PARIS: En partenariat avec l’Institut du monde arabe (IMA), l’Association France-Algérie (AFA) organise la 5e édition du prix Bouamari-Vautier. La cérémonie de remise de prix est prévue le 14 février à l’Institut du monde arabe en présence d’Arnaud Montebourg, président de l’AFA, et de Jack Lang, président de l’IMA.
Créée en 1963 par Edmond Michelet, alors garde des sceaux, avec le soutien du général de Gaulle et la volonté de personnalités de la société civile comme Germaine Tillion, Raymond Aron, Stéphane Hessel, Jean Daniel et François Mauriac, l’AFA s’inscrit dans un esprit de renforcement des relations d’amitié, de fraternité et des liens culturels entre les deux peuples.
Nous célébrerons bientôt le 60e anniversaire des accords d’Évian. Le prix Bouamari-Vautier, soutenu par l’ambassade de France et les instituts français en Algérie, porte les noms de deux grands réalisateurs, l’un algérien, l’autre français. Ils sont considérés en Algérie comme les pères fondateurs du cinéma algérien. Ce prix, qui récompense chaque année la production cinématographique algérienne d'aujourd'hui, comprend deux catégories: la fiction et le documentaire. «Le prix Bouamari-Vautier est destiné à honorer les réalisateurs et les réalisatrices du cinéma algérien émergent», soulignent les organisateurs.
Qui sont Mohamed Bouamari et René Vautier?
Mohamed Bouamari, acteur et réalisateur, a travaillé avec Gillo Pontecorvo pour La Bataille d’Alger (1966), Mohammed Lakhdar-Hamina pour Le Vent des Aurès (1967) et Costa-Gavras pour Z (1969). Il a réalisé les films suivants: Le Charbonnier (1972), L’Héritage (1974), À l’ombre des remparts (1988) et Le Mouton (2006).
René Vautier, réalisateur et scénariste, diplômé de l’Idhec, est aussi un anticolonialiste militant. Il fut un témoin actif de la guerre d’indépendance de l’Algérie. Parmi ses réalisations: Avoir 20 ans dans les Aurès (1972). Dès l'indépendance d'Alger, il a jeté les bases du cinéma algérien (il fut directeur du Centre audiovisuel d'Alger) et a créé un dispositif de projections itinérantes, appelé «Cinépop», destiné à instaurer un dialogue, grâce à l'image, entre les peuples d’Algérie et de France. Il est considéré en Algérie comme l’un des pères fondateurs du cinéma algérien.
Flora Boumia, coordinatrice de l’AFA et créatrice de l’agence d’ingénierie culturelle et de relations publiques Les 2 Rives (Les 2 RR), explique à Arab News en français les liens indéfectibles entre l’Algérie et la France. «J’ai deux amours: l’Algérie, mon pays de naissance, pour lequel j'ai un fort attachement, et la France, un pays que j’aime profondément, où j'ai grandi et qui a accueilli mes parents en 1972. Ces deux pays ont créé mon histoire.»
Elle ajoute: «C’est dans cet esprit que je me suis engagée dans l’Association France-Algérie, pour apporter ma contribution à la réalisation de ses objectifs. Je souhaitais participer au tissage de liens indestructibles, culturels et amicaux entre mes deux pays», conclut-elle.
«Une communauté sensible»
De son côté, Arnaud Montebourg, président de l’Association France-Algérie, considère le cinéma comme la meilleure chance de dialogue entre les deux peuples, les deux cultures. «L’Association France-Algérie est heureuse de faire mieux connaître le cinéma algérien émergent, et d’abord auprès du public français. Nous avons tant en commun. Les nouveaux talents qui marquent la scène de la création algérienne nous touchent et nous émeuvent parce qu’ils évoquent la commune condition humaine, ses drames et ses espoirs», déclare-t-il. «De part et d’autre de la Méditerranée se crée ainsi une communauté sensible, faite d’émotions ressenties en commun et de défis à relever ensemble. C’est la meilleure réponse aux fauteurs de discorde: nos deux peuples ont besoin de mieux se connaître et de faire vivre cet humanisme moderne, qui, depuis l’Antiquité et par-delà les épreuves, peut offrir au monde un témoignage de fraternité si nécessaire à notre temps», ajoute-t-il.
Histoires de l’Algérie contemporaine
Le jury est composé de six membres: Dominique Cabrera, réalisatrice et enseignante; Alexandre Arcady, producteur et réalisateur; Farid Bentoumi, réalisateur et acteur; Emmanuel Besnier, producteur et réalisateur; Denise Brahimi, auteure, spécialiste du cinéma maghrébin; Nadir Moknèche, réalisateur. Les films présentés lors de cette 5e édition racontent des histoires de l’Algérie contemporaine avec pour objectif de mieux comprendre la société algérienne d’aujourd’hui.
Cigare au miel de Kamir Aïnouz, Ibrahim de Samir Guesmi, La Vie d’après d’Anis Djaad, Rêve d’Omar Belkacemi, Soula de Salah Issaad et Voyage en Kabylie de Hace Mess et Mathieu Tuffreau représentent la sélection du jury des films de fiction. Les Visages de la victoire de Lyèce Boukhitine, Leur Algérie de Lina Soualem et Ne nous racontez plus d’histoire de Carole Filiu-Mouhali et Ferhat Mouhali figurent quant à eux dans la série documentaire.
La Vie d'après d’Anis Djaad, un film qui a été sélectionné au Festival international du film d’Amiens (2021), raconte l’histoire d’une femme de ménage qui vit seule dans un douar situé dans l’Ouest algérien. Elle mène une vie dure, mais la gagne honnêtement, et doit supporter les commérages et les rumeurs qui courent à son sujet. Pour y échapper, elle décide de quitter son village et de s’installer en ville. Sa vie deviendra-t-elle moins pénible?
Rêve d’Omar Belkacemi, sélectionné au festival Cinemed de Montpellier l’année dernière, raconte l’histoire de Koukou, un jeune de 20 ans qui vit en Kabylie, dans un village de haute montagne. Mais son look et son comportement original dérangent. Les sages du village finissent par l’interner dans un asile psychiatrique. Révolté par cette décision, son frère Mahmoud, qui enseigne la philosophie dans un lycée à Bejaïa, vient à son secours et tente de se dresser contre la morale et l’ordre établi. Mais il n’y parvient pas et n’a d’autre choix que de fuir le village.
Dans la catégorie documentaire, Ne nous racontez plus d’histoire, de Ferhat Mouhali et Carole Filiu-Mouhali, a été sélectionné par le festival PriMed (France, 2020), le Luxor African Film Festival (Égypte, 2020), le festival Vues d'Afrique (Montréal 2021), Beyond Borders (Kastellorizo, Grèce, 2021), le festival du Film et forum international sur les droits humains (Suisse, 2022). Il évoque les vies de Ferhat Mouhali et de Carole Filiu-Mouhali. Cette histoire est marquée par la guerre d’Algérie. Elle est une journaliste française, fille de pieds-noirs; lui est un réalisateur algérien qui milite pour les droits humains. Tous deux relatent leurs souvenirs traumatisants. Loin de l’historiographie officielle, ils ont rencontré des témoins dont la parole a été volontairement oubliée. Ils ont voulu mener un travail sur les mémoires et faire entendre une vérité plus apaisée entre les deux pays.
Lors de cette 5e édition, l’AFA remettra une récompense spéciale à l’un des films sélectionnés. La cérémonie de remise du prix Bouamari-Vautier, le 14 février prochain, sera suivie par la projection du film récompensé.