LA HAYE : En chaises roulantes, aidés de prothèses et d'attelles, plusieurs Ukrainiens s'entraînent au tir à l'arc aux Pays-Bas, à quelques heures de l'ouverture de la cinquième édition des Invictus Games, ces jeux imaginés par le prince Harry pour les soldats blessés au combat.
Participant envers et contre tout à la rencontre sportive, parés de bleu et jaune, les couleurs nationales de l'Ukraine, ils jettent entre leurs tirs des coups d’œil à un petit cadre blanc posé sur une table à proximité des cibles : y trône la photo d'un homme avançant fièrement sur un terrain d'entraînement, tout sourire, un arc dans chaque main.
Si sa photo ne laisse pas deviner de handicap, Dmytro Sydoruk, l'entraîneur de l'équipe ukrainienne lauréat d'une médaille d'argent à la troisième édition, à Toronto en 2017, des jeux Invictus, souffrait de "multiples blessures" et ne marchait plus bien, raconte à l'AFP Serhii Kalytuck, en chaise roulante depuis plusieurs années, qui prend part à différentes compétitions.
Mais, il explique qu'après le début de l'invasion de l'Ukraine le 24 février, Dmytro Sydoruk a "caché le fait qu'il n'avait pas à être mobilisé" et "est retourné au front, où il a été tué", moins de deux semaines avant que ne commence cette compétition sportive organisée sur le modèle des jeux paralympiques.
"C'était l'un d'entre nous, nous pleurons sa perte et il nous manque beaucoup", lâche Dmytro Afanasiev, à l'épaule soutenue par une attelle.
La plupart des membres de l'équipe sont retournés servir après le 24 février, même si, en raison de leur état de santé, ils pourraient ne plus le faire, poursuit-il.
Le courage et la présence des Ukrainiens ont été salués par le prince Harry samedi soir. Mais, pour ces combattants qui ont remporté une première médaille dimanche, "il ne s'agit plus de sport", ajoute M. Afanasiev.
Les Invictus Games, dans lesquels ils participeront notamment au tir à l'arc, à l'athlétisme, au volley-ball et au basket-ball, sont plutôt "notre façon de parler au monde, pour faire passer le message que nous nous battons" dit-il à l'AFP.
L'Ukraine n'échoue pas, "mais les gens, la défense et les civils se font tuer", ajoute-t-il, appelant à encore plus de soutien et plus d'armes pour son pays.
«Pas le choix»
Il attire également l'attention sur l'absence d'une femme membre de l'équipe, capturée à Marioupol, une ville portuaire stratégique que les forces russes affirment presque entièrement contrôler au terme de combats acharnés.
Yuliia Paievska, surnommée Taira, une employée du secteur paramédical ukrainienne, "doit être libérée", lance-t-il.
"Elle s'est préparée pour cette compétition pendant trois ans et, maintenant, elle ne peut pas y être", se désole sa fille Anna Sophia Puzanova, 18 ans, présente à l'entraînement.
Quatre participants aux essais Invictus Games de l'équipe ont en outre été tués au combat en mars 2022, a annoncé l'organisation.
Plus de 500 participants de 20 nations prennent part à l'événement, qui a été reporté deux fois en raison de la pandémie de Covid-19 et qui se termine le 22 avril.
Les participants ainsi que plusieurs milliers de personnes présentes à la cérémonie d'ouverture samedi soir ont ovationné l'équipe ukrainienne.
Après les Invictus Games, qui se déroulent pour cette cinquième édition dans la ville néerlandaise de La Haye, sur les "rives de la justice internationale et de la paix", selon le prince Harry, l'équipe retournera en Ukraine.
"La raison pour laquelle nous retournons à la guerre est très simple : qui d'autre que nous ? C'est notre pays", s'exclame M. Kalytuck.
"Beaucoup de gens font ça, ils retournent en première ligne, ils prétendent aller bien même si ce n'est pas le cas", poursuit-il.
"Nous n'avons pas d'autre choix", "c'est une question de survie pour notre pays", estime M. Afanasiev.