Contenir l’Iran figure en tête des priorités de la visite de Biden au Moyen-Orient

L’administration Biden participe à des pourparlers depuis avril 2021 pour que les États-Unis reviennent à l’accord sur le nucléaire. (AFP)
L’administration Biden participe à des pourparlers depuis avril 2021 pour que les États-Unis reviennent à l’accord sur le nucléaire. (AFP)
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Publié le Mercredi 13 juillet 2022

Contenir l’Iran figure en tête des priorités de la visite de Biden au Moyen-Orient

  • Dans un article d’opinion publié dans The Washington Post avant sa visite en Israël, en Cisjordanie et en Arabie saoudite, M. Biden a mis l’accent sur «la progression rapide» du programme nucléaire iranien
  • Les activités malveillantes de l’Iran menacent non seulement la stabilité régionale, mais aussi la liberté de navigation et l’économie mondiale au sens large

DJEDDAH/BOGOTA: Lorsque le président américain, Joe Biden, se rendra cette semaine à Riyad pour s’entretenir avec des dirigeants arabes, la question des prix mondiaux du pétrole à la lumière de la guerre en Ukraine et du boycott occidental des hydrocarbures russes occupera sans doute une place importante à l’ordre du jour. Il en sera de même pour la question de l’Iran.

En effet, tous les alliés du Moyen-Orient auxquels M. Biden rend visite ou qui assistent à la réunion du CCG+3 ont en commun le désir de contenir les activités extraterritoriales malveillantes de l’Iran et d’empêcher le régime d’acquérir l’arme nucléaire.

Les responsables de la Maison Blanche pensent que l’Iran disposerait désormais de suffisamment de matières fissiles et peut-être même de la technologie nécessaire pour une charge nucléaire utile, ce qui constituerait un puissant levier pour le régime en matière de négociations.

Malgré un effort concerté de l’administration Biden destiné à pousser l’Iran à se conformer à l’accord de 2015 sur le nucléaire – duquel son prédécesseur Donald Trump s’était retiré en mai 2018 –, les négociations indirectes entre les deux parties se sont heurtées à des obstacles à plusieurs reprises.

Néanmoins, M. Biden a refusé de lever les sanctions contre la République islamique avant qu’elle ne se conforme de nouveau à l’accord.

Dans un article d’opinion publié dans The Washington Post avant sa visite en Israël cette semaine en Cisjordanie et en Arabie saoudite, M. Biden a mis l’accent sur «la progression rapide» du programme nucléaire iranien après le retrait de l’ancien président Trump de l’accord.

«Après que mon prédécesseur s’est retiré d’un accord nucléaire qui fonctionnait, l’Iran a adopté une loi qui exige la progression rapide de son programme nucléaire. Ensuite, lorsque la dernière administration a cherché à condamner l’Iran pour cette action au Conseil de sécurité de l’ONU, les États-Unis se sont retrouvés seuls et marginalisés», a écrit M. Biden samedi dernier.

«Nous nous sommes réunis avec des alliés et des partenaires en Europe et dans le monde pour mettre fin à cet isolement. C’est l’Iran qui est désormais marginalisé [et il le demeurera] jusqu’à ce qu'il revienne à l’accord nucléaire que mon prédécesseur a abandonné sans aucun plan de remplacement.

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M. Biden a refusé de lever les sanctions contre la République islamique avant qu’elle se conforme de nouveau à l’accord. (Reuters)

«Le mois dernier, plus de trente pays se sont joints à nous pour condamner le manque de coopération de l’Iran avec l’Agence internationale de l’énergie atomique sur ses activités nucléaires passées. Mon administration continuera d’augmenter la pression diplomatique et économique jusqu’à ce que l'Iran soit prêt à se conformer de nouveau à l’accord de 2015 sur le nucléaire, tout comme je reste prêt à le faire.»

L’Iran, quant à lui, accuse l’administration Biden d’incohérence sur la question nucléaire.

«L’accent mis par Joe Biden sur la poursuite de la politique de pression économique et diplomatique contre l’Iran contredit la volonté des États-Unis de relancer l’accord de 2015», a déclaré mardi dernier à l’AFP le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Nasser Kanani.

Le gouvernement américain, «malgré ses slogans et sa prétendue volonté de retourner à l'accord [...], suit la même approche [que l’administration précédente] en poursuivant l’application des sanctions et des pressions économiques», a-t-il ajouté.

Les analystes reconnaissent que l’administration Biden a fait monter les enchères sur l’Iran ces dernières semaines, mais ils contestent qu’il y ait eu un changement fondamental de politique.

«L’approche américaine vis-à-vis de l’Iran évolue de manière tactique, mais non stratégique, à ce stade», déclare Jason Brodsky, directeur des politiques chez United Against Nuclear Iran, à Arab News.

«Au cours des dernières semaines, Washington a renforcé son application des sanctions américaines. Il s’agit d’un changement puisque l’administration Biden avait imposé, auparavant, des sanctions en vertu de pouvoirs qui ne seraient pas levés en cas de retour des États-Unis au Plan d’action global commun [PAGC].»

«Cependant, ces dernières semaines, les États-Unis ont désigné des entités et des individus en vertu du décret exécutif 13846, dont les sanctions seraient levées en cas de retour à l’accord de Vienne. C’est donc un signal subtil adressé aux dirigeants iraniens pour montrer que l’administration Biden augmente la pression.»

«Cependant, cette pression, selon le dernier éditorial du président, est orientée vers le respect du PAGC et non vers un accord plus long et plus solide. Cela reste donc problématique et ce n’est pas ce que les dirigeants arabes du Golfe et Israël aimeraient entendre.»

L’administration Biden participe à des pourparlers depuis avril 2021 pour que les États-Unis reviennent à l’accord, notamment au moyen de la levée des sanctions contre l’Iran et du plein respect par Téhéran de ses engagements.

Cependant, les négociations nucléaires intermittentes qui se tiennent dans la capitale autrichienne, Vienne, sont au point mort depuis mars, plusieurs problèmes demeurant irrésolus entre les États-Unis et l’Iran.

À la fin du mois de juin, le Qatar a organisé des pourparlers indirects entre les États-Unis et l’Iran dans le but de remettre le processus de Vienne sur le droit chemin, mais ces discussions ont débouché deux jours plus tard sur une impasse.

Les détracteurs de l’accord – qui propose d’alléger les sanctions imposées à Téhéran en échange de la réduction de son programme nucléaire – ont déclaré à plusieurs reprises que le plan n’empêche ni l’Iran d’élargir son programme de missiles balistiques ni sa marine de perpétrer des actes répréhensibles parrainés par l’État. Par ailleurs, le soutien de la République islamique à ses mandataires se poursuit dans l’ensemble de la région.

Téhéran a longtemps financé et équipé des groupes armés en Irak. Les milices ont régulièrement attaqué le personnel militaire occidental, les missions diplomatiques et les infrastructures civiles du pays, tout en cherchant à renverser ses institutions politiques.

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«Je pense que le Plan d’action global commun est pratiquement mort, mais toujours pas enterré», rapporte Jason Brodsky, directeur des politiques chez United Against Nuclear Iran, à Arab News. (AP)

En Syrie, l’Iran a cherché à renforcer le régime de Bachar al-Assad en envoyant du matériel militaire de pointe et des mercenaires venus des théâtres de conflit de toute la région. Les responsables de la défense israélienne craignent que Téhéran n’utilise la Syrie comme rampe de lancement pour attaquer Israël.

Ailleurs dans la région, l’Iran a longtemps soutenu le Hezbollah au Liban, aggravant la paralysie politique du pays et l’effondrement de sa société. Au Yémen, le soutien iranien à la milice houthie n’a fait que prolonger la guerre et les souffrances du peuple yéménite.

Ces mandataires et les territoires où ils opèrent ont été utilisés pour lancer des attaques transfrontalières de missiles et de drones contre des infrastructures civiles et pétrolières à la fois en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis. Les milices ont également ciblé le transport maritime commercial dans les voies navigables de la région.

Les activités malveillantes de l’Iran menacent donc non seulement la stabilité régionale, mais aussi la liberté de navigation et l’économie mondiale au sens large.

Ainsi, les critiques du Plan d’action global commun affirment que la question est bien plus vaste que le seul dossier nucléaire et que tout accord avec Téhéran devrait également décourager de telles activités.

«Pendant près d’une décennie, l’accord de Vienne, présenté par les administrations Obama et Biden, n’a connu aucun changement», a déclaré le Dr Hamdan al-Shehri, analyste politique et spécialiste des relations internationales, à Arab News.

«Les négociations sont toujours au point mort parce que l’administration du président Biden refuse de faire quoi que ce soit pour finaliser un accord qui pourrait freiner les ambitions nucléaires de l’Iran – un pays qui s’est révélé dangereux pour la région par l’intermédiaire de ses mandataires.»

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L’Iran a longtemps financé et équipé des groupes armés en Irak. (AFP)

Compte tenu des activités de Téhéran et de ses progrès rapides vers l’acquisition de l’arme nucléaire, de nombreux observateurs se demandent si le PAGC peut être sauvé.

«Je pense que le PAGC est pratiquement mort, mais toujours pas enterré», a affirmé M. Brodsky. «Il pourrait encore être relancé, même si les chances sont très faibles.»

«Les dirigeants iraniens ne subissent pas la même pression qu’en 2013 pour relancer l’accord, avec des sanctions multilatérales et la menace plus crédible de force militaire pour détruire l’ensemble de l’infrastructure nucléaire de l’Iran en place à l'époque.»

«C’est pour cette raison que le pays ne ressent aucune urgence, misant sur les prix élevés du pétrole, l’application laxiste des sanctions américaines et un calcul selon lequel, quoi qu’il fasse, les États-Unis et l’E3 [la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni] ne quitteront jamais la table des négociations. Les États-Unis et leurs alliés européens doivent absolument modifier cette perception.»

C’est pour cette raison que la visite de M. Biden au Moyen-Orient est considérée comme une occasion particulièrement précieuse pour changer le cours des événements et proposer des moyens de dissuasion plus agressifs. Cela peut prendre la forme d’une nouvelle alliance de défense aérienne au Moyen-Orient destinée à contrer militairement l’Iran ou, au moins, d’un effort plus concerté afin de priver l’Iran des fonds dont il a besoin pour financer les activités de ses mandataires dans la région.

«Il est absolument essentiel que le président démontre lors de ce voyage que l’Iran n'est pas seulement un dossier nucléaire et qu’il est prêt à poursuivre une stratégie de dissuasion agressive qui vise à contrer son comportement malveillant dans le domaine non nucléaire. C’est ce que la région veut entendre de lui», a ajouté M. Brodsky.

«Des initiatives comme l’alliance de défense aérienne au Moyen-Orient sont nécessaires, mais non suffisantes. L’interdiction et l’action cinétique qui ont pour objectif de repousser l’agression iranienne ainsi que d’endiguer le flux d’argent vers le réseau de mandataires et de partenaires de l’Iran sont absolument vitales. Mais le Plan d’action global commun finance ces activités. C’est à cette contradiction fondamentale au sein de la politique américaine que le président devrait s’attaquer.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


MSF nie les allégations de l’armée israélienne selon lesquelles il existait une «activité terroriste» sur le site d’une attaque meurtrière à Gaza

Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
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  • Deux membres de la famille d’un employé tués et sept autres blessés par l’armée israélienne en février
  • Un obus de char aurait été «tiré directement dans le bâtiment», selon une enquête menée par un organe de presse

DUBAÏ: L’armée israélienne a été accusée d’avoir attaqué intentionnellement et sans provocation un centre d’hébergement de Médecins sans frontières (MSF) qui abritait 64 personnes dans la région d’Al-Mawasi, à Gaza, le 20 février, tuant deux membres de la famille d’un employé et blessant sept autres personnes.

L’attaque a eu lieu malgré le fait que l’armée israélienne a été informée de l’emplacement précis du centre, selon MSF. L’armée a affirmé qu’il existait une «activité terroriste» sur le site, ce que MSF a nié.

Mercredi, Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête».

L’organe de presse a déclaré s’être rendu sur place et avoir utilisé des images prises sur le terrain, des techniques «open source» ainsi que des entretiens avec des témoins et des experts en armement pour comprendre comment l’incident s’est déroulé.

Des témoins ont affirmé à Sky News qu’ils avaient entendu des bruits forts qui semblaient provenir de chenilles de chars, tandis que d’autres ont également entendu des coups de feu.

Les preuves recueillies laissent penser que l’attaque a été déclenchée par un obus de char qui a pénétré par une fenêtre. «Il est difficile de tirer des conclusions définitives à partir d’images, mais je pense que les dégâts sont dus à un obus de char tiré directement dans le bâtiment», a expliqué Chris Cobb-Smith, ancien officier d’artillerie de l’armée britannique et directeur de Chiron Resources.

Ce dernier a réfuté toute idée selon laquelle il s’agirait d’une attaque du Hamas. Il a affirmé qu’il n’était «pas au courant de l’existence d’armes à tir direct de ce calibre utilisées par le Hamas» et qu’il était «peu probable qu’un obus de cette taille ait pu être déployé et tiré compte tenu de l’activité de l’armée israélienne dans la région».

Des témoins et des membres de MSF ont déclaré avoir entendu des coups de feu avant que le bâtiment ne soit touché.

Meinie Nicolai, directrice générale de l’organisation humanitaire, s’est rendue sur place peu après l’attaque. Elle a indiqué que des balles avaient été tirées sur la façade du centre.

L’enquête a par ailleurs révélé que le jour de l’attaque, l’armée israélienne a écrit sur sa chaîne Telegram que ses forces opéraient dans le nord, le centre et le sud de la bande de Gaza et qu’elles menaient «des opérations intensives dans l’ouest de Khan Younès». Cependant, elle n’a pas mentionné les environs immédiats du centre d’hébergement.

En outre, le porte-parole en langue arabe de l’armée israélienne, Avichay Adraee, a publié le même jour une carte d’évacuation de deux quartiers plus au nord, dans la ville de Gaza et ses environs. Cette carte ne couvrait pas la zone où se trouve le centre.

Selon l’enquête, les services d’urgence sont arrivés sur les lieux au moins deux heures et demie après l’attaque pour des raisons de sécurité.

Les blessés ont été transportés à l’hôpital de campagne de l’International Medical Corps à Rafah, a précisé MSF.

«Nous sommes indignés et profondément attristés par ces meurtres», avait commenté Mme Nicolai au mois de février. «Ces meurtres  témoignent de la triste réalité: aucun endroit à Gaza n’est sûr, les promesses de mise en place de zones sûres n’ont pas été tenues et les mécanismes de “déconfliction” ne sont pas fiables», avait-elle ajouté.

L’armée israélienne, qui mène sa propre enquête, a précisé qu’elle avait «tiré sur un bâtiment identifié comme étant le théâtre d’activités terroristes», mais elle n’a fourni aucune preuve.

Dans un communiqué publié mercredi, MSF «réfute toute allégation d’activité terroriste dans les structures gérées par la MSF».

«Le centre était utilisé par le personnel humanitaire et les membres de leurs familles. Il était identifié par un drapeau MSF et les autorités israéliennes étaient informées de son emplacement.»

«Après l’incident, des informations ont été reçues. Elles font état de la mort de deux civils innocents dans la zone. L’armée regrette tout préjudice causé aux civils et fait tout ce qui est en son pouvoir pour opérer de manière précise et exacte», a ajouté l’armée israélienne dans un communiqué.

En vertu du droit international humanitaire, les installations et les unités médicales doivent être respectées et protégées en toutes circonstances.

Oona Hathaway, professeure de droit international à la faculté de droit de Yale, a expliqué à Sky News que les installations médicales sont «présumées être des biens civils et ne doivent pas être prises pour cibles lors d’un conflit armé».

Elle a souligné que si l’armée israélienne prend intentionnellement pour cible un bien civil, cela constitue «potentiellement un crime de guerre».

La semaine dernière, l’armée a mené une opération à l’intérieur et autour de l’hôpital Al-Shifa, affirmant que de hauts responsables du Hamas étaient basés dans cet immense complexe. Des jours de combats intenses ont suivi. L’armée a signalé qu’environ 170 combattants palestiniens avaient été tués et que des centaines d’autres avaient été arrêtés ou interrogés.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Tunisie: quatre accusés condamnés à mort pour l'assassinat de l'opposant Belaïd en 2013

L'avocat tunisien et leader de l'opposition Chokri Belaid (Photo, AFP).
L'avocat tunisien et leader de l'opposition Chokri Belaid (Photo, AFP).
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  • Au total, 23 personnes étaient inculpées pour l'assassinat par balles dans sa voiture devant son domicile le 6 février 2013 de l'avocat de 48 ans, critique virulent du parti islamo-conservateur Ennahdha
  • Après 11 ans d'enquêtes et poursuites judiciaires, le tribunal de première instance de Tunis a également condamné deux accusés à la prison à perpétuité

TUNIS: Quatre accusés jugés en Tunisie pour l'assassinat de l'opposant de gauche Chokri Belaïd en 2013 ont été condamnés à mort, dans le tout premier verdict prononcé mercredi dans cette affaire qui avait secoué le pays et provoqué une grave crise politique.

Au total, 23 personnes étaient inculpées pour l'assassinat par balles dans sa voiture devant son domicile le 6 février 2013 de l'avocat de 48 ans, critique virulent du parti islamo-conservateur Ennahdha, à l'époque au pouvoir en Tunisie.

Après 11 ans d'enquêtes et poursuites judiciaires, le tribunal de première instance de Tunis a également condamné deux accusés à la prison à perpétuité, a annoncé à l'aube sur la télévision nationale Aymen Chtiba, procureur général adjoint du pôle judiciaire antiterroriste.

"Justice a été rendue", a estimé le procureur, expliquant la longueur des délibérés, qui ont duré pendant près de 15 heures, par "la nature et le volume" du dossier.

Entouré de manifestants de gauche réunis comme chaque mercredi au centre de Tunis pour réclamer la vérité sur cette affaire, le frère de Chokri Belaïd, Abdelmajid, a salué auprès de l'AFP "une première bataille gagnée dans cette guerre", tout en promettant de poursuivre "sa lutte", notamment contre "la manipulation du dossier".

Les proches de Chokri Belaïd ont à de nombreuses reprises pointé du doigt Ennahdha, accusant notamment le mouvement de s'être montré "indulgent" envers le discours des islamistes extrémistes qui s'était développé à l'époque.

Quelques heures après le verdict, Zouhaier Ben Abdallah, procureur de la République près du tribunal de première instance de Tunis et responsable à ce titre du pôle judiciaire anti-terroriste, a été démis de ses fonctions, sans qu'aucune explication ne soit donnée, ont rapporté les médias.

Ennahdha a estimé dans un communiqué que les condamnations prononcées mercredi "prouvent (son) innocence". Le parti a dénoncé "une volonté de certains courants idéologiques et partis politiques de l'accuser à tort".

"Dans leur communiqué, ils affirment que les coupables ont été trouvés et que le dossier est clos mais ce n'est pas vrai", a rétorqué Abdelmajid Belaïd, assurant qu'il y aurait "bientôt un autre procès d'autres accusés qui étaient en relation directe avec Rached Ghannouchi", chef d'Ennahdha et principale figure de l'opposition, emprisonné depuis plus d'un an.

Moratoire 

Des peines de 2 à 120 ans d'emprisonnement ont aussi été prononcées contre d'autres inculpés tandis que cinq individus ont bénéficié d'un non-lieu.

Si la justice tunisienne prononce régulièrement des condamnations à la peine capitale, notamment dans des affaires de terrorisme, un moratoire est appliqué de facto depuis les dernières exécutions menées en octobre 1991 lorsque trois membres d'Ennahdha avaient été pendus sous le régime du dictateur Zine El Abidine Ben Ali.

Des jihadistes ralliés au groupe Etat islamique (EI) avaient revendiqué l'assassinat de Chokri Belaïd ainsi que celui, six mois plus tard, du député Mohamed Brahmi, une autre figure de l'opposition de gauche.

Les autorités tunisiennes avaient annoncé en février 2014 la mort de Kamel Gadhgadhi, considéré comme le principal auteur de l'assassinat de Chokri Belaïd, pendant une opération antiterroriste.

Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi s'opposaient à la politique d'Ennahdha, qui a dominé le Parlement et le gouvernement après la révolution tunisienne de 2011 jusqu'à un coup de force de l'actuel président Kais Saied qui s'est arrogé les pleins pouvoirs en juillet 2021.

Les deux assassinats avaient constitué un tournant pour la Tunisie, berceau du Printemps arabe alors en pleine transition démocratique, en provoquant des manifestations et une crise politique au terme de laquelle Ennahdha avait dû céder le pouvoir à un gouvernement de technocrates en 2014.

En juin 2022, le président Kais Saied, qui considère l'assassinat des deux "martyrs" comme une cause nationale, avait ordonné la révocation de dizaines de magistrats soupçonnant certains d'avoir entravé l'enquête, faisant écho aux récriminations des familles et de la défense des deux opposants.

Ennahdha a toujours nié toute implication et après les assassinats, avait classé comme organisation terroriste le mouvement salafiste jihadiste Ansar al-Charia, toléré dans le pays depuis la chute de Ben Ali.

A l'époque, la Tunisie avait également connu un essor des groupes jihadistes avec des milliers d'islamistes partis combattre en Syrie, Irak et Libye.

Des attentats avaient également fait des dizaines de morts, dont près de 60 touristes tués en 2015 au musée du Bardo à Tunis et dans la station balnéaire de Sousse.


Israël: la conscription des ultra-orthodoxes secoue le gouvernement Netanyahu

Les membres d’un groupe juif ultra-orthodoxe se préparent à jouer sur la tombe du rabbin Shimon Bar Yochai au mont Meron, dans le nord d’Israël, le 9 mai 2023 (Photo, AFP).
Les membres d’un groupe juif ultra-orthodoxe se préparent à jouer sur la tombe du rabbin Shimon Bar Yochai au mont Meron, dans le nord d’Israël, le 9 mai 2023 (Photo, AFP).
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  • Compte tenu de la sensibilité de cette question qui a rouvert une fracture profonde dans le pays, la coalition gouvernementale dirigée par M. Netanyahu n'est pas parvenue à un accord
  • La Cour suprême, saisie de plusieurs appels exigeant une conscription immédiate des ultra-orthodoxes

JÉRUSALEM: Le gouvernement israélien est engagé jeudi dans une course contre la montre pour trouver un compromis et répondre à la Cour suprême sur la conscription des ultra-orthodoxes, un dossier épineux pour la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu.

La Cour suprême, saisie de plusieurs appels exigeant une conscription immédiate des ultra-orthodoxes, afin de respecter les lois sur l'égalité entre les citoyens, avait donné jusqu'à mercredi au gouvernement pour formuler une proposition détaillée de projet de loi.

En Israël, le service militaire est obligatoire, mais les juifs ultra-orthodoxes ("haredim" en hébreu) peuvent échapper à la conscription s'ils consacrent leur temps à étudier les textes sacrés du judaïsme, une exemption instaurée à la création de l'Etat d'Israël en 1948 et qui n'a jamais été changée depuis.

Compte tenu de la sensibilité de cette question qui a rouvert une fracture profonde dans le pays, la coalition gouvernementale dirigée par M. Netanyahu n'est pas parvenue à un accord en raison de l'opposition des partis ultra-orthodoxes qui ne veulent pas entendre parler de conscription.

La demande du gouvernement de bénéficier de quelques heures supplémentaires, jusqu'à 12H00 GMT jeudi, pour remettre sa réponse à la Cour suprême, semble indiquer que les différentes parties cherchent à trouver un compromis.

La procureure générale Gali Baharav-Miara, dont le rôle est de conseiller le gouvernement sur les questions juridiques et de le représenter devant les juridictions judiciaires, a jeté un pavé dans la mare mercredi soir en annonçant que le gouvernement aurait l'obligation de procéder à la conscription des ultra-orthodoxes à partir du 1er avril en raison d'un vide juridique.

Au moment où Israël est en guerre contre le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza depuis bientôt six mois, cette exemption est de plus en plus critiquée au sein de la société, dont une partie estime que les juifs ultra-orthodoxes devraient comme les autres apporter leur contribution à la sécurité du pays et faire leur service militaire.

La coalition gouvernementale de M. Netanyahu repose largement sur l'alliance avec les deux grands partis ultra-orthodoxes, Shass et Judaïsme unifié de la Torah, farouchement opposés à la conscription des haredim. Leur défection ferait tomber la coalition.

Défi d'un ministre 

En mai 2023, le gouvernement a voté pour les écoles talmudiques (yeshivot) un budget sans précédent de près d'un milliard d'euros (3,7 milliards de shekels).

Ces derniers avaient soutenu le projet controversé de réforme judiciaire de Benjamin Netanyahu en échange de son soutien à un projet de loi qui devait être discuté au Parlement avant la guerre sur la poursuite du report de la conscription pour les ultra-orthodoxes.

Mais fin février, le ministre de la Défense, Yoav Gallant, avait défié son Premier ministre en annonçant une réforme du service militaire visant à inclure les haredim, et exigé que l'ensemble du gouvernement la soutienne.

Le service militaire (32 mois pour les hommes et deux ans pour les femmes) est obligatoire pour les jeunes israéliens mais la quasi-totalité des ultra-orthodoxes y échappe, grâce à un accord offrant aux jeunes hommes étudiant à plein temps dans des écoles talmudiques de reporter chaque année leur service militaire. Les jeunes femmes religieuses en sont elles automatiquement exemptées.

Depuis l'invalidation par la Cour suprême israélienne en 2012 de la loi Tal, permettant la tenue de cet accord, les exonérations se sont poursuivies, régies par des accords entre les gouvernements successifs et les partis ultra-orthodoxes.

Les ultra-orthodoxes représentent environ 14% de la population juive d'Israël, selon l'Institut israélien pour la démocratie (IDI), soit près de 1,3 million de personnes.

Environ 66.000 hommes ultra-orthodoxes en âge de servir bénéficient de ce report, selon un chiffre de l'armée.

En 1948, ce report permettait à une élite de 400 jeunes de préserver le monde des études des textes sacrés en grande partie décimé pendant la Shoah.

La plupart des haredim réclament le maintien de cette exemption pour tous les étudiants, jugeant l'armée incompatible avec leurs valeurs.