BEYROUTH : Le président libanais Michel Aoun a effectué samedi une visite surprise à Dar Al-Fatwa, où il a rencontré le grand mufti libanais Cheikh Abdel Latif Derian, la plus haute autorité de l'islam sunnite du pays, au milieu des craintes d'un boycott sunnite du processus politique libanais.
Aoun a souligné le rôle « que joue la communauté sunnite dans la préservation de l'unité et de la diversité politique du Liban, et l'importance de sa participation aux côtés de toutes les autres composantes de la vie nationale et politique, ainsi que de toutes les élections qui définissent l'avenir du Liban et de son peuple.
« Des dispositions sont en cours pour que les élections législatives se tiennent comme prévu, et il n'y a aucune raison de les reporter », a-t-il ajouté, soulignant que « la communauté sunnite est une composante essentielle et nous ne soutenons pas le boycott des élections. »
La visite d'Aoun à Dar Al-Fatwa a été décrite par les observateurs politiques comme « une tentative de remédier à ce qui ne peut plus être corrigé ; trop peu, trop tard. »
Une source proche de l'ancien Premier ministre libanais, Fouad Siniora, a déclaré à Arab News : « Le mal a été fait à la communauté sunnite quand Aoun a fait obstacle à toutes les tentatives faites par le Premier ministre désigné Saad Hariri pour former son gouvernement. Aoun est allé plus loin en insultant Hariri, le traitant de menteur. »
« Les relations du Liban avec les États du Golfe ont également été endommagées en raison des positions d'Aoun et du Hezbollah concernant les abus commis contre l'Arabie saoudite. Il est inutile de recourir à Dar Al-Fatwa maintenant. »
Le Premier ministre Najib Mikati a annoncé vendredi : « il n'y aura pas de boycott sunnite des élections législatives de mai. Notre principale préoccupation est que l'État et ses institutions restent actifs et efficaces, et que les élections se tiennent à temps. »
Cela survient quelques jours après que Hariri, qui dirige le Courant du futur qui représente la majorité de la communauté sunnite au Parlement, a annoncé « la suspension du travail politique et de tout rôle ou responsabilité directs au sein de l'autorité au pouvoir, du Parlement et de la politique dans son sens traditionnel. »
Mikati a déclaré : « Il est vrai que Hariri a annoncé sa réticence à se présenter aux élections, mais nous n'appellerons certainement pas au boycott sunnite, et quiconque veut se présenter doit le faire. La communauté jouit d’un grand potentiel pour participer aux élections. »
Le Courant du futur de Hariri a une influence majeure dans 10 des 15 circonscriptions électorales du Liban. Il avait attribué la suspension de l'action politique à sa conviction que « il n'y a pas d’opportunité positive pour le Liban à la lumière de l'influence iranienne, de l'incertitude internationale et de la division nationale. »
Une source à Dar Al-Fatwa a déclaré : « Derian, avec d'éminentes personnalités sunnites, a décidé d'avancer vers l'unification des rangs pour absorber la tourmente avant qu'il ne soit trop tard et pour affronter le contrôle iranien duHezbollah sur la scène nationale. »
La source proche de Siniora a noté : « Le boycott de l'action politique de la communauté sunnite ne mène nulle part car le Hezbollah peut alors prendre les décisions qu'il veut sans que personne ne s'y oppose. Il peut également désigner qui il souhaite pour les sièges sunnites aux élections et assurer leur victoire pour servir ses intérêts. »
Vendredi soir, trois jours après le discours de Hariri, son frère aîné Bahaa Hariri a annoncé qu'il « poursuivrait le voyage de son père, feu le Premier ministre Rafic Hariri. »
Bahaa, 55 ans, qui s'était tenu à l'écart de la politique après l'assassinat de son père en 2005, laissant la place à son frère Saad, a déclaré : « Tout d'abord, il faut souligner que ni notre religion, ni notre morale, ni notre éducation... nous permet, nous les fils du Premier ministre martyr Rafic Hariri, de ne pas assumer notre responsabilité, et nous mettons (en avant) toutes nos capacités pour la renaissance du Liban. »
Il a ajouté : « La famille du martyr Rafic Hariri... ne se désintégrera pas. Ensemble et solidaires, nous mènerons la bataille pour libérer la patrie de ses occupants. »
Bahaa a souligné que toute désinformation faisant allusion à un vide de pouvoir au sein de la communauté sunnite du Liban ne sert que les ennemis du pays, ajoutant : « Qui ose mettre en garde contre un vide au sein de la plus grande communauté du Liban à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir ? »
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com