Entre la France et ses enfants de djihadistes détenus à «GuantanaRoj», des liens ténus

A Roj, 55% des foyers affirment être au courant d'enfants de moins de 11 ans travaillant (Photo, AFP).
A Roj, 55% des foyers affirment être au courant d'enfants de moins de 11 ans travaillant (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 28 décembre 2021

Entre la France et ses enfants de djihadistes détenus à «GuantanaRoj», des liens ténus

  • Sur les quelque 200 enfants français détenus à Roj, 90% ont moins de 12 ans, selon le psychiatre Serge Hefez, parrain symbolique de l'un de ces mineurs
  • Pour eux, les hauts barbelés d'enceinte sont devenus leurs aires de jeu, la captivité leur normalité

PARIS: De Sami*, sa tante Btissam* connaît si peu, si ce n'est qu'il a 6 ans, une cape de super héros et la peur comme quotidien. Ce petit Français est détenu dans un camp de Syrie avec sa mère et des milliers de déplacés. Leurs familles en France tentent de garder un lien avec ces proches de jihadistes.

Sami est né en 2015 en Irak, un an après que son père y a rejoint l'Etat islamique (EI). Il est détenu depuis quasiment trois ans à Roj, une enfilade de tentes dans le nord-est syrien, où croupissent des dizaines de milliers de déplacés, gardés par les forces kurdes. 

Sur les quelque 200 enfants français détenus à Roj, 90% ont moins de 12 ans, selon le psychiatre Serge Hefez, parrain symbolique de l'un de ces mineurs. 

Pour eux, les hauts barbelés d'enceinte sont devenus leurs aires de jeu, la captivité leur normalité. 

"On rate tout de leur vie", regrette Btissam qui sait juste que Sami aime Dragon Ball Z, Batman et les déguisements. Ici sur une photo, elle décèle un clin d’œil du garçonnet assis dans sa "salle de bain", une bassine bleue posée sur le béton en plein soleil. Là, une vidéo dans la tente lui permet d'imaginer la rudesse d'une enfance rétrécie à ce tapis gris et ces parois blanches régulièrement infiltrées par la pluie. 

Ces messages sporadiques laissés sur WhatsApp, parfois au risque d'être emprisonnés six mois car les portables sont interdits à Roj, sont le seul contact possible. 

Ils permettent de tisser des liens ténus mais "fondamentaux", comme l'explique Btissam. "Je lui montre des vidéos de Disney, du planétarium à la Cité des Sciences à Paris et sa chambre ici. Il n'a qu'une hâte, c'est de pouvoir en profiter". 

Albert est, lui, déjà content que son petit-fils, le "p'tit Mo", un "blondinet" de deux ans et demi dont les bouclettes en ont fait "la mascotte du camp", connaisse son existence. 

Né en Syrie, juste avant la féroce bataille et la chute du "califat" de l'EI en 2019 à Baghouz, l'enfant "a vu mon visage, il connaît notre voix, en attendant son rapatriement" que ce sexagénaire appelle de ses vœux, mais que Paris refuse.

Jusqu'à présent, 35 enfants, majoritairement des orphelins, ont été rapatriés par la France qui estime que les adultes doivent être jugés sur place. 

Le français comme bouée

Les trois familles interrogées racontent leurs efforts pour cultiver le lien de leurs petits-enfants avec le français, alors que l'arabe est la langue de jeu entre les 40.000 enfants de 60 nationalités regroupés entre les camps de Roj et Al-Hol. 

Sami, "un petit gabarit" au crâne rasé cet été, aurait dû commencer l'école en septembre. 

A la place, sa mère "s'efforce de lui faire un peu cours tous les jours", mais "elle doit aussi l'emmener avec elle pour les corvées d'eau, de lessive et de courses au souk", explique sa tante.

Contrairement aux petits finlandais qui ont bénéficié de cours secrets en ligne dans le camp d'Al-Hol, les enfants français ne peuvent compter que sur les rares manuels de français introduits dans le camp s'ils souhaitent apprendre plus que les quelques heures de cours dispensés, en kurde, dans une structure du camp. 

C'est la motivation d'avoir un tricycle qui a poussé le "p'tit Mo" à apprendre son alphabet. 

«GuantanaRoj»

L'accès à l'éducation semble toutefois presque anecdotique au regard des conditions de vie "épouvantables" dans ce désert de poussière où règne "un climat de peur et d'insécurité". 

"Les enfants ne manquent pas d'amour, la solidarité est forte, ils manquent de tout le reste à GuantanaRoj", résume Albert. 

"Tous les soirs on s'endort en se demandant si le lendemain nos petits-enfants seront vivants", abonde une grand-mère s'exprimant sous le couvert de l'anonymat.  

Les nuits sont désormais si froides et les chauffages d'appoint si peu fiables que ces femmes et enfants ne les allument pas la nuit et dorment habillés, bonnet sur la tête, comme le racontent leurs proches.

Les incendies liés aux chauffages sont un danger, de même que les combats aux alentours du camp et ces produits déversés sur les tentes pour éradiquer scorpions et araignées et qui, "quand des chats les lèchent, les font crever", selon Albert.

Entre janvier et septembre, 62 enfants sont décédés dans les deux camps d'Al-Hol et Roj, selon l'ONG Save the Children. 

Le 14 décembre, une Française de 28 ans, diabétique, est morte, laissant orpheline une fillette de 6 ans. Son corps est enterré dans ce camp où l'accès aux soins est une gageure, selon son avocate Marie Dosé.

A Al-Hol, seuls 40% des enfants bénéficient d'une éducation, souligne l'ONG, tandis qu'à Roj, 55% des foyers affirment être au courant d'enfants de moins de 11 ans travaillant. 

Une autre ombre plane sur ces enfants: la radicalisation. "Tout le monde le dit, sauf Macron, que la question sécuritaire est un des impératifs pour le rapatriement", vitupère Albert.

"Roj est considéré comme une devanture de déradicalisation, avec des ateliers, des hijab de couleur, des femmes non voilées", abonde un autre grand-père, mais "le climat est en dégradation permanente".  

* noms changés 


L'écrivain Boualem Sansal a entamé une grève de la faim, a déclaré son avocat

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  • « Je suis inquiet pour sa santé, comme pour la possibilité même d'un procès équitable », a affirmé Me François Zimeray, avocat français de l'écrivain, confirmant une information du JDD.
  • Selon Me Zimeray, qui a expliqué ne pas avoir obtenu de visa pour se rendre en Algérie afin de voir son client, Boualem Sansal aurait pris cette décision « en raison des pressions exercées contre lui pour changer d'avocat ».

PARIS : L'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, incarcéré en Algérie depuis mi-novembre, a entamé lundi une grève de la faim, a indiqué son avocat dimanche à l'AFP, précisant tenir cette information d'une source judiciaire.

« Je suis inquiet pour sa santé, comme pour la possibilité même d'un procès équitable », a affirmé Me François Zimeray, avocat français de l'écrivain, confirmant une information du JDD.

Selon Me Zimeray, qui a expliqué ne pas avoir obtenu de visa pour se rendre en Algérie afin de voir son client, Boualem Sansal aurait pris cette décision « en raison des pressions exercées contre lui pour changer d'avocat ».

« Ni la pondération dans l'expression de sa défense, ni la retenue face à la campagne abjecte que j'ai subie dans certains médias algériens, ni le respect du cadre judiciaire de ce pays ne semblent avoir été appréciés par un régime qui persiste à me refuser le visa sans raison valable, privant Boualem Sansal de la défense de son choix », a martelé l'avocat.

Ce dernier a également affirmé que le protocole de soin suivi par Boualem Sansal avait été interrompu, alors que l'écrivain souffrirait d'un cancer, d'après des informations de presse.

Boualem Sansal est poursuivi en vertu de l'article 87 bis du Code pénal algérien, qui sanctionne comme acte terroriste ou subversif tout acte visant la sûreté de l'État, l'intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions.

Selon le quotidien français Le Monde, le pouvoir algérien aurait mal pris les déclarations de Boualem Sansal au média français Frontières, réputé d'extrême droite, reprenant la position du Maroc selon laquelle le territoire de ce dernier pays aurait été amputé sous la colonisation française au profit de l'Algérie.

Son incarcération a provoqué les protestations de nombreux intellectuels et écrivains, qui estiment les poursuites sans aucun fondement.

Boualem Sansal a longtemps affirmé être né en 1949, ce qui lui donnerait aujourd'hui 75 ans. En décembre, son éditeur Antoine Gallimard avait pour sa part indiqué qu'il était en vérité né en 1944 et avait donc 80 ans.


Immigration : un conseil interministériel se réunit mercredi

Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) serre la main d'un agent de la police nationale française dans une caserne de pompiers après une attaque au couteau à Mulhouse, dans l'est de la France, où un homme est soupçonné d'avoir tué une personne et grièvement blessé deux agents de police, le 22 février 2025 (Photo par SEBASTIEN BOZON / AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) serre la main d'un agent de la police nationale française dans une caserne de pompiers après une attaque au couteau à Mulhouse, dans l'est de la France, où un homme est soupçonné d'avoir tué une personne et grièvement blessé deux agents de police, le 22 février 2025 (Photo par SEBASTIEN BOZON / AFP)
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  • Ce conseil, qui était prévu avant l'attaque de Mulhouse, « se réunira ce mercredi », a déclaré Jean-Noël Barrot lors d'un entretien avec Europe 1 et CNews, où il était interrogé sur l'attaque de samedi.
  • Interrogé sur TF1, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a indiqué que le suspect faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et a accusé l'Algérie de l'avoir refoulé à 10 reprises.

PARIS : Le gouvernement français réunira un conseil interministériel de contrôle de l'immigration mercredi, alors qu'une attaque au couteau, perpétrée par un Algérien en situation irrégulière, a fait un mort samedi à Mulhouse, a assuré dimanche le ministre des Affaires étrangères.

Ce conseil, qui était prévu avant l'attaque de Mulhouse, « se réunira ce mercredi », a déclaré Jean-Noël Barrot lors d'un entretien avec Europe 1 et CNews, où il était interrogé sur l'attaque de samedi.

Au cours de l'entretien, le ministre a été interrogé sur les discussions avec ses homologues algériens concernant les obligations de quitter le territoire français (OQTF).

« Cette attaque terroriste nous appelle à amplifier encore la mobilisation qui est la nôtre pour mieux contenir et prévenir les conséquences de la présence de ce terroriste islamiste sur le territoire national », a estimé le ministre avant d'évoquer le conseil interministériel.

Interrogé sur TF1, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a indiqué que le suspect faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et a accusé l'Algérie de l'avoir refoulé à 10 reprises.

Le Premier ministre, François Bayrou, a d'ailleurs convoqué un conseil interministériel de contrôle de l'immigration ce mercredi. « Nous devons faire plus et nous devons faire mieux », a-t-il déclaré.

M. Barrot a également affirmé avoir demandé « aux 19 ambassadeurs, dans les pays où nous rencontrons le plus de difficultés pour renvoyer les étrangers en situation irrégulière, à me faire un rapport circonstanciel dont je présenterai les résultats ce mercredi au Premier ministre pour que nous puissions prendre des mesures fortes ».

« Il y a des pays vis-à-vis desquels il nous faut effectivement prendre des mesures fortes. Il y en a d'autres où, au contraire, il nous faut des mesures d'accompagnement », a-t-il ajouté. 


« La France doit produire plus pour manger mieux », affirme la ministre de l'Agriculture

Le président français Emmanuel Macron (G) s'adresse à la presse en compagnie de la ministre française de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Annie Genevard  L'édition 2025 du SIA (Salon International de l'Agriculture) Agriculture se tient à Paris du 22 février au 2 mars 2025. (Photo par Thomas Padilla / POOL / AFP)
Le président français Emmanuel Macron (G) s'adresse à la presse en compagnie de la ministre française de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Annie Genevard L'édition 2025 du SIA (Salon International de l'Agriculture) Agriculture se tient à Paris du 22 février au 2 mars 2025. (Photo par Thomas Padilla / POOL / AFP)
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  • la France doit affirmer sa souveraineté agricole comme un enjeu régalien et réarmer sa puissance alimentaire », a-t-elle déclaré, appelant à « sonner la mobilisation générale ».
  • « La France doit produire plus pour manger mieux. Produire plus pour reconquérir l’assiette des Français, produire plus pour importer moins et garantir les standards de production que nous exigeons de nos paysans », a-t-elle ajouté.

PARIS : « La France doit produire plus pour manger mieux », a affirmé dimanche, lors de l'inauguration du stand du ministère au Salon de l'agriculture, la ministre de l'Agriculture Annie Genevard, livrant sa vision de la souveraineté alimentaire.

« Dans ce moment de grand bouleversement de l'ordre international (...), la France doit affirmer sa souveraineté agricole comme un enjeu régalien et réarmer sa puissance alimentaire », a-t-elle déclaré, appelant à « sonner la mobilisation générale ».

« La France doit produire plus pour manger mieux. Produire plus pour reconquérir l’assiette des Français, produire plus pour importer moins et garantir les standards de production que nous exigeons de nos paysans », a-t-elle ajouté, suscitant des applaudissements dans le public, largement composé de représentants du monde agricole (producteurs, interprofessions, syndicats, chambres d'agriculture, etc.).

« Produire plus pour pouvoir investir et ainsi produire mieux. Produire plus pour rester une puissance exportatrice et jouer dans la cour des grands alors que de nouveaux équilibres de la géopolitique agricole se dessinent », a-t-elle poursuivi, au côté de son homologue marocain, Ahmed El Bouari, dont le pays est l'invité d'honneur du Salon.

« Produire plus et tourner le dos aux partisans de la décroissance et du repli sur soi », a ajouté Mme Genevard.

Tout en estimant qu'il est « un non-sens » d'opposer agriculture et environnement alors que les agriculteurs travaillent « avec la nature », elle a déclaré se battre « chaque jour pour qu'on ne bride pas l'alimentation au nom de la planète, alors qu'il n’y a aucun bénéfice objectif à ces entraves administratives ou réglementaires ».

La ministre s'en est ensuite vigoureusement pris aux « idéologues », « les procureurs qui mangent du paysan à tous les repas sans en avoir jamais vu, pour entretenir le fantasme d'une France agricole productiviste ».

« On invoque souvent la dette environnementale que nous pourrions laisser à nos enfants. Mais je ne veux pas non plus leur laisser une dette alimentaire », a-t-elle encore affirmé.