BEYROUTH: Lundi soir, le président libanais Michel Aoun a accusé le Hezbollah, sans nommer le parti, d’entraver le fonctionnement du gouvernement.
«Il est vrai que la défense de la patrie requiert une coopération entre l’armée, le peuple et la Résistance, mais la responsabilité incombe principalement à l’État», a déclaré Aoun lors d’un discours télévisé.
«Seul l’État peut définir la stratégie de défense et garantir son exécution. Mais, avant d’atteindre cet objectif, l’obstruction volontaire, systématique et injustifiée qui mène au démantèlement institutionnel et à la dissolution de l’État doit cesser.»
Aoun a également précisé qu’il souhaitait «avoir les meilleures relations possibles avec les pays arabes, notamment les pays du Golfe» et a demandé : «Qu’est-ce qui justifie les tensions avec ces pays et l'ingérence dans des affaires qui ne nous concernent pas ? »
La semaine passée, la tension est montée entre le chef du Courant Patriotique Libre et le Hezbollah lorsque le Conseil constitutionnel a rejeté un recours présenté par le CPL en invalidation contre les amendements à la loi électorale qui ont été approuvés par le Parlement mais contrés par les députés aounistes. Le recours aurait limité le droit de vote des expatriés. Au lieu de pouvoir voter pour les 128 membres du Parlement, ils n’auraient pu voter que pour six dévolus à la diaspora.
Dans un discours qu’il a prononcé à la suite de la décision du Conseil, le chef du CPL, Gebran Bassil, a dénoncé le Hezbollah. Il était donc prévu que Aoun critique, lui aussi, le parti et qu’il l’accuse de perturber le fonctionnement du gouvernement.
Plus tôt le lundi, le ministre de l’Intérieur Bassam Mawlawi a annoncé qu’il avait signé un décret pour que les élections parlementaires soient tenues le 15 mai. Le Parlement avait recommandé que les élections se déroulent le 27 mars, mais Aoun s’était opposé à cette date et avait demandé qu’elles soient reportées au mois de mai.
Dans son discours, le président a appelé à «un dialogue national urgent pour réfléchir à ces trois questions : la décentralisation administrative et financière, la stratégie de défense et le plan de sauvetage économique.»
Tout en veillant à ne pas rompre totalement ses relations avec le Hezbollah, il a indirectement accusé le parti de perturber le fonctionnement de l’État.
«Je ne veux me disputer avec personne, avec aucun parti. Je ne veux non plus briser l’unité d’aucune secte», a affirmé Aoun.
Il a cependant ajouté qu’il n’accepterait pas «d’être témoin de la chute de l’État et de la souffrance du peuple» et qu’il continuerait à travailler jusqu’au dernier jour de son mandat et de sa vie pour éviter cela.
«La solution réside dans le dialogue et les moyens pacifiques. Tout commence par la réunion et le travail du Conseil des ministres et de toutes les institutions gouvernementales.»
Il a insisté sur le fait qu’il était «indispensable que le gouvernement se réunisse… et que le Parlement surveille son travail au lieu de contribuer à son dysfonctionnement. La perturbation du gouvernement est à l’origine de la paralysie de l’administration.»
Le président a également précisé que «seul l’État pouvait définir et implémenter la stratégie de défense et que l’obstruction volontaire, systématique et injustifiée devait cesser.»
Aoun a critiqué la perturbation de l’État causée par les demandes du Hezbollah et du mouvement Amal de mettre fin à l'enquête du juge Tarek Bitar sur les causes de l'explosion du port de Beyrouth en août 2020.
«Par quelle charia, logique ou constitution, le Conseil des ministres est-il suspendu ? Pourquoi lui est-il demandé de prendre une décision qui ne relève pas de ses pouvoirs ? Pourquoi ses travaux sont-ils suspendus à cause d’un problème qui n’est pas en rapport avec le pacte national ?» a-t-il demandé.
Il a conclu son discours en disant qu’il transmettait «un message franc» et qu’il espérait «ne pas devoir en dire davantage.»
Le discours de Aoun coïncide avec une campagne sur les réseaux sociaux et les sites d’actualités en signe de protestation contre des incidents qui ont eu lieu sur la route qui mène vers l’aéroport de Beyrouth, où le Hezbollah a affiché des bannières et des images en soutien aux dirigeants iraniens, notamment Qassem Soleimani, ancien commandant de la force Al-Qods du Corps des gardiens de la révolution islamique, à l'approche du deuxième anniversaire de son assassinat par un drone américain, le 3 janvier 2020.
Les activistes trouvent que ces bannières et ces photos sont «provocatrices pour tout Libanais, et plus précisément pour les expatriés qui rentrent au Liban pour les fêtes.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com