HENON : Un chatoiement de couleurs pour oublier l'hiver, une église magnifiée par la magie des oeuvres et de la lumière: à Hénon, près de Saint-Brieuc, l'univers onirique du peintre naïf Alain Thomas enchante jusqu'au printemps les façades de cette commune rurale.
En pénétrant dans la grande église du XIXè siècle en granit gris, on plonge dans l'univers de l'artiste. Les jeux de lumière et la musique happent le visiteur, à l'oeil déjà accaparé par les fresques géantes suspendues dans la nef et la cinquantaine de mobiles d'oiseaux chutant de la voûte. Ara, toucan, amazone de Guilding ou perruche Nanday éblouissent au milieu d'un décor de végétation exubérante.
Autodidacte, Alain Thomas, qui vit près de Nantes, peint depuis 60 ans. Promis à l'entreprise familiale, il s'en est détaché dans la douleur, peignant à l'origine des toiles sombres et atones jusqu'à élaborer progressivement sa palette luxuriante, désormais exposée dans le monde entier, explique à l'AFP son fils, Wilhem Thomas.
"Ses tableaux ont ce côté intemporel, universel, qui rend son oeuvre intergénérationnelle et parle à tous (...) Il réveille notre part d'enfance, à nous, adultes", analyse-t-il. "C'est un coloriste avant tout, ses tableaux sont très puissants, très vivifiants".
Généralement de taille moyenne, environ 40 centimètres sur une trentaine, parfois plus petites (18x18), 80 par 80 pour les plus grandes, ses oeuvres - essentiellement la nature et les animaux - sont d'abord numérisées, agrandies et imprimées avec des "encres ultrachromes et lumineuses", développe Wilhelm Thomas. "On ne cherche pas à être parfaitement fidèle, dans la reproduction, à l'oeuvre originale", spécifie-t-il.
Les oeuvres suspendues dans la nef font 28m2 et le Saint-François d'Assise aux oiseaux installé dans le choeur avoisine les 70m2.
La cinquantaine de reproductions habillent aussi les murs extérieurs de l'église, les vitrines de commerces. Le tout est en accès libre, y compris, pas loin de l'église, la galerie ouverte le temps de l'exposition, seul endroit où le pass sanitaire est exigé. D'autres reproductions y sont visibles -ainsi qu'une oeuvre originale de 1976, "La nef aux fous"- mais on peut surtout y découvrir des collaborations de l'artiste avec une quinzaine de manufactures nationales, comme les Emaux de Longwy ou les Porcelaines de Limoges.
Un « antidote » à la morosité
"Notre idée au départ, c'était d'amener la culture au plus près des citoyens dans une période où tout est morose", explique à l'AFP Thierry Andrieux, maire de ce village de 2.300 habitants. L'élu y est parvenu au-delà de ses espérances: avec à chaque fois une exposition différente d'oeuvres d'Alain Thomas, sa commune a recensé 20.000 visiteurs la première année, en 2018, 30.000 en 2019, et sans doute davantage cette année.
"Ici comme ailleurs, on se rend compte, depuis la crise sanitaire, que son oeuvre n'a jamais connu un tel engouement. C'est un peu comme un antidote" au désenchantement, constate Wilhelm Thomas.
A Hénon, ces expositions "ont permis de fédérer la population. C'est important, le lien social en ce moment", relève le maire.
A l'origine du projet, sa première adjointe, Nadine L'Echelard, mûrissait l'idée depuis un moment: "Je voulais que ce soit en extérieur, au moment des fêtes, que ça touche tous les publics sans froisser personne, que ce soit coloré et visible le soir, qu'on puisse y associer des animations..." Le concept était là mais pas encore le contenu. "Un jour, une personne m'a présenté une carte postale représentant un tableau d'Alain Thomas. Je me suis dit: +C'est ça qu'il nous faut!+"
Il a fallu ensuite convaincre le peintre, davantage habitué aux grandes capitales qu'aux communes rurales. "Cela a fonctionné et cette rencontre est devenue un vecteur de rassemblement pour nous tous, tout en donnant une notoriété à la commune", résume-t-elle.
"Personne n'aurait deviné un tel accueil, et, jamais nous n'aurions imaginé faire une troisième exposition" à Hénon en cette fin d'année 2021, se réjouit Wilhelm Thomas.