Pouvoir d'achat: les gagnants et les perdants du quinquennat Macron

Les producteurs d'œufs et les membres des syndicats agricoles FNSEA et JA proposent aux clients des produits fabriqués avec des œufs non français qu'ils ont pris dans les rayons d'un supermarché de Saint-Sébastien-Sur-Loire le 17 février 2021. (Loïc Venance/AFP)
Les producteurs d'œufs et les membres des syndicats agricoles FNSEA et JA proposent aux clients des produits fabriqués avec des œufs non français qu'ils ont pris dans les rayons d'un supermarché de Saint-Sébastien-Sur-Loire le 17 février 2021. (Loïc Venance/AFP)
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Publié le Mardi 18 janvier 2022

Pouvoir d'achat: les gagnants et les perdants du quinquennat Macron

  • Le revenu brut disponible des ménages aura progressé de 8% entre 2017 et 2022 et leur pouvoir d'achat «entre 4 et 6%»
  • La croissance économique sur la période et les créations d'emplois expliquent environ les deux tiers de cette progression

PARIS : Le pouvoir d'achat, l'une des principales préoccupations des Français à l'approche de la présidentielle, aura davantage progressé depuis 2017 que durant les deux précédents quinquennats, grâce à la croissance et aux mesures sociales et fiscales. Mais tous les ménages n'en ont pas profité.

Une hausse générale dans un bon contexte économique

Selon une étude de la direction générale du Trésor, qui dépend du ministère de l'Économie, le revenu brut disponible des ménages aura progressé de 8% entre 2017 et 2022 et leur pouvoir d'achat (qui tient compte notamment de la composition des ménages) «entre 4 et 6%».

La croissance économique sur la période et les créations d'emplois expliquent environ les deux tiers de cette progression, tandis que le tiers restant est attribué aux mesures sociales et fiscales entrées en vigueur sous le quinquennat.

C'est sur les catégories ayant le plus profité de ces mesures sociales et fiscales que se focalise le débat entre gagnants et perdants de la présidence d'Emmanuel Macron.

Les actifs privilégiés

C'était une des priorités du quinquennat d'Emmanuel Macron: «Que le travail paie davantage».

«Clairement ce sont plutôt les actifs du secteur privé de la classe moyenne qui bénéficient le plus des mesures», prises ces cinq dernières années, explique Matthieu Plane, économiste à l'Observatoire des conjonctures économiques.

Selon le Trésor, les mesures socio-fiscales auront permis d'augmenter en moyenne d'environ 2% le pouvoir d'achat de la plupart des ménages. Mais pour les seuls actifs, la hausse atteint 3,5%, souligne l'Institut des politiques publiques (IPP).

Les actifs ont ainsi profité de la défiscalisation des heures supplémentaires, de la suppression des cotisations sociales qui ont été compensées par une hausse de la CSG, payée elle par certains inactifs (retraités, etc.), et de la revalorisation de la prime d'activité pour les salariés modestes.

Les plus riches aussi

Premières réformes fiscales d'ampleur du quinquennat, la transformation de l'impôt sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI) et l'instauration du prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les revenus du capital ont permis au niveau de vie des 10% les plus aisés de progresser de 2%, selon la direction générale du Trésor.

L'impact de ces mesures est logiquement «positif mais très concentré», en particulier sur les 1% de ménages les plus aisés, dont le niveau de vie a augmenté de près de 3%, détaille Paul Dutronc-Postel, économiste à l'IPP.

Les 20% des ménages les plus aisés bénéficieront aussi de la suppression de la taxe d'habitation dès 2023, dont ils devaient être initialement exclus, décision retoquée par le Conseil constitutionnel. Soit un gain supplémentaire d'environ 5 milliards d'euros.

Bilan contrasté pour les plus modestes...

Selon la direction générale du Trésor, les 10% de ménages les plus modestes (qui gagnent moins de 1.500 euros par mois environ) ont vu leur niveau de vie progresser de 4% depuis 2017 sous l'effet des mesures décidées durant le quinquennat, une évaluation contestée par l'Institut des politiques publiques, qui évalue cette hausse plutôt à 1,5%, inférieure donc à celle de la moyenne des ménages.

Mais l'IPP exclut de son calcul l'impact de mesures décidées lors du quinquennat précédent et entrées en vigueur seulement en 2018, comme l'élargissement du chèque énergie ou la revalorisation du RSA, conteste le gouvernement.

Et parmi les 5% de ménages les plus modestes, certains ont même vu leur niveau de vie régresser, selon l'IPP, du fait notamment de la baisse de 5 euros de l'APL, de l'augmentation des taxes sur le tabac et l'énergie, qui les pénalisent davantage en proportion de leurs revenus.

Non imposables et bien souvent sans emploi, ces ménages ont aussi été exclus des 25 milliards d'euros de baisses d'impôts, ou de de la revalorisation de la prime d'activité.

En revanche, ni le gouvernement, ni l'IPP n'intègrent les mesures exceptionnelles prises ces dernières semaines pour aider les ménages modestes face à la flambée des prix de l'énergie (chèque énergie supplémentaire, indemnité inflation), censées protéger le pouvoir d'achat des plus précaires.

... et les retraités

Si les retraités imposables ont bénéficié comme les actifs de la suppression de la taxe d'habitation, ils ont aussi subi plusieurs mesures défavorables durant le quinquennat, comme la sous-revalorisation des retraites.

Ou encore la hausse de la CSG, qui a suscité une telle bronca que l'exécutif l'a finalement annulée pour les retraités gagnant moins de 2.000 euros.

Les retraités plus modestes ont eux bénéficié de la revalorisation du minimum vieillesse (Aspa), augmenté de 100 euros entre 2018 et 2020.

Pouvoir d'achat: cinq propositions des candidats passées au crible

Avec les prix de l'essence et de l'énergie qui battent des records, le pouvoir d'achat entre en force dans la campagne électorale et suscite une multitude de propositions de la part des prétendants déclarés à l'Elysée. En voici cinq passées au cible:

Bloquer des prix (Jean-Luc Mélenchon)

S'il est élu président en avril, le candidat LFI Jean-Luc Mélenchon promet de bloquer immédiatement les prix des produits de première nécessité, dont ceux du gaz, de l’électricité et de cinq fruits et légumes de saison. Il juge très insuffisantes les mesures prises par Emmanuel Macron au cours du quinquennat, comme la suppression progressive de la taxe d'habitation, la baisse de charges ou le récent chèque énergie. «Il faut que vous preniez la mesure de l'instant: 8 millions de personnes relèvent de l'aide alimentaire - on n'a jamais vu ça en France - et 12 millions vivent au froid en plein hiver», s'est-il exclamé récemment à l'Assemblée nationale.

Augmenter le Smic (gauche)

L'augmentation du Smic revient dans l'ensemble des programmes des candidats de gauche. La socialiste Anne Hidalgo s'est engagée à l'augmenter de 15% (soit environ 200 euros net par mois qui s'ajouteraient au 1.269 euros nets actuels) afin de «rendre justice aux premiers de corvée». Dans son programme présenté jeudi dernier, elle promet d'agir pour le pouvoir d’achat «afin que chacun puisse vivre dignement de son travail».

L'augmentation du Smic promposée varie selon les candidats. Jean-Luc Mélenchon promet de le faire passer à 1.400 euros nets, comme Christiane Taubira, la dernière venue dans la liste des candidats de gauche à la présidentielle. L'écologiste Yannick Jadot prévoit, quant à lui, de porter le Smic à 1.500 euros d'ici la fin de son quinquennat. Quant au communiste Fabien Roussel, il promet un salaire minimum de 1.800 euros brut.   

Augmenter les salaires en baissant les charges (Pécresse)

A droite, Valérie Pécresse a aussi fait de l'augmentation des salaires l'un des thèmes principaux de sa campagne, mais elle se différencie de la gauche en prônant une baisse des cotisations sociales. Selon ses prévisions, cette réduction permettrait d'augmenter de 10% les salaires «jusqu'à 2,2 Smic», soit «3.000 euros net» dans le privé. Elle est aussi favorable à «une stratégie métier par métier» qui pourrait inclure de «racheter les RTT» et pour une «revalorisation du salaire des enseignants».

Baisse de la CSG... (Zemmour)

La principale proposition du candidat d'extrême droite Eric Zemmour consiste à réduire les cotisations pour rendre un 13e mois aux Français (100 euros de plus par mois). Cette mesure passerait par la baisse de la CSG pour une partie des salariés jusqu'à 2.000 euros. Le ministre des Finances Bruno Le Maire a jugé que sa proposition allait «se heurter à un problème de droit majeur» car «la CSG est un impôt» et «tout le monde doit être égal devant l'impôt».

... ou de la TVA... (Le Pen)

Face à la hausse des prix des carburants et de l'énergie, la candidate du Rassemblement national Marine Le Pen propose une mesure fiscale: abaisser drastiquement la TVA. Elle passerait à 5,5% pour les carburants et l'énergie, contre 20% actuellement pour l'essence, le fioul, le gaz et l'électricité. Cette mesure aurait un impact conséquent sur les finances de l'Etat, son coût étant estimé par le Rassemblement national lui-même à 12 milliards d'euros par an.

Et aussi: du renouvelable ou des nationalisations

Le candidat des Verts Yannick Jadot défend l'idée que «l'écologie est l'amie du pouvoir d'achat» grâce à des investissements dans des énergies renouvelables dont les coûts qui, selon lui, «ne font que baisser». Comme lui, le communiste Fabien Roussel souhaite renationaliser EDF et instaurer «zéro taxation» sur les droits de succession «en dessous de 118.000 euros».

Le plein emploi, un Graal inaccessible?

Disparu depuis les Trente Glorieuses, le plein emploi est un objectif traditionnellement promis avant chaque élection présidentielle et celle d'avril prochain n'échappe pas à la règle. Mais de quoi parle-t-on exactement?

- Le plein emploi, c'est quoi?

Pour Mathieu Plane (OFCE), "le vrai plein emploi, c'est le fait qu'une personne qui souhaite travailler trouve un emploi, donc forcément un taux de chômage très bas".

Pour autant, comme le rappelle Mireille Bruyère, économiste à l'université de Toulouse, "le plein emploi, ce n'est pas le taux de chômage à zéro car il y a toujours un chômage +frictionnel+", le temps pour trouver un emploi entre deux postes ou à la fin des études.

Selon les pays aux marchés du travail plus ou moins flexibles, ce taux serait entre 3 et 5%. En France, les économistes parlent souvent d'un taux "de l'ordre de 5%".

Mais cet objectif varie dans le temps. Aux Etats-Unis, il a lontemps été estimé à 5% jusqu'à ce que le chômage s'installe durablement à près des 4%. "Ces théories du plein emploi doivent s'adapter à l'observation", relativise Vladimir Passeron, chef du département de l'emploi à l'Insee.

Pour Mathieu Plane, ce plein emploi ne doit pas être confondu avec le "chômage structurel" (évalué autour de 7%), taux au-dessous duquel l'économie rentre "en surchauffe à travers des tensions inflationnistes". Pour baisser ce chômage structurel, des réformes de structure sont nécessaires: flexibilisation du marché du travail, incitations au retour à l'emploi, etc.

- Où en est la France?

Un peu au-dessus de 3% en 1975, le taux de chômage, mesuré selon les normes précises du Bureau international du travail (BIT) pour permettre des comparaisons entre pays, n'est jamais repassé sous la barre des 7% depuis 40 ans (6,9% en 1981). Au plus haut, il a atteint 10,7% (en 1994 et en 1997).

De 9,5% au début du quinquennat, il s'est établi à 8,1% au 3e trimestre 202l, soit 2,4 millions de personnes.

- Un objectif atteignable?

L'objectif du plein emploi est "vertueux", selon M. Plane. "Ça paraît loin, mais la bonne surprise de cette crise c'est qu'on n'a pas eu l'explosion du chômage attendue et qu'on est même surpris par la vigueur du marché du travail". Avant Omicron, "on était dans un scénario de reprise assez dynamique qui potentiellement pouvait conduire à une baisse assez durable du chômage", ajoute-t-il, notant que "tout ça est très dépendant des scénarios de croissance et de la politique de sortie de crise".

Pour Yannick L'Horty, professeur à l'Université Paris-Est, passer à moins de 7% serait "déjà une rupture par rapport à quatre décennies de chômage élevé". Cette perspective devient "envisageable, même probable alors qu'auparavant c'était inatteignable". Et à moyen terme, "l'horizon des 5% n'est plus inimaginable".

- Les limites de l'indicateur

Le taux de chômage est un indicateur "très restrictif", souligne Mireille Bruyère, car il ne rend pas compte du travail dans son "ensemble": temps partiel, durée des contrats, etc.

"C'est l'indicateur de référence mais ce ne peut être le seul", renchérit Yannick L'Horty, pointant notamment le fait qu'environ un demandeur d'emploi sur deux est inscrit depuis plus d'un an, "un indicateur qui s'est détérioré avec la crise".

Il faut aussi tenir compte du "halo autour du chômage", soit 1,9 million de personnes au 3e trimestre 2021 qui souhaitent travailler mais ne sont pas considérées au chômage au sens du BIT parce qu'elles ne recherchent pas d'emploi, étant découragées ou indisponibles.

Enfin, le taux de chômage dépend aussi de la variation de la population active, très difficile à prévoir.

En dépit de fortes créations d'emplois au 3e trimestre, le chômage a quand même augmenté (+0,1 point), des personnes s'étant remises à chercher du travail (sortant ainsi du "halo"). Et le boom de l'apprentissage a augmenté le nombre de jeunes actifs.

L'Insee s'attend en 2022 à ce que la progression de la population active ralentisse ce qui, avec une hausse même modérée de l'emploi, suffirait à baisser le chômage à 7,6% au 2e trimestre 2022.

In fine, résume M. Plane, "le bon plein emploi, c'est un taux de chômage bas, un sous-emploi (temps partiel subi) faible et peu de halo". Or, "quand on est à 8% de chômage, si vous prenez le sous-emploi et le halo, vous doublez ce chiffre". Il reste donc du chemin à faire.


La rédaction de France Inter critique la «convocation inacceptable» de Guillaume Meurice

L'auteur, animateur de radio, écrivain et humoriste français Guillaume Meurice, pose lors d'une séance photo à Paris le 13 mars 2024. (Photo, AFP)
L'auteur, animateur de radio, écrivain et humoriste français Guillaume Meurice, pose lors d'une séance photo à Paris le 13 mars 2024. (Photo, AFP)
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  • "Nous demandons le maintien à l'antenne de Guillaume Meurice, sans délai", ont déclaré dans un communiqué les sociétés des journalistes (SDJ) et des producteurs (SDPI) de France Inter
  • Jeudi, le chroniqueur de l'émission "Le grand dimanche soir", présentée par Charline Vanhoenacker, a été suspendu, quatre jours après avoir réitéré à l'antenne ses propos polémiques tenus fin octobre sur le Premier ministre israélien

PARIS: La rédaction de France Inter a dénoncé vendredi la "convocation inacceptable" de Guillaume Meurice en vue d'un éventuel licenciement, y voyant un "signe très inquiétant pour la liberté d'expression", au lendemain de la suspension de l'humoriste par Radio France.

"Nous demandons le maintien à l'antenne de Guillaume Meurice, sans délai", ont déclaré dans un communiqué les sociétés des journalistes (SDJ) et des producteurs (SDPI) de France Inter.

Jeudi, le chroniqueur de l'émission "Le grand dimanche soir", présentée par Charline Vanhoenacker, a été suspendu, quatre jours après avoir réitéré à l'antenne ses propos polémiques tenus fin octobre sur le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu.

"Il y a des choses qu'on peut dire. Par exemple, si je dis: +Netanyahu est une sorte de nazi mais sans prépuce+, c'est bon. Le procureur, il a dit: +C'est bon+", a lancé l'humoriste dimanche, en référence au récent classement sans suite d'une plainte à son encontre l'accusant d'antisémitisme pour des propos similaires.

Convoqué à un entretien dont la date reste inconnue, il risque une "éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'à la rupture anticipée de (son) contrat à durée déterminée pour faute grave", rappellent les SDJ et SDPI de France Inter, qui "voient dans cette décision un signe très inquiétant pour la liberté d'expression, valeur que défend Radio France".

"Cette convocation inacceptable semble être le symptôme d'un virage éditorial plus large", déplorent-elles.

Elles affirment ainsi avoir appris que le programme "La terre au carrée" allait s'arrêter "pour laisser place à une émission de sciences et d'écologie +plus narrative+ toujours présentée par Mathieu Vidard mais sans Camille Crosnier" et évoquent une "coupe drastique" du budget du "Grand dimanche soir".

Interrogée par l'AFP sur ces éléments, France Inter a expliqué qu'"en accord avec Mathieu Vidard, il y aura une évolution éditoriale de son émission à la rentrée mais elle gardera ses fondamentaux, l'environnement et la science".

Camille Crosnier, elle, restera aux manettes des "P'tits bateaux", désormais diffusée sept jours sur sept, et elle est "en discussions sur d'autres projets" au sein de la grille.

Quant au "Grand dimanche soir", France Inter "souhaite que l'émission continue l'an prochain mais il faut la faire évoluer d'un point de vue éditorial pour qu'elle rentre dans nos frais, en gardant toute l'équipe et en restant en public", a expliqué la radio.

"Aujourd'hui, des séquences coûtent extrêmement cher à produire. Un travail est en cours avec la productrice, Charline Vanhoenacker, pour trouver la meilleure formule", a-t-on appris de même source.

 

 


Victimes de cyberattaques attribuées à la Chine, des parlementaires français s'inquiètent

Un homme lit un journal chinois dont la première page couvre la rencontre du président chinois Xi Jinping avec le président français Emmanuel Macron dans une vitrine publique dans un parc de Pékin le 7 avril 2023. (Photo, AFP)
Un homme lit un journal chinois dont la première page couvre la rencontre du président chinois Xi Jinping avec le président français Emmanuel Macron dans une vitrine publique dans un parc de Pékin le 7 avril 2023. (Photo, AFP)
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  • A quelques jours de la venue en France du président chinois Xi Jinping, "nous sommes confrontés à une ingérence étrangère d'envergure manifeste de la part de la Chine", s'inquiète le sénateur centriste Olivier Cadic
  • Lui et six autres parlementaires français affirment avoir fait l'objet, en janvier 2021, d'emails toxiques envoyés par un groupe de hackeurs baptisé APT31

PARIS: Ciblés par une campagne mondiale de cyberespionnage menée par un groupe de hackers aux liens présumés avec l'Etat chinois, plusieurs parlementaires français ont tiré ces derniers jours la sonnette d'alarme devant la "légèreté" de la réponse des autorités face à cet "acte de guerre".

A quelques jours de la venue en France du président chinois Xi Jinping, "nous sommes confrontés à une ingérence étrangère d'envergure manifeste de la part de la Chine", s'inquiète le sénateur centriste Olivier Cadic.

Lui et six autres parlementaires français affirment avoir fait l'objet, en janvier 2021, d'emails toxiques envoyés par un groupe de hackeurs baptisé APT31, que plusieurs pays, dont les Etats-Unis et le Royaume-Uni, considèrent lié au gouvernement chinois.

Le point commun de ces élus ? Tous sont membres de l'alliance interparlementaire sur la Chine (IPAC), une instance crée en 2020 pour agir de manière coordonnée sur différents sujets relatifs à la Chine (Covid, répression des Ouïghours, manifestations à Hong Kong...).

Pour la plupart, ces députés et sénateurs français n'ont pourtant découvert l'existence de cette attaque qu'à la fin du mois de mars 2024, lorsque le ministère de la justice américain a publié un acte d'accusation inculpant sept Chinois pour une "prolifique opération de piratage informatique à l'échelle mondiale". Seraient concernés, notamment, plusieurs centaines de comptes liés à l'IPAC, attaqués en janvier 2021.

Pixels malveillants

Lorsqu'il apprend la nouvelle, l'ex-sénateur André Gattolin, qui coprésidait la branche française de l'IPAC jusqu'en septembre 2023, fait le lien tout de suite: à l'automne 2021, les services informatiques du Sénat avaient trouvé dans son ordinateur professionnel des virus de type "cheval de Troie", à la suite d'une alerte de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi).

"A l'époque, je rédigeais un rapport très sensible sur les ingérences étatiques dans les universités et la recherche. Déjà, je m'étais demandé si la Chine pouvait être derrière tout ça", affirme l'ancien élu à l'AFP.

En fouillant ses emails, André Gattolin retrouve la "source corrosive": un mail du 6 janvier 2021 lui proposant de soutenir une soi-disant journaliste indépendante chinoise enquêtant sur la pandémie de Covid à Wuhan.

"Je me rends compte que ce mail avait été ouvert", raconte-t-il. "J'appelle l'Anssi, j'ai du mal à me faire entendre. Même son de cloche auprès des services de renseignement intérieur français (DGSI). Je dépose plainte le 4 avril et nous prenons contact à l'IPAC avec le FBI, qui nous assure avoir prévenu les services français dès 2022. Mais personne ne nous a rien dit", ajoute l'ancien sénateur, agacé.

Alertée par son collègue, la députée du parti présidentiel Renaissance Anne Genetet fait la même manipulation sur sa boîte mail et retrouve aussi un courrier suspect du 21 janvier 2021. "Malencontreusement, je l'ouvre. Une image s'affiche immédiatement, je comprends tout de suite qu'un virus malveillant se trouve dans les pixels", raconte la députée, qui porte plainte immédiatement et dont l'ordinateur est sous scellés depuis.

Interrogé par l'AFP, le parquet s'est refusé à tout commentaire sur ce dossier.

" Dysfonctionnements" 

"S'il y avait aussi peu de parlementaires concernés, je serais rassuré", glisse un haut-responsable français familier des questions de défense. Ce dernier note que l'Anssi protège les services informatiques des deux chambres, ce qui permet de "voir passer pas mal de choses". "Mais il est important que toutes les personnalités importantes se disent qu'elles peuvent être interceptées", insiste cette source.

Les mêmes courriers ont été remarqués par des parlementaires du monde entier, en Belgique, au Canada, en Allemagne ou encore au Danemark.

"Il y a au minimum beaucoup de légèreté et de dysfonctionnements. Je m'inquiète de voir cette puissance chinoise qui agit et un silence total en face. Autant faire entrer tout de suite des espions chinois dans les bureaux", reprend André Gattolin.

Interpellé mardi au Sénat, le gouvernement français s'en est tenu à une réponse convenue: "Le mode opératoire d'APT31 fait l'objet d'un suivi particulier", "y compris judiciaire", a assuré la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot, et "le gouvernement n'exclut pas d'attribuer publiquement ces cyberattaques" à l'avenir.

Peu rassurant pour les parlementaires concernés. "C'est une attaque ouverte, officielle, et les autorités le savent", regrette Olivier Cadic. "Ce qu'on nous fait, c'est un acte de guerre".

 


Mort de Nahel: une reconstitution aura lieu dimanche

La diffusion sur les réseaux sociaux d'une vidéo montrant un policier tirant sur l'adolescent de 17 ans à bout portant lors d'un contrôle routier avait engendré plusieurs nuits d'émeutes violentes. (AFP).
La diffusion sur les réseaux sociaux d'une vidéo montrant un policier tirant sur l'adolescent de 17 ans à bout portant lors d'un contrôle routier avait engendré plusieurs nuits d'émeutes violentes. (AFP).
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  • Le policier mis en examen pour homicide volontaire et ses collègues présents, des témoins... "Pour la première fois, toutes les parties seront confrontées à leur déposition sur la scène du crime
  • La diffusion sur les réseaux sociaux d'une vidéo montrant un policier tirant sur l'adolescent de 17 ans à bout portant lors d'un contrôle routier avait engendré plusieurs nuits d'émeutes violentes

NANTERRE: Près d'un an après la mort de Nahel, tué par un tir de policier à Nanterre le 27 juin 2023, la justice réunit dimanche les principaux protagonistes du dossier pour une reconstitution des faits, a appris l'AFP de sources concordantes.

Le policier mis en examen pour homicide volontaire et ses collègues présents, des témoins... "Pour la première fois, toutes les parties seront confrontées à leur déposition sur la scène du crime, c'est un moment fort", souligne Nabil Boudi, avocat de la mère de Nahel.

La diffusion sur les réseaux sociaux d'une vidéo montrant un policier tirant sur l'adolescent de 17 ans à bout portant lors d'un contrôle routier avait engendré plusieurs nuits d'émeutes violentes.

A travers la France, les incendies de bâtiments publics et d'infrastructures ou les pillages de magasins ont causé des dégâts représentant un milliard d'euros, selon le Sénat.

A Nanterre, non loin du rond-point où Nahel a été tué et où aura lieu la reconstitution, certains bâtiments en portent encore les traces.

L'enquête sur la mort de Nahel, devenue un symbole du débat sur les violences policières, doit notamment établir si l'usage de l'arme à feu était légitime.

Une première version policière, selon laquelle l'adolescent aurait foncé sur le motard, a rapidement été infirmée par la vidéo des faits, diffusée sur les réseaux sociaux.

Policier libéré

Pendant cinq mois, le policier auteur du tir, Florian M., âgé de 38 ans au moment des faits, avait été placé en détention provisoire.

Mais en novembre, il a été libéré et placé sous contrôle judiciaire après plusieurs demandes de son conseil.

Les juges qui ont décidé de sa remise en liberté avaient reconnu qu'il existait encore "des divergences entre les différentes versions données", mais que "le risque de concertation" apparaissait désormais, "dans cette configuration, moins prégnant" et "ne saurait justifier la poursuite de la détention provisoire à ce titre".

"L'information judiciaire a progressé", les parties civiles et les deux policiers ayant été auditionnés, ont indiqué les magistrats.

Ils soulignent également que "si le trouble à l'ordre public demeure", "il est moindre qu'à la date du placement en détention provisoire".

Après la libération de Florian M., Mounia, la mère de Nahel qui l'élevait seule, avait appelé à un rassemblement auquel quelques centaines de personnes s'étaient rendues dans le calme.

"Un policier tue un enfant, arabe ou noir, devient millionnaire et sort de prison, retrouve sa famille tranquillement pour les fêtes", avait-elle déploré dans une vidéo, en référence à la cagnotte qui a récolté plus de 1,6 million d'euros en soutien à la famille du policier.

"Elle est très stressée, ça ravive de mauvais souvenirs", estime Me Boudi, son conseil.

L'avocat de Florian M. n'a pas donné suite aux sollicitations de l'AFP.