MONTRY, France : Uniformes, Marseillaise et accompagnement resserré: au centre Epide de Montry, à l'est de Paris, des jeunes aux parcours difficiles sont ramenés vers l'emploi et la citoyenneté. A quelques jours de la présidentielle, certains iront voter, "par devoir", et d'autres sont indifférents.
Sur un parc de 21 hectares doté d'un château, cet internat d'inspiration militaire est l'un des 20 centres de l'Etablissement pour l'insertion dans l'emploi (Epide). L'organisme --sous la triple tutelle des ministères du Travail, de la Cohésion des Territoires et de la Défense-- cible les plus fragiles, en voie de marginalisation.
En cette journée de fin mars, le site accueille quelque 140 jeunes de 17 à 25 ans. La plupart sont hébergés du lundi au vendredi, mais depuis peu, une quarantaine restent le week-end pour cause d'"errances résidentielles", explique à l'AFP la directrice du centre Marie-Josée Galas.
L'objectif est de "les insérer dans la vie sociale et professionnelle", d'en faire "des citoyens à part entière", dit-elle.
A ce titre, certains ont participé à des ateliers sur la façon de s'inscrire sur les listes électorales. Mais, insiste la directrice, "on oblige à rien". "On propose, on forme, mais ils sont libres de faire leurs propres choix".
«Un droit et un devoir»
"Pour moi, c'est tous les mêmes", la politique "c'est pas franchement quelque chose qui m'intéresse", tranche Alexis, 17 ans, qui se rêve mécanicien militaire. "Je pense que je vais voter. C'est ma première chance d'y aller", relève Dylara, 18 ans, prenant soin de ne pas dévoiler ses intentions devant ses camarades.
Car le sujet est sensible et peut créer "de gros conflits", des "embrouilles", soulignent les jeunes.
Or, la discipline est un des fondamentaux de l'Epide, où certains arrivent avec des problèmes d'addiction ou après des soucis avec la Justice.
Une partie de l'encadrement --une soixantaine de personnes-- vient d'ailleurs des rangs de l'armée. Le vouvoiement est de rigueur et chaque jeune, appelé "volontaire", a signé un contrat.
Leurs journées --démarrées avant 07H00 -- sont ponctuées par des travaux d'entretien collectif (TEC), les cérémonies des couleurs ou encore des ateliers.
Les jeunes restent en moyenne sept mois et demi, selon la directrice, qui revendique "un taux d'insertion de 60%".
Réunis dans une salle, sous l'oeil vigilant de deux "cadres", des résidents répondent sur leur rapport au vote.
"Mis dehors" par ses parents, Logan, 20 ans, qui s'apprête à quitter l'Epide, n'était "pas forcément très investi", mais est désormais intéressé et hésite entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon.
A ses côtés, Lauryn, 22 ans, "très déterminée" à devenir maître-chien parachutiste, estime que "c'est un droit, mais aussi un devoir d'aller voter".
«Blessures du passé»
Après quelques rappels à l'ordre sur le rasage qui "n'est pas une option" ou le respect de la tenue rouge et bleu marine, place aux ateliers: "Parcours citoyen Epide (PCE)" où l'on apprend par exemple le fonctionnement des institutions, "formation générale" ou encore code de la route.
Et à la mi-journée, comme tous les lundi et vendredi, les jeunes chantent la Marseillaise, au garde à vous devant le château.
L'Epide met aussi l'accent sur les "freins sanitaires et sociaux" car ces jeunes - pour beaucoup en rupture familiale - sont parfois "marqués" physiquement ou psychologiquement, explique Mme Galas.
Une infirmière et une chargée d'accompagnement social sont présentes à temps plein, et une psychologue une fois par semaine pour travailler sur leurs "blessures du passé".
A la pause déjeuner, où les jeunes répartis par "sections" se rendent au pas cadencé, Maeva, 20 ans, explique qu'elle ne s'est "jamais sentie intéressée, visée, comprise" par la politique. En rupture avec ses proches, la jeune femme relève qu'elle a "déjà des choses à régler". Elle préfère se "mettre à part".