PARIS: Deux cents ans après le déchiffrement des hiéroglyphes, la Bibliothèque nationale de France à Paris lance "l'année Champollion" avec une exposition, à partir de mardi, qui montre l'ingéniosité d'un surdoué des langues, fasciné par l'Egypte ancienne.
Jean-François Champollion est resté dans l'Histoire comme le père de l'égyptologie, passion française depuis la fameuse expédition en Egypte lancée par Napoléon Bonaparte en 1798.
En septembre 1822, "eurêka": il a compris cette écriture dont le sens s'était perdu depuis plus d'un millénaire.
L'exposition à la BnF François-Mitterrand à Paris, de mardi jusqu'au 24 juillet, s'ouvre sur le document qui a marqué l'histoire de la philologie (étude des écrits en langues anciennes), la "Lettre à M. Dacier" où le savant expose sa découverte.
Le grand public connaît mieux la pierre de Rosette, stèle gravée en trois langues, dont les hiéroglyphes et le grec. Mais celle-ci, que les Britanniques ont rapportée à Londres, et que Champollion n'a jamais vue, est au British Museum. La BnF en montre deux reproductions: un moulage et une gravure.
La rivalité franco-britannique de l'époque est encore sensible. Lancé dans la même quête, "Thomas Young n'était pas si loin que cela de déchiffrer les hiéroglyphes. Sauf qu'il lui manquait la connaissance du copte pour bien comprendre la grammaire égyptienne", relève l'une des commissaires de l'exposition, Vanessa Desclaux.
Lunettes de soleil
Car "Champollion le Jeune" (pour le distinguer de son frère aîné Jacques-Joseph, autre savant) était un polyglotte avide. Pour l'anecdote est exposé un manuel en latin grâce auquel il étudia... le chinois. Peu de langues orientales échappèrent à sa curiosité: hébreu, arabe, syriaque, araméen, chaldéen, amharique, persan, sanscrit, entre autres.
"Il maîtrisait tous les états de la langue égyptienne, à commencer par l'écriture hiératique, qui était employée sur les papyrus", souligne Hélène Virenque, autre commissaire.
Après 1822, Champollion sera soucieux de publier ses découvertes et de les transmettre. Il est l'auteur d'une grammaire et d'un dictionnaire de l'écriture pharaonique, et donnera des cours au Collège de France, en plus de son rôle de conservateur des Antiquités égyptiennes au Louvre.
"Alors qu'il sent sa santé décliner, il veut mettre tous ses travaux en ordre. Et il fait bien: il meurt jeune, à 41 ans. Il ne s'est pas contenté de retrouver une écriture. Il a fait revivre toute une langue", explique Vanessa Desclaux.
Ses lunettes de soleil, un passeport, une pipe qu'il ramène d'Egypte laissent imaginer ce qu'était l'exploration de la vallée du Nil à son époque.
«Il s'est peu trompé»
"Deux siècles après, on voit combien Champollion s'est peu trompé. Il fait ces découvertes. Et il ne se laisse jamais enfermer dans un problème, il a des intuitions qui serviront à d'autres", commente Guillemette Andreu-Lanoë, directrice honoraire des Antiquités égyptiennes au Louvre.
L'occasion est également donnée d'admirer le plus ancien texte littéraire qui nous soit parvenu, dit "papyrus Prisse" (du nom de son découvreur, un autre égyptologue français). En égyptien ancien et graphie hiératique, il date d'environ 1800 avant Jésus-Christ.
L'exposition, très colorée, vise un public instruit aussi bien que familial, avec des vidéos à destination des plus jeunes, et des pièces prêtées par le Louvre, comme un magnifique sarcophage.
Cette année Champollion sera marquée en France par un colloque à la BnF du 16 au 20 mai. Une autre exposition est prévue au Louvre à Lens (Pas-de-Calais, nord) à partir du 28 septembre. Et sa ville natale de Figeac (Lot, sud-ouest), où se trouve un musée Champollion, a prévu divers événements culturels et artistiques à partir de mai.