PARIS: Douchée par l'Euro raté, remobilisée par l'automne réussi, l'équipe de France s'avance avec une confiance prudente vers la défense en 2022 de son titre mondial, une troisième étoile tricolore que Didier Deschamps, en fin de contrat, rêve d'atteindre avec son nouveau duo Benzema-Mbappé.
La Coupe du monde 2022, programmée du 21 novembre au 18 décembre au Qatar, bouleverse les habitudes et le calendrier. Dans moins d'un an, lorsque les Bleus s'envoleront vers Doha, qu'auront-ils gardé en mémoire de leur année 2021 ?
L'élimination dès les huitièmes de finale de l'Euro, aux tirs au but contre la Suisse ? Il ne sera qu'un souvenir ancien de près de 17 mois. Le trophée de la Ligue des nations, glané en octobre ? Il aura déjà un peu pris la poussière au fond d'une vitrine de la Fédération française.
Il faudra pourtant sortir de l'armoire la plus belle des coupes, celle conquise au Mondial-2018, pour la remettre en jeu et s'essayer à un défi ultime, tenter de la "ramener à la maison" pour quatre années supplémentaires.
La malédiction des champions
Les Bleus ne sauraient, alors, laisser aux oubliettes une année 2021 riche d'enseignements.
Ils se rappelleront ainsi qu'additionner les talents ne suffit pas: le retour tardif de Benzema après cinq ans et demi d'absence, juste avant l'Euro, a sublimé les partenaires du Madrilène deux mois trop tard, affaiblissant quelque peu la thèse des "dix minutes d'égarement" avancée par l'encadrement pour expliquer la déroute face aux Helvètes.
Ils ne manqueront pas non plus de remarquer le destin funeste des trois précédents champions du monde, systématiquement éliminés en poules lors de l'édition suivante. "Il est extrêmement difficile pour une équipe nationale de traverser les compétitions avec succès", résume à l'AFP Guy Stéphan, l'adjoint de Deschamps.
Au moment d'atteindre la barre mythique des dix ans à la tête des Tricolores - son premier match remonte à août 2012 -, le sélectionneur disposera d'autant de signaux d'avertissement que de motifs d'espoir.
A 53 ans et sans promesse de voir son contrat prolongé au-delà de décembre 2022 ("On se reverra après la Coupe du monde", a tranché le président de la FFF Noël Le Graët auprès de l'AFP), Deschamps s'est satisfait, cet automne, de voir l'équipe de France prouver "qu'au-delà de la qualité footballistique, elle avait une force mentale et un état d'esprit".
Les victoires renversantes d'octobre en Ligue des nations contre la Belgique (3-2) et l'Espagne (2-1), après avoir été mené, en ont témoigné, comme la démonstration contre le Kazakhstan (8-0) synonyme de ticket pour Doha.
Duo et records
En plus du sang neuf injecté (Tchouaméni, Theo Hernandez, Koundé...) et du système à trois défenseurs centraux élaboré, Deschamps a surtout vu naître, fin 2021, un duo de magiciens.
Onze années les séparent, mais Kylian Mbappé et Karim Benzema se comprennent comme des frères jumeaux sur une pelouse de football.
Le Parisien a aligné six buts et sept passes décisives - dont un quadruplé, le premier en Bleu depuis Just Fontaine en 1958 - depuis le retour en sélection du Madrilène. Ce dernier, condamné le 24 novembre à un an de prison avec sursis dans "l'affaire de la sextape" (peine dont il a annoncé faire appel), a inscrit 9 buts en 13 matches sur cette période.
"On a prouvé qu'on pouvait jouer à deux et être à la fois collectifs et décisifs", a affirmé en novembre "KB9", quatrième du Ballon d'Or 2021. "C'est une formule qui marche", a reconnu Deschamps. "Je vais les mettre dans des glaçons pour qu'ils soient au frais".
En fin de contrat en juin, Mbappé arrivera-t-il au Qatar en tant que partenaire de Benzema au Real Madrid ? L'ancien Lyonnais a multiplié les appels du pied, l'ex-Monégasque n'a pas caché son envie de rejoindre le club madrilène.
L'accent des Bleus deviendrait alors très espagnol avec Antoine Griezmann (Atlético), meneur de jeu en quête de record. Avec 42 buts, "Grizou" est à neuf unités de Thierry Henry, le meilleur buteur de l'histoire. Neuf buts, c'est précisément son total de 2021...
En chef de file expérimenté, le capitaine Hugo Lloris risque lui aussi d'ajouter une ligne au livre d'or de l'équipe de France. S'il dispute tous les matches, il égalera le Français le plus capé de l'histoire, Lilian Thuram (142 sélections), dès le mois de juin.
Mais ces quelques chiffres, aussi vertigineux soient-il, ne paraissent-ils pas soudain minuscules à côté d'une troisième étoile à broder sur le maillot ?