BEYROUTH: Maher Attar est un ancien photojournaliste qui a commencé son métier au cours de la guerre civile du Liban au sein de l’agence Sygma (connue aujourd’hui sous le nom «Corbis-Getty»).
Né à Beyrouth, il apprend le pouvoir de l’image auprès des plus grands de la profession. La guerre Iran-Irak, celle du Golfe, celle des talibans en Afghanistan, le détournement de l’Achille Lauro ou les crises des otages américains et français au Liban: rien n’échappe à son objectif. Le journaliste est primé à de nombreuses reprises pour sa couverture des conflits et des événements dans la région du Moyen-Orient ou pour ses portraits de dirigeants du monde.
Également passionné d’art et de culture et auteur d’une douzaine d’ouvrages de photographie, Maher se consacre désormais à la photographie d’art, et notamment aux portraits. À l’occasion du lancement de son exposition intitulée «Béryte, ville glorifiée», à Art District Gallery, il se confie à Arab News en Français.
Il décrit la relation particulière qu’il entretient avec son appareil, cet objet qui «l’aide à traduire ce qu’il a en tête». Il confie par ailleurs avoir une vision bien à lui de la photographie: «Je suis contre la rafale: moi, je fais une seule image. Je repère, je trouve l’appareil adapté, puis le film, et enfin la sensibilité que je veux laisser transparaître. Je n’utilise que des appareils manuels; j’aime être le maître de la lumière, et je laisse la chimie opérer», explique-t-il.
Tout au long de l’exposition, l’artiste raconte l’histoire d’une ville intemporelle, Beyrouth, qu’il décrit dans toute son agitation, dans sa fierté et dans sa gloire, à travers une série d’images lomographiques (la lomographie est un concept qui consiste à recourir à des appareils neufs issus d’anciens modèles bon marché trouvés dans l’ex-bloc soviétique fonctionnant avec des films argentiques). Une ville aux innombrables visages, mille fois détruite, mille fois reconstruite.
«Agressée à travers les siècles, elle continue à résister et reste debout. Généreuse et bienveillante, elle accueille un grand nombre d'étrangers. Appauvrie et déchirée par la guerre, elle exile son propre peuple. Une cité de tolérance, sans être tolérante. Une cité de divertissement, mais qui n'est pas durable. Une cité originale, mais sans vraiment l’être»: ainsi Maher Attar décrit-il Beyrouth.
Il avoue entretenir un lien particulier avec sa ville natale. «J’ai toujours voulu faire quelque chose sur cette ville malheureuse, abandonnée et abusée. Après plus de trois ans de production et de travail acharné, et malgré toutes les difficultés que j’ai rencontrées, comme la révolution du 17-Octobre, en 2019, la Covid, la crise financière et le massacre du 4-Août, j’ai enfin décidé d’exposer pour donner un peu d’espoir avant, pendant et après les élections», précise le photographe.
Maher Attar, nous l’avons dit, utilise la technique photographique de la lomographie. «L’utilisation d’un appareil de lomographie est un choix technique qui détermine une grande part de l’esthétique de mes projets photographiques», explique Maher Attar. Et c’est précisément le procédé qu’il utilise pour décrire Beyrouth. La capitale libanaise apparaît ainsi sous la forme d’une figure féminine qui a connu de nombreuses douleurs, mais qui est restée debout en dépit de tout.
«La série exposée comprend quatorze images, dont quatre principales [“masterpieces”]: Independance, Dove of Peace, Dignity et Diversity. Sept sont réalisées en salt print [“papier salé”]. C’est une première au Liban. Une invention qui date de 1840, qui traite le tirage papier à base du sel de chlorure», précise Maher Attar.
L’œuvre qu’il a réalisée sur Beyrouth porte en elle les messages de liberté, de paix et d’indépendance. «Je voulais rendre la gloire à ma ville et à Béryte, la capitale de la Phénicie à l’époque romaine», conclut le photographe.