BEYROUTH: Le gouvernement libanais devrait prendre une décision jeudi sur l'opportunité de créer des "mégacentres" pour faciliter le vote lors des prochaines élections législatives.
L'objectif de ces installations, souhaitées par le président Michel Aoun, est de permettre aux électeurs de voter en dehors de leur zone d'inscription, leur évitant ainsi de retourner dans leur ville natale pour le faire.
Il a cependant été suggéré que la création de ces centres pourrait entraîner un report des élections, actuellement prévues pour le 15 mai.
Le Conseil des ministres doit maintenant statuer sur la marche à suivre. S'il approuve l'idée, un projet de loi devra être soumis au Parlement afin de permettre la création de ces centres.
Pour le camp d'Aoun «aucune mesure légale n'est nécessaire pour adopter les mégacentres. Ce sera très simple si l'intention politique est là». L’opposition estime quant à elle que «la question nécessite des amendements juridiques et entraînera un coût financier très élevé».
Un comité minstériel a déjà rédigé un rapport sur la question, dans lequel le ministre du Tourisme Walid Nassar évalue «le coût de la création de huit mégacentres» à «2 millions de dollars» (1 dollar américain = 0,90 euro). Le projet devrait selon lui aboutir «en trois semaines maximum».
Le ministre de l'Intérieur Bassam Mawlawi a de son côté fait part de ses craintes quant aux exigences techniques liées à la mise en place des installations qui devraient entraîner des perturbations.
«Le comité ministériel est contre le report des élections et insiste pour qu'elles aient lieu à la date prévue, sans aucun délai», a-t-il pourtant insisté.
Le retard serait causé par la nécessité pour les centres de disposer des «principes et exigences nécessaires pour organiser une élection saine», a-t-il expliqué.
«Ce n'est pas une tente que l’on peut monter dans les quartiers avec une urne sur une table. C'est bien plus compliqué.
«Les mégacentres sans connexion électronique, fibre optique et serveur central qui assure la liaison nécessaire ne sont pas de véritables mégacentres, à moins qu'ils ne veuillent qu'ils ressemblent à des tentes.»
D'après Mawlawi, «l’entreprise qui sera en charge de ce projet aura besoin d’un maximum de trois mois pour accomplir les travaux et relier les principaux centres électoraux au serveur principal. De plus, ce qui s'applique aux électeurs libanais vivant à l'extérieur du pays devrait s'appliquer aux électeurs résidant dans le pays.»
Les observateurs politiques ont indiqué que l'insistance du Courant patriotique libre d'Aoun à établir des mégacentres visait à «imposer la prolongation du mandat du Parlement actuel afin que ce même Parlement élise le prochain président dans le cadre d'un certain règlement.»
Les élections présidentielles devront avoir lieu en octobre.
Mais le Courant patriotique libre (CPL) a déclaré que son appel à la création de mégacentres a été lancé en réponse au changement de circonstances depuis les élections de 2018.
«Cela est dû à l'effondrement économique important dont souffre le pays depuis 2019 et parce qu'il serait difficile pour les électeurs de se rendre dans leurs villages à cause du coût élevé des transports», a-t-il éclairci.
L'énorme flambée du prix de l'essence, qui a atteint environ 500 000 livres libanaises (1 livre libanaise = 0,0006 euro) le gallon, signifie que les centres permettraient aux Libanais d'économiser des milliards de livres, a annoncé le CPL.
«En outre, les mégacentres contribuent à libérer les électeurs de nombreuses restrictions, à augmenter le taux de participation et à promouvoir la légitimité du processus électoral», a-t-il précisé.
Le CPL craint que le coût élevé du transport pour aller voter ne dissuade de nombreuses personnes de le faire. Pour certains observateurs politiques, d'autres partis politiques, en particulier le Hezbollah et le Mouvement Amal, sont opposés à l'idée des mégacentres car cela pourrait diluer l'influence qu'ils détiennent dans les petits villages et les villes.
D'autres observateurs ont déclaré que le CPL pourrait délibérément chercher à retarder les élections pour lui donner une plus grande chance de remporter davantage de sièges parlementaires dans certaines régions.
«L'objectif pourrait être encore plus grand que cela. Le Courant patriotique libre pourrait chercher à créer un vide parlementaire afin de perturber les prochaines élections présidentielles», a déclaré l'un d'eux. «De cette façon, Aoun reste le président pour diriger les affaires de l'État.»
Le député Mohamed Hajjar, du bloc parlementaire du Futur qui représente la majorité sunnite au Parlement, a déclaré à Arab News que si le Parlement décidait de prolonger son mandat, les députés du bloc démissionneraient.
«Cette décision a été prise et est irréversible. Quant au report des élections, c'est une autre histoire. Nous insistons pour que les élections législatives soient tenues à temps. Cependant, si un événement inattendu se produit, cela constitue une autre affaire.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com