne sont pas du goût de tous les joueurs.
Lorsque Sony a introduit un thème gratuit en soutien au mouvement « Black Lives Matter » (« Les vies noires comptent ») sur ses consoles PlayStation, certains joueurs ont exprimé leur mécontentement.
« Les jeux vidéo sont faits pour les jeux, pas pour les mouvements politiques ou sociaux », a écrit sur Twitter Yuri Kazuto Cinque, qui a affirmé qu'il n'achèterait pas la nouvelle PlayStation 5, commercialisée dans quelques jours.
« Est-il encore possible de fuir la réalité ? », s'est interrogé Justin Raposo sur le réseau social. « D'abord les sports et maintenant les jeux vidéo ! ».
Mais d'autres joueurs rappellent que la politique est présente dans l'intrigue de nombreux titres.
L'action des jeux de tir à la première personne se déroule souvent dans des villes dystopiques, où les personnages luttent contre des régimes tyranniques ou corrompus.
Dans la série « BioShock », le joueur évolue par exemple dans un monde sous-marin, ravagé par les excès d'un capitalisme débridé.
Le personnage principal de « Wolfenstein » est un héros américain qui combat les Nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.
Sur la plateforme de distribution de jeux vidéo Steam, une section est consacrée aux titres politiques. Dans le jeu de stratégie « Electioneering », l'objectif est de devenir, par tous les moyens possibles, président des Etats-Unis.
Les joueurs qui possèdent une certaine maîtrise en informatique peuvent aussi exprimer leur opinion politique grâce aux « mods ».
Ces mini-logiciels, plutôt faciles à développer, permettent d'ajouter du contenu ou des fonctionnalités à des jeux existants.
Mais la plateforme Nexus Mods a interdit jusqu'à nouvel ordre les modifications de nature politique, invoquant « une vague de ‘mods’ provocateurs et polémiques mis en ligne, qui ont trait aux sujets politiques et sociétaux aux Etats-Unis. »
« La plupart de ces ‘mods’ sont mis en ligne par des lâches qui utilisent des faux-nez et essaient de semer la pagaille », dénonce la plateforme.
L'augmentation du nombre de joueurs pendant la pandémie s'accompagne d'une multiplication des débats politiques, relève Gittins.
« Certaines personnes se disent opposées à ce que la politique s'immisce dans les jeux vidéo, mais sont promptes à qualifier de politique le moindre sujet de discorde », souligne la spécialiste.