Le rôle des médias est en principe de fournir les faits de base afin que le public puisse tirer ses propres conclusions sur les avantages et les inconvénients de toute question. Mais lorsque les journalistes et leurs patrons manipulent le contenu des informations pour marginaliser certains faits ou en exagérer d'autres, mettant l'accent sur un aspect plutôt qu’un autre, il est facile d’imaginer de quelle manière le public est dupé.
Le mois dernier, des manifestants israéliens ont scandé «Mort aux Arabes» lors de leur «marche des drapeaux» à l'occasion de la Journée de Jérusalem en Israël. Si les rôles avaient été inversés et que c'étaient des Palestiniens qui avaient proféré les mêmes insultes à l’égard des Israéliens, leurs slogans auraient fait la une des reportages et, sans aucun doute, la corruption morale des Palestiniens aurait été dénoncée.
Après que la journaliste chrétienne palestinienne Shireen Abu Akleh a été tuée le mois dernier, apparemment par un soldat israélien (la balle qui l'a tuée était une balle couramment utilisée par l'armée israélienne), la police et les soldats israéliens ont attaqué le cortège funéraire, frappant les manifestants et les membres de la famille endeuillée alors qu'ils portaient le cercueil au cimetière. Cette information a été reprise dans certains médias occidentaux; s'il s'était agi d'une famille juive dans n'importe quel pays arabe, elle aurait fait la une des journaux.
Ce type de déformation médiatique a été utilisé à plusieurs reprises pour affaiblir les Palestiniens, les Arabes et les musulmans.
Les niveaux de distorsion médiatique varient en fonction du sujet, mais la plus grande cible de cette manipulation est le Moyen-Orient, région dans laquelle ce procédé se révèle efficace pour déformer la vérité et s’en prendre aux Arabes ainsi qu’aux musulmans.
Le public américain et occidental est facilement victime de cette manipulation médiatique en raison des années de stéréotypes négatifs nourris par les films de Hollywood et l'industrie de l'édition occidentale. Par conséquent, les Américains, par exemple, ne remettent pas en question la couverture subjective du conflit israélo-palestinien, car elle correspond aux propos qu'ils ont été conditionnés à croire.
Même si cette haine antiarabe était tempérée par des films et des livres proarabes, les dommages déjà causés sont si importants qu'il faudrait beaucoup de temps pour changer la perception du public. Ce n'est de toute façon pas un problème, car le monde arabe ne fait pas grand-chose pour créer des œuvres ou faire des films qui promeuvent la vérité à destination du public occidental.
Les Américains ne remettent pas en question la couverture partiale du conflit, car elle correspond aux discours qu'ils ont été conditionnés à croire.
Ray Hanania
Ainsi, lorsque certains membres d'une manifestation palestinienne, par exemple, utilisent à tort un langage raciste pour dénoncer les Israéliens, les Juifs et les colons, ou qu’ils affichent des images et des phrases nazies, les médias se concentrent souvent sur ces éléments, en ignorant l'histoire plus vaste de la justice pour la Palestine.
En s'appuyant sur cette partialité des médias, Israël a fait de l'utilisation du terme «antisémitisme» une arme pour attaquer toute personne qui critique Israël, son gouvernement ou ses politiques. Cette utilisation haineuse du terme sape la crédibilité des critiques d'Israël et détourne l'attention du public des véritables problèmes.
Voici un bon exemple de la façon dont les médias occidentaux minimisent les actions racistes des Israéliens: la couverture par CNN de la « marche des drapeaux » israélienne à Jérusalem-Est le 29 mai. Le reportage de CNN n'a pas mis l'accent sur les nombreux manifestants israéliens qui ont scandé «Mort aux Arabes» pendant la marche. Au contraire, l'événement a été présenté comme une confrontation typique entre Israéliens et Palestiniens. L'histoire aurait dû commencer par le fait que des milliers d'Israéliens, protégés par des policiers et des soldats lourdement armés, ont crié «Mort aux Arabes» alors qu'ils défilaient dans Jérusalem-Est occupée, faisant la promotion du drapeau israélien et du nationalisme israélien.
Des histoires rapportées de cette manière saperaient rapidement l'image d'Israël, celle d'un peuple juif qui essaie de se défendre contre les Palestiniens – le fondement de toute la haine antiarabe qui se dégage des sources pro-israéliennes.
Tant que des médias occidentaux déformeront et manipuleront leur couverture pour minimiser les actions d'Israël et exagérer celles des Palestiniens, le conflit ne fera que s'aggraver. En effet, les Palestiniens, qui sont les victimes de l'apartheid et de la haine d'Israël, connaissent la vérité, mais cette dernière est intentionnellement aseptisée par les médias pro-Israël. Ce parti pris nourrit une colère qui conduit souvent les individus à des actes de violence. Je pense que beaucoup d'Israéliens le souhaitent afin de contrer et de détourner l'attention de leurs propres crimes.
Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur plusieurs fois primé de la mairie de Chicago. Vous pouvez le joindre sur son site personnel à l'adresse www.Hanania.com.
Twitter: @RayHanania
NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com