Le Bénin expose pour la première fois ses 26 trésors restitués par la France

Les visiteurs regardent des œuvres d'art en métal pillées par des soldats coloniaux français exposées lors d'une exposition d'artefacts béninois saisis et d'une exposition d'œuvres d'art contemporaines à la présidence à Cotonou, la capitale du Bénin, le 18 février 2022. (Photo, AFP)
Les visiteurs regardent des œuvres d'art en métal pillées par des soldats coloniaux français exposées lors d'une exposition d'artefacts béninois saisis et d'une exposition d'œuvres d'art contemporaines à la présidence à Cotonou, la capitale du Bénin, le 18 février 2022. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 19 février 2022

Le Bénin expose pour la première fois ses 26 trésors restitués par la France

  • Au sein du palais présidentiel à Cotonou, un espace muséal de plus de 2000 m2 a été aménagé pour accueillir cette exposition intitulée « Art du Bénin d’hier et d’aujourd’hui, de la restitution à la révélation»
  • Les 26 œuvres rendues par la France, après plus de deux ans de négociations entre Paris et Cotonou, sont la première importante restitution d'objets de collections publiques à un pays africain

COTONOU : Le président béninois Patrice Talon inaugure samedi soir une exposition historique et hautement symbolique à Cotonou, où les 26 trésors royaux restitués en novembre par la France seront présentés pour la première fois au peuple béninois, 129 ans après leur vol.

Au sein du palais présidentiel à Cotonou, un espace muséal de plus de 2000 m2 a été aménagé pour accueillir cette exposition intitulée "Art du Bénin d’hier et d’aujourd’hui, de la restitution à la révélation", qui ouvrira dimanche matin au public jusqu’au 22 mai.

Les 26 œuvres rendues par la France, après plus de deux ans de négociations entre Paris et Cotonou, sont la première importante restitution d'objets de collections publiques à un pays africain.  

"Avec cette exposition, nous rendons au peuple béninois, une partie de son âme, une partie de son histoire, et de sa dignité", a déclaré à l’AFP le ministre de la Culture du Bénin, Jean-Michel Abimbola.

Le président Patrice Talon, qui inaugurera officiellement l'exposition à 17H00 (16H00 GMT), a présenté samedi matin les 26 trésors autrefois exposés au musée du quai Branly à Paris, à la ministre de la Culture française Roselyne Bachelot, en déplacement à Cotonou. 

"C'est une exposition absolument magnifique et elle rend encore peut être mieux la majesté, la créativité, l’incroyable patrimoine historique, politique et esthétique que représentent ces 26 œuvres", a déclaré à l'AFP la ministre française après sa visite.

Ces trésors avaient été pillés en 1892 par les troupes coloniales françaises dans le palais d’Abomey, capitale du Royaume du Dahomey, au centre-sud du Bénin actuel.

Ferment de l'unité nationale

Ces œuvres "ont quitté un royaume, mais elles reviennent dans une république, et nous voulons que ce soit le ferment de l’unité nationale", a précisé le ministre béninois.

Avant son unification, le Bénin était constitué de plusieurs royaumes, dont celui du Dahomey, très connu pour la vitalité artistique de sa cour.

Attention donc, il ne s’agit plus seulement des "trésors du Dahomey", mais bien "des trésors du Bénin, de tous les Béninois" insistent les autorités.

La première salle de l'exposition, dont les immenses murs peints en noir lui donnent un caractère solennel, met à l'honneur les trônes des souverains du Dahomey. 

Et particulièrement, celui du roi Ghézo (1797-1818), majestueuse sculpture de bois aux motifs afro-brésiliens de près de deux mètres, surmontée d'une tablette incurvée.  

"Depuis  le début de l'installation, je ne cesse de le contempler", explique à l'AFP Théo Atrokpo, un des médiateurs de l'exposition, qui frémit d'impatience "d'en expliquer l'histoire" à ses compatriotes.

"Je l'avais déjà vu en France, mais le voir ici, chez nous, c'est retrouver une partie de notre âme, c'est nous connecter à notre histoire", ajoute ce guide culturel âgé de 42 ans.

Vendredi soir, l'exposition a été montrée en avant première à la presse et au monde de l'art.

De la statue mi-homme mi-lion du roi Glèlè à celle mi-homme mi-oiseau du roi Ghézo, en passant par les portes du palais royal, les invités, très émus, se pressaient pour admirer les trésors.  

"C'est très émouvant de me retrouver face au trône du roi Ghézo, je ne l'avais pas imaginé aussi grand, aussi puissant", confie Laeila Adjovi, artiste franco-béninoise dont plusieurs œuvres sont aussi présentées lors de cette exposition. 

Car à côté des trésors, 34 artistes béninois contemporains ont été sélectionnés pour y présenter plus d'une centaine d’œuvres.

Scène contemporaine

Une volonté du gouvernement de lier "l'histoire au présent", et montrer que le "génie artistique béninois a perduré", malgré la dépossession d'une partie de son patrimoine.

"Je ne les avais jamais vus avant, et pourtant il y a un dialogue évident entre ces trésors et mes œuvres", explique Sébastien Boko devant ses sculptures de bois et métal, présentées dans la partie contemporaine.

Des tapisseries monumentales d'Yves Appollinaire Pèdé mettant à l'honneur le vaudou, à l'installation réalisée à partir de cheveux de Dimitri Fagbohoun, en passant par les robots afro-futuristes d'Emo de Medeiros et les peintures monumentales et colorées de Moufouli Bello, cette deuxième partie montre la vitalité artistique de la scène contemporaine béninoise. 

Plusieurs galeristes et acteurs du monde de l'art internationaux venus assister à cette exposition historique, ont confié avoir été épatés par la scénarisation, qui n'a rien à envier, selon eux, à celles des grands musées européens.

Un pied de nez à l'argument longtemps avancé par certaines institutions, qui refusent de restituer des œuvres, d'un manque de formation et de financement pour les exposer et les conserver sur le continent. 

"Il faut que cette exposition amorce la restitution de toutes nos œuvres, elles sont à nous, un point c'est tout", lance avec émotion l'artiste Laeila Adjovi.

La France, mais aussi d'autres pays européens, possèdent toujours un nombre important d’œuvres pillées durant la colonisation. Le Bénin demande la restitution d'autres œuvres, notamment la sculpture du Dieu Gou, détenue par le Musée du Louvre à Paris. 

"Ce travail de restitution continue", a assuré samedi Mme Bachelot. "Nous sommes en train de travailler sur une loi cadre pour faciliter ces restitutions", a-t-elle ajouté, précisant que le travail législatif pourrait prendre au moins deux ans.


Les députés érigent l'agriculture en « intérêt général majeur »

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  • "La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux"
  • L'engagement avait été pris par Emmanuel Macron au salon de l'Agriculture, alors que la colère des agriculteurs battait son plein

PARIS: Les députés ont approuvé jeudi un article du projet de loi agricole qui prévoit de conférer à l'agriculture un caractère "d'intérêt général majeur", une innovation juridique censée répondre à une demande des agriculteurs, mais dont les oppositions contestent la portée.

"La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux", énonce cet article-clé du projet de loi.

L'engagement avait été pris par Emmanuel Macron au salon de l'Agriculture, alors que la colère des agriculteurs battait son plein. "Sur le plan juridique, ça positionne l'agriculture en équilibre avec l'environnement", avait approuvé Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, premier syndicat agricole.

"Cela va venir produire, sur le long terme, des effets dans la manière dont vont pouvoir être pondérés différents objectifs de politiques publiques, et dans la manière dont, sur le terrain, des projets agricoles pourront être évalués, réalisés et développés", a affirmé le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau.

Plusieurs députés -- à l'instar de juristes --, doutent cependant de sa portée.

La mesure "crée le fantasme d'une remise en cause de la charte de l'environnement" et "donne l'illusion au monde paysan qu'on a répondu de façon démagogique à toutes ces attentes d'être au-dessus du reste des normes, du droit", a fustigé Dominique Potier (PS).

Nicole Le Peih, rapporteure Renaissance, a admis qu'il s'agissait d'une "innovation juridique" qui ne "modifie pas la hiérarchie des normes".

"Il n'y a pas de remise en cause du principe constitutionnel de la protection de l'environnement" mais "lorsque plusieurs dispositions législatives seront en présence, voire seront contradictoires, l'agriculture fera désormais l'objet d'une attention spécifique", a-t-elle soutenu.

« Intentions »

L'article propose également une longue définition de la souveraineté alimentaire et agricole de la France, reposant notamment sur sa capacité à "produire, transformer et distribuer" les produits nécessaires à "une alimentation suffisante, saine (et) sûre".

Il pose aussi le principe "d'ici au 1er juillet 2025 puis tous les dix ans d'une programmation pluriannuelle de l'agriculture".

Le reste consiste surtout en une longue liste de bonnes pratiques que les politiques publiques sont censées suivre pour assurer cette "souveraineté alimentaire".

L'article a surtout permis à chaque groupe de faire valoir sa vision de l'agriculture, et au camp présidentiel de jouer la carte de la co-construction.

Il a intégré certains objectifs proposés par Les Républicains (justifier et évaluer les surtranspositions avant de les mettre en place, valoriser les agricultrices) ou la gauche (améliorer les conditions de travail des agriculteurs, développer la prévention sanitaire).

Mais l'article "n'a aucune valeur normative" et n'apporte "aucune contrainte", a déploré Sébastien Jumel (PCF). Aurélie Trouvé (LFI), a dénoncé l'absence de mesures pour des "prix planchers".

"C'est caricatural", a rétorqué Henri Alfandari (Horizons), estimant que les agriculteurs demandaient aussi de la clarté sur leurs missions. L'article pose des "intentions qui encouragent", pour Julien Dive (LR).

Les députés RN ont eux fustigé le manque de soutien à leurs amendements.

Les règles de la procédure parlementaire ont aussi donné lieu à une fin de séance kafkaïenne, les députés passant près d'une heure et demie à voter ou rejeter près de 560 amendements, dont certains avaient été débattus de nombreuses heures auparavant.

"C'était complètement dingue", soupirait une députée en sortant, mi-amusée, mi-fatiguée.


Nourriture, santé: opérations de « ravitaillement » en vue en Nouvelle-Calédonie

Les autorités de Nouvelle-Calédonie ont annoncé plusieurs mesures vendredi pour pallier les difficultés d'accès à l'alimentation et aux soins, notamment en libérant les grands axes routiers pour une opération de "ravitaillement", après quatre jours d'émeutes sur l'archipel. (AFP).
Les autorités de Nouvelle-Calédonie ont annoncé plusieurs mesures vendredi pour pallier les difficultés d'accès à l'alimentation et aux soins, notamment en libérant les grands axes routiers pour une opération de "ravitaillement", après quatre jours d'émeutes sur l'archipel. (AFP).
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  • "Il y a des problèmes d'approvisionnement que nous allons résoudre: une manœuvre de ravitaillement va être mise en place"
  • Pour cela, le Haut-commissaire compte sur les renforts de sécurité intérieure qui sont arrivés dans la nuit de jeudi à vendredi, soit près d'un millier d'effectifs

NOUMEA: Les autorités de Nouvelle-Calédonie ont annoncé plusieurs mesures vendredi pour pallier les difficultés d'accès à l'alimentation et aux soins, notamment en libérant les grands axes routiers pour une opération de "ravitaillement", après quatre jours d'émeutes sur l'archipel.

"Il va falloir faire un énorme travail pour rétablir le fonctionnement de la société du Grand Nouméa, qui a été durement impactée par tout ce qui a été pillé et détruit", a prévenu vendredi le représentant de l'Etat sur ce territoire du Pacifique sud, Louis Le Franc.

Le Haut-commissaire de la République a retenu pour l'heure deux "priorités": alimentation et santé.

"Il y a des problèmes d'approvisionnement que nous allons résoudre: une manœuvre de ravitaillement va être mise en place", a-t-il déclaré devant la presse à Nouméa.

Pour cela, le Haut-commissaire compte sur les renforts de sécurité intérieure qui sont arrivés dans la nuit de jeudi à vendredi, soit près d'un millier d'effectifs. Ils doivent permettre de dégager les axes routiers "qu'on a besoin d'emprunter pour que les convois de réapprovisionnement alimentaire, de réapprovisionnement en médicaments, puissent se diriger vers les structures où c'est nécessaire, vers les surfaces commerciales".

Les forces de l'ordre doivent aussi "libérer tous ces barrages" qui émaillent encore l'agglomération, selon lui.


France-Palestine: l'Assemblée rejette la transformation du groupe d'étude en « groupe d'amitié »

Un manifestant brandit des fusées tandis que deux autres tiennent une banderole « Solidarité avec la Palestine » lors d'une manifestation pro-palestinienne dans la cour de l'Institut d'études politiques (Sciences Po) à Lyon, dans le centre-est de la France, le 30 avril 2024. (AFP).
Un manifestant brandit des fusées tandis que deux autres tiennent une banderole « Solidarité avec la Palestine » lors d'une manifestation pro-palestinienne dans la cour de l'Institut d'études politiques (Sciences Po) à Lyon, dans le centre-est de la France, le 30 avril 2024. (AFP).
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  • L'Assemblée compte déjà en son sein "un groupe d'étude à vocation internationale" (GEVI) sur la Palestine, présidé par le député MoDem Richard Ramos, et qui réunit en son sein des députés de plusieurs bancs
  • M. Ramos souhaitait qu'il soit transformé en un "groupe d'amitié", comme il en existe pour la plupart des Etats, dont Israël

PARIS: Le Bureau de l'Assemblée nationale, sa plus haute instance collégiale, a rejeté mercredi la demande de transformation d'un groupe d'étude France-Palestine en "groupe d'amitié", estimant que ses critères de création n'étaient pas réunis, au grand dam de la gauche et de son président MoDem.

L'Assemblée compte déjà en son sein "un groupe d'étude à vocation internationale" (GEVI) sur la Palestine, présidé par le député MoDem Richard Ramos, et qui réunit en son sein des députés de plusieurs bancs. M. Ramos souhaitait qu'il soit transformé en un "groupe d'amitié", comme il en existe pour la plupart des Etats, dont Israël.

Ces structures, qui disposent d'un budget, peuvent prendre des initiatives diplomatiques et culturelles, notamment auprès de Parlements et parlementaires étrangers, en effectuant par exemple des déplacements ou en invitant au contraire des représentants et citoyens étrangers en France.

La demande de M. Ramos a été rejetée par 11 voix contre 8, dans un contexte tendu par la guerre entre Israël et le Hamas, et la menace d'une large offensive terrestre à Rafah.

La gauche a voté pour. La droite et l'extrême droite s'y sont opposées selon des sources parlementaires, comme la plupart des élus du camp présidentiel.

M. Ramos a dénoncé une "erreur historique".

La présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet s'est prononcée contre, les critères présidant à la création d'un groupe d'amitié n'étant pas réunis selon son entourage: l'existence d'un Parlement dans l'Etat, la reconnaissance de l'Etat par l'ONU, et des relations diplomatiques avec la France.

L'Autorité palestinienne dispose d'une représentante en France mais "ça fait plus de 17 ans (2006, NDLR) qu'il n'y a pas eu d'élections législatives, et la Palestine n'est pas reconnue à l'ONU", argue une source parlementaire.

"Le Parlement existe", et s'il n'y a pas eu d'élections c'est parce qu'"on n'arrive pas à faire avec nos amis Israéliens de vote à Jérusalem-Est", a rétorqué M. Ramos.

Le MoDem divisé 

Un autre argument de certains opposants à la mesure est que les GEVI permettent de conduire des initiatives diplomatiques similaires aux groupes d'amitié. Mais M. Ramos plaide pour qu'un groupe d'amitié France-Palestine vienne "travailler de façon commune" avec le groupe France-Israël, par exemple pour organiser des voyages à Jérusalem.

"En diplomatie il faut une symétrie des formes", a-t-il insisté.

Il a par ailleurs regretté que deux députées MoDem aient voté contre le groupe d'amitié sur ce vote serré, alors qu'il assure que son groupe politique s'est prononcé hier "à 80% pour" entériner la création d'un groupe d'amitié.

"J'ai pris une décision personnelle mais fondée sur le droit", a répondu Elodie Jacquier-Laforge, vice-présidente MoDem de l'Assemblée. "Nous souhaitons arriver à une situation où la Palestine sera reconnue comme un Etat de plein droit à l'ONU, mais notre volonté n'est malheureusement pas une réalité".

Le président de la commission des Affaires étrangères Jean-Louis Bourlanges, également MoDem, a regretté dans un communiqué la décision du bureau de l'Assemblée.

"Par la décision de son bureau, l'Assemblée s'est non seulement refusée à s'engager, fût-ce par une décision symbolique, dans une direction salutaire mais elle a de surcroît marqué le pas derrière un gouvernement qui (...) n'a pas hésité à voter au Conseil de sécurité des Nations unies en faveur de la reconnaissance de l'Etat palestinien", a-t-il commenté.