KIEV: Une réunion entre Russes et Ukrainiens en présence de représentants de l'ONU doit s'ouvrir mercredi en Turquie sur la difficile question des exportations des céréales via la mer Noire, sur fond d'aide financière accrue des Occidentaux à Kiev.
Sur le terrain des opérations militaires, l'armée ukrainienne a affirmé avoir bombardé dans la nuit de lundi à mardi les forces ennemies dans la région méridionale occupée de Kherson, tandis des missiles russes se sont abattus en nombre sur Mykolaïv, plus à l'ouest.
"Des délégations militaires des ministères turc, russe et ukrainien de la Défense, ainsi qu'une délégation des Nations unies, s'entretiendront demain à Istanbul sur la livraison en toute sécurité vers les marchés internationaux des céréales en attente dans les ports ukrainiens", a déclaré mardi le ministre turc de la Défense Hulusi Akar.
La Russie a confirmé cette rencontre, tout en soulignant qu'elle voulait notamment se garder "la possibilité de contrôler et de fouiller les navires pour éviter la contrebande d'armes".
L'Ukraine s'est de son côté dite "favorable au règlement de la question du déblocage des céréales ukrainiennes sous les auspices de l'ONU".
"Nous avons vu depuis quelques semaines que la Russie demandait conditions sur conditions à une telle réunion donc je reste prudente", a déclaré mardi soir la chef de la diplomatie française Catherine Colonna.
Toujours sur le front diplomatique, le Kremlin a annoncé mardi un entretien bilatéral entre les présidents russe Vladimir Poutine et turc Recep Tayyip Erdogan, dont le pays se pose en médiateur entre Kiev et Moscou, en marge d'un sommet sur la Syrie le 19 juillet à Téhéran avec leur homologue iranien Ebrahim Raïssi.
Parallèlement, selon Washington, l'Iran s'apprête à livrer "des centaines de drones" à la Russie.
Malgré l'Ukraine, le Brésil veut acheter «tout ce qu'il pourra» de diesel à la Russie
Le Brésil compte acheter autant de diesel qu'il pourra à la Russie malgré son invasion de l'Ukraine et les sanctions qui pèsent sur Moscou, a déclaré mardi à l'ONU le chef de la diplomatie brésilienne, Carlos Alberto Franco França.
Cette déclaration survient après une annonce du président brésilien Jair Bolsonaro selon laquelle un accord est "presque" sur le point d'aboutir à ce sujet avec la Russie.
"Nous devons être sûrs d'avoir suffisamment de diesel pour l'agro-industrie et pour les chauffeurs brésiliens", a expliqué le ministre à des journalistes en marge d'une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU présidée par le Brésil.
Le Brésil est "un partenaire stratégique" de la Russie, un pays dont elle est fortement dépendante pour les engrais, a rappelé le ministre.
Face au problème, non pas tant de la disponibilité du pétrole que du manque de raffinage, qui a réduit les réserves dans le monde, le Brésil "recherche la sécurité" en termes d'approvisionnement et "la Russie fait partie" de ces fournisseurs sûrs, a ajouté le chef de la diplomatie brésilienne.
Face à l'escalade des prix du carburant et à l'approche de la présidentielle d'octobre, Jair Bolsonaro -- proche de Vladimir Poutine -- a annoncé lundi qu'il était sur le point de conclure un accord pour acheter du diesel à la Russie, malgré les sanctions internationales.
Lors d'une conversation téléphonique avec son homologue russe le 26 juin, le président brésilien avait déjà obtenu de la Russie un engagement à garantir un approvisionnement "ininterrompu" en engrais, vital pour la puissante agro-industrie brésilienne.
Puissance agricole mondiale, le Brésil importe plus de 80% des engrais qu'il utilise, et plus de 20% d'entre eux proviennent de la Russie, son principal fournisseur.
Des milliards pour l'Ukraine
Dans ce contexte, les Etats-Unis ont fait savoir mardi qu'ils allaient verser 1,7 milliard de dollars supplémentaires au titre de leur aide à l'Ukraine.
Cela doit porter à quatre milliards le montant total des sommes réglées par les Américains aux Ukrainiens depuis le déclenchement de la guerre.
Cette nouvelle contribution fait partie des 7,5 milliards de dollars promis à Kiev par le président américain Joe Biden en mai.
A Bruxelles, les ministres des Finances des Etats membres de l'Union européenne ont quant à eux donné leur feu vert au versement d'un milliard d'euros à l'Ukraine, faisant passer à 2,2 milliards d'euros le total de l'assistance financière des Vingt-Sept à ce pays depuis le début de l'invasion russe le 24 février.
Le commissaire européen à la Justice Didier Reynders a pour sa part souligné qu'environ 13,8 milliards d'euros d'avoirs d'oligarques et d'entités avaient été gelés dans l'UE dans le cadre des sanctions contre la Russie.
Combats dans la région de Kherson
Sur le front sud, l'Ukraine a déclaré avoir frappé dans la nuit de lundi à mardi les troupes russes à Nova Kakhovka, provoquant la mort de 52 soldats et détruisant un dépôt de munitions.
Des vidéos sur les réseaux sociaux montraient un champignon de fumée de plusieurs dizaines de mètres de hauteur.
Les autorités d'occupation mises en place par les Russes, qui ont accusé l'armée ukrainienne d'avoir touché des maisons et tué au moins sept personnes, ont dénoncé un "acte de terrorisme".
Limitrophe de la péninsule de Crimée annexée par Moscou en 2014, cette zone est largement aux mains des militaires russes.
Les Ukrainiens y mènent depuis plusieurs semaines une contre-offensive tandis que le gros des unités russes est déployé dans la région minière du Donbass, dans l'est.
Frappes «massives» de missiles
Dans la partie méridionale de l'Ukraine, les Russes ont procédé très tôt mardi à des frappes "massives" de missiles sur Mykolaïv, touchant deux établissements médicaux et des immeubles d'habitation, selon le maire de cette ville Oleksandre Senkevytch.
Il a aussi évoqué mardi soir la "destruction complète" d'une école, annonçant un bilan global de 12 blessés.
Au moins 19 missiles Smerch et Tornado ont été tirés, a précisé le gouverneur de la région Vitaly Kim, qui a fait état de douze blessés.
"La terreur russe a franchi depuis longtemps la ligne au-delà de laquelle il est devenu évident pour beaucoup dans le monde civilisé que punir la Russie, un Etat terroriste, pour tout ce qu'elle a fait en Ukraine est une question de sécurité mondiale", a commenté le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
"La guerre continue. Il ne se passe pas un jour sans bombardements russes", a insisté le président ukrainien dans son adresse de mardi soir.
L'armée russe, de son côté, a dit avoir détruit un système Harpoon avec un missile Iskander à Berezan, dans la région d’Odessa (sud), ainsi que des unités militaires et des dépôts de munitions dans le district de Matviivka de la région de Mykolaïv.
«On ne peut pas fuir la guerre»
Dans l'est de l'Ukraine, Kiev s'attend à une nouvelle offensive russe dans la région de Donetsk, formant le Donbass --partiellement contrôlé depuis 2014 par des séparatistes prorusses-- avec celle de Lougansk dont les Russes ont affirmé s'être complètement emparés.
Le bilan du bombardement russe dimanche d'un immeuble d'habitation à Tchassiv Iar, dans ce même bassin minier, a grimpé à 45 morts au moins, selon le dernier bilan des secours ukrainiens.
A Bakhmout, une autre localité de la région de Donetsk, des tirs d'artillerie se sont fait entendre mardi dans un centre-ville quasi déserté.
"On ne peut pas fuir la guerre et on ne sait jamais où elle va vous trouver", a simplement résumé Lioubov Mojaïeva, une agronome de 60 ans.
"Le front se rapproche", constate, résigné, Dmytro Podkuyidko, un responsable de la mairie.
Dans le nord-est, à Kharkiv, cinq personnes ont été blessées dans de nouveaux bombardements, ont déploré les autorités régionales.
Pendant ce temps, à Moscou, l'ambassade de la province séparatiste de Donetsk a été inaugurée mardi, en présence du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.