COPENHAGUE: Reconnue coupable d'avoir illégalement ordonné la séparation de plusieurs couples de demandeurs d'asile parce que la femme était mineure, l'ex-ministre de l'Intégration du Danemark a été condamnée lundi à deux mois de prison.
Reconnue coupable d'avoir délibérément bafoué ses responsabilités ministérielles et violé la Convention européenne des droits de l'homme en ordonnant la séparation de couples de demandeurs d'asile, dont certains avaient des enfants, lorsque la femme était âgée de moins de 18 ans, Inger Støjberg s'attendait à être relaxée.
« Je suis très, très surprise », a dit la députée à la sortie du tribunal. « Je pense que c'est une défaite pour les valeurs danoises aujourd'hui, pas seulement pour moi ».
En 2016, 23 couples, dont la différence d'âge était pour la plupart peu importante, avaient été séparés, sans examen individuel de leur dossier, en vertu de la consigne donnée par la ministre. Ils étaient alors placés dans des centres différents pendant l'examen de leur dossier.
Sa décision « était illégale car le ministère de l'Immigration n'était pas tenu de prendre un arrangement concret (...) dans lequel aucune considération n'était accordée individuellement aux personnes concernées », a indiqué le président de la cour, Thomas Rørdam, lors de l'énoncé du jugement.
Le Parquet s'est félicité d'un verdict « clair et correct ».
« Ce qui est décisif pour nous, c'est que le tribunal a conclu qu'Inger Støjberg est coupable, et que c'était intentionnel », a réagi le procureur Jon Lauritzen.
Héraut d'une ligne migratoire dure
Le Parlement va lui se prononcer sur son éventuelle exclusion de son mandat de députée, indépendante de la peine, sur laquelle il est impossible de faire appel.
Ministre de l'Immigration de 2015 à 2019 dans un gouvernement de centre droit soutenu par la droite populiste anti-immigration du Parti du peuple danois (DF), Mme Støjberg assumait la très restrictive politique d'accueil du Danemark. Elle se targuait d'avoir fait adopter plus de 110 amendements restreignant les droits des étrangers.
Durant son mandat, elle avait aussi fait passer une mesure confisquant des biens de migrants pour financer leur prise en charge au Danemark.
Ancienne vedette du parti libéral, elle l'avait quitté l'hiver dernier lors de sa mise en accusation formelle.
L'un de ses anciens collègues du gouvernement s'est félicité du bon fonctionnement de la justice danoise.
« 60 jours, c'est une peine sévère, mais il est important que les mensonges et la démagogie ne puissent pas faire fléchir la loi », a écrit sur Twitter l'ancien ministre des Finances, Kristian Jensen.
Mme Støjberg compte parmi ses soutiens les plus fervents les partis d'extrême droite, qui ont crié au scandale après l'annonce du verdict.
« Un jugement totalement incompréhensible. Inger Støjberg a fait ce qu'il fallait. Les mariages d'enfants ne devraient pas être discutés au Danemark - indépendamment de ce que les conventions dépassées peuvent penser », a écrit sur Facebook le chef de file de DF au Folketinget, le parlement danois.
C'est seulement la troisième fois depuis 1910 qu'un responsable politique est renvoyé devant les 26 juges de la cour spéciale de justice au Danemark, destinée à juger des ministres ayant commis des malversations ou négligences dans l'exercice de leurs fonctions.
Le dernier cas remonte à 1993 avec le « Tamoulgate », le gel illégal du regroupement familial des réfugiés tamouls qui avait été décidé en 1987 et 1988 par l'ancien ministre conservateur de la Justice Erik Ninn-Hansen. Ce dernier avait écopé ensuite d'une peine de quatre mois de prison avec sursis.
Au Danemark, les personnes qui purgent des peines d'emprisonnement de moins de six mois peuvent bénéficier d'un placement sous surveillance électronique.