Orban, cas particulier dans l'UE, de plus en plus isolé pour son soutien à Poutine

Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, assistant au rassemblement de clôture de campagne de son parti Fidesz, à Szekesfehervar, en Hongrie, le 6 avril 2022. (Getty Images)
Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, assistant au rassemblement de clôture de campagne de son parti Fidesz, à Szekesfehervar, en Hongrie, le 6 avril 2022. (Getty Images)
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Publié le Jeudi 14 avril 2022

Orban, cas particulier dans l'UE, de plus en plus isolé pour son soutien à Poutine

Orban, cas particulier dans l'UE, de plus en plus isolé pour son soutien à Poutine
  • Les partenaires européens d'autrefois ont condamné la réticence d'Orban à agir contre la Russie ou même à critiquer l'agression russe en Ukraine
  • L’affaiblissement du pouvoir du dirigeant hongrois sera un triomphe majeur pour ceux qui aspirent à une Europe ouverte et respectueuse de tous les peuples

Nombreux sont ceux qui affirment que la guerre en Ukraine a changé le monde et que le système international ne sera plus jamais le même. On ignore toutefois comment ce changement va s’opérer, d'autant plus que la guerre fait toujours rage et que l’on ressent déjà ses premières répercussions sur les relations européennes.
Cela a été mis en évidence par l'inéluctable «victoire» électorale de Viktor Orban en Hongrie la semaine dernière. Le chef du Fidesz avait affirmé, sans preuves, que l'opposition pousserait le pays à la guerre avec la Russie. Les médias proches d'Orban ont servilement répété cette phrase. Malheureusement, il n'y a quasiment plus de médias indépendants en Hongrie.
Le problème est qu'Orban a sans doute des partisans chez lui, mais la guerre en Ukraine l'a de plus en plus isolé en Europe. Jusqu'à présent, la Hongrie avait des alliés importants au sein de l'UE, qui étaient prêts à la protéger des États horrifiés par les penchants autoritaires du dirigeant hongrois ainsi que par ses opinions antimusulmanes et antijuives. La Pologne était l'un de ces alliés, le parti au pouvoir Droit et Justice partageant de nombreuses positions d'Orban, tandis que des populistes d'extrême droite tels que Matteo Salvini en Italie et Marine Le Pen en France l’admiraient également. Orban, en tant qu’actuel plus ancien chef de gouvernement de l'UE, est devenu l'un des héros de l'extrême droite populiste à travers le monde, de la même manière que Fidel Castro à Cuba et Hugo Chavez au Venezuela attiraient les gauchistes.
Les partenaires européens d'autrefois ont condamné la réticence d'Orban à agir contre la Russie ou même à critiquer l'agression russe en Ukraine. Le mieux qu'Orban pouvait faire était d’affirmer discrètement qu'il avait appelé le président russe, Vladimir Poutine, pour demander un «cessez-le-feu immédiat» en Ukraine. Il a accepté à contrecœur les sanctions de l'UE contre la Russie, mais a refusé de les étendre au pétrole et au gaz russes. Ses relations avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, vont du froid au sibérien. Orban, dans son discours de victoire électorale, l'a cité comme un adversaire qu'il avait vaincu.
Cependant, les voisins de la Hongrie, tout comme la plupart des pays européens, voient les choses d’une façon très différente. La Pologne est terrifiée par la menace russe, et les dirigeants polonais ont reproché à d'autres pays de l'UE de ne pas être assez sévères.
Orban a également déclaré que la Hongrie se contenterait de payer la Russie en roubles pour le gaz, comme l'a exigé Poutine. Cela constituerait toutefois une violation des sanctions de l'UE, ce que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, n'a pas tardé à souligner.
Que représente donc le maintien d’Orban au poste de Premier ministre pour l'avenir de l'UE? La Hongrie ne peut prétendre de manière crédible d’être toujours une démocratie, d’autant plus qu’elle enfreint une multitude de règles et réglementations de l'UE.
Étonnamment, l'UE n'a pas fait grand-chose pour faire respecter ses règles par la Hongrie, tout en continuant à canaliser des milliards d'euros dans sa direction. Mais Bruxelles a finalement fait un pas en ce sens. Deux jours après la «victoire» d'Orban aux urnes, la Commission européenne a invoqué sa nouvelle procédure de l'État de droit. Cela pourrait conduire Budapest à perdre pas moins de 40 milliards d'euros d’un financement primordial de la part de l'UE. Cette avantageuse source de financement venant de l'UE dont Orban s'est nourri avec reconnaissance pourrait être coupée. Bruxelles affirme à juste titre que la Hongrie a renié ses engagements d'adhésion à l'UE en ce qui concerne la liberté de la presse, un système judiciaire indépendant et une économie ouverte, tout en échouant à combattre la corruption.
La Hongrie a été un cas particulier dans l'UE sur de nombreuses questions, notamment en ce qui concerne la Russie, mais également pour son soutien à l'oppression des Palestiniens par Israël. Ici encore, à certaines occasions, Budapest pourrait compter sur le soutien des autres États du groupe de Visegrad qui partagent sa politique peu libérale, mais aucun d'entre eux n'est satisfait de la position de la Hongrie par rapport à la Russie. Cet ensemble de quatre pays comprenant la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie a été défait, ce qui constitue sans doute un soulagement pour de nombreuses capitales d'Europe occidentale.
Orban n'a eu besoin que d'un seul État de l'UE pour empêcher l'imposition de sanctions à la Hongrie. La Pologne avait joué ce rôle et, ensemble, les deux pays ont même bloqué le budget 2020 de l'UE. Maintenant, la Hongrie approche du statut de lépreux.

«Il ne sera plus le centre d'attention, mais une figure qu’il faudra priver d'influence et d'attention»

Chris Doyle

Une bouée de sauvetage potentielle pour Orban serait La victoire de Le Pen à l'élection présidentielle française. Le Pen et Orban ont une admiration mutuelle l’un pour l’autre. Il n'est pas surprenant que Le Pen ait tweeté ses chaleureuses félicitations au dirigeant hongrois: «Quand le peuple vote, le peuple gagne.» De plus, un allié d'Orban aurait arrangé un prêt pour son parti du Rassemblement national. Si la France devait être dirigée par une personne prête à servir de bouclier à la Hongrie, ce serait une importante victoire pour Orban.
En revanche, le scénario le plus probable est que le Premier ministre hongrois se retrouve isolé dans l'UE comme jamais auparavant, du moins pour les prochains mois, alors que l'Ukraine en demeure l’enjeu central. Les États de l'UE peuvent le priver des euros, puis ignorer Orban, l’isolant ainsi dans son propre confinement. Il ne sera plus le centre d'attention, mais une figure qu’il faudra priver d'influence et d'attention. L'ultranationaliste Orban devra choisir entre maintenir ce qu’il qualifie lui-même de «démocratie peu libérale» et les liens étroits avec la Russie, d’une part, et être membre à part entière de l'UE, d’autre part.
Pour l'Europe, cela montre que les lignes de démarcation et les zones de tension se sont déplacées, pour l'instant, des politiques identitaires et des politiques anti-immigration et antimusulmanes, à la façon dont les États s'alignent sur la Russie. La leçon pour de nombreux dirigeants européens est qu'ils ont été trop indulgents envers des autocrates comme Orban. Dans cette compétition, l’affaiblissement du pouvoir du dirigeant hongrois sera un triomphe majeur pour ceux qui aspirent à une Europe ouverte et respectueuse de tous les peuples. Ce sera également un coup dur pour tous les aspirants autocrates d'Europe.

Chris Doyle est le directeur du Council for Arab-British Understanding, basé à Londres. Twitter: @Doylech
NDRL: Les opinions exprimées dans cette rubrique sont personnelles et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com