Il ne fait aucun doute que toute relance de l’accord sur le nucléaire – ou Plan d’action global commun (PAGC) – apportera au régime iranien des avantages financiers dont il a désespérément besoin.
Cet accord permettra au régime de réintégrer le système financier mondial et de combler partiellement l’un des pires déficits budgétaires depuis sa création en 1979. Selon les estimations, le régime de Téhéran accuse un déficit d’un milliard de dollars (1 dollar = 0,86 euros) par mois et, sans accord sur le nucléaire, l’inflation va augmenter davantage et la monnaie nationale, le riyal, va se dévaluer.
L’accord sur le nucléaire aidera également les mandataires de l’Iran de manière indirecte, car Téhéran connaît d’importants problèmes de financement pour ses milices et ses groupes terroristes dans toute la région. Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a auparavant lancé un appel public aux dons pour le groupe, déclarant: «Les sanctions et les listes d’organisations terroristes sont une forme de guerre contre la Résistance et nous devons les traiter comme tels. J’annonce aujourd’hui que nous avons besoin du soutien de la part de notre base populaire. Il relève de la responsabilité de la résistance libanaise, de sa base populaire et de son milieu de lutter contre ces mesures.»
Il va sans dire que le régime clérical, qui dispose de ressources financières limitées, souhaite désespérément que les sanctions soient levées et que des milliards de dollars affluent à nouveau dans sa trésorerie. Cela lui permettrait de financer le Corps des Gardiens de la révolution islamique et d’intensifier son aventurisme et ses projets militaires dans la région, qui comprennent le financement et l’armement de groupes terroristes et de milices au Liban, en Irak, en Syrie et au Yémen.
Ce serait néanmoins une erreur de prétendre que la relance du PAGC résoudra les problèmes fondamentaux du régime iranien. Le paysage social, économique et politique de l’Iran a considérablement changé depuis 2015, date à laquelle l’accord sur le nucléaire a été conclu avec le Royaume-Uni, la Chine, la Russie, la France, les États-Unis et l’Allemagne. Tout d’abord, le régime est devenu beaucoup plus impopulaire, tant dans le pays qu’au Moyen-Orient. Il y a six ans, le président Hassan Rohani, dit modéré, avait promis d’améliorer la situation économique de la population grâce à l’accord sur le nucléaire et de normaliser les relations avec le reste du monde.
Les protestations contre le régime se sont multipliées ces dernières années et des milliers de manifestants ont été tués par le Corps des Gardiens de la révolution islamique. Selon Amnesty International, plusieurs branches du gouvernement iranien ont été impliquées dans ces abus et ces crimes. «La police, les services de renseignement, les forces de sécurité iraniens ainsi que les agents pénitentiaires ont commis, avec la complicité des juges et des procureurs, une série de violations choquantes des droits de l’homme, notamment des détentions arbitraires, des disparitions forcées, des actes de torture et autres mauvais traitements à l’encontre des personnes détenues», précise l’organisation.
«Malgré le recours du régime à la violence, la frustration et la colère profondes partagées par de nombreux habitants du pays ne cessent d’augmenter.»
Dr. Majid Rafizadeh
Malgré le recours du régime à la violence, la frustration et la colère profondes partagées par de nombreux habitants du pays ne cessent d’augmenter. Ce mécontentement ne disparaîtra pas, même si un accord sur le nucléaire est conclu.
Premièrement, les problèmes économiques de l’Iran sont systémiques et résultent du système financier corrompu du pays. La crise monétaire actuelle n’est pas une anomalie: la valeur du riyal a chuté presque continuellement au cours des quarante dernières années, passant de 70 riyals pour un dollar en 1979 à 292 000 riyals la semaine dernière. Cette tendance se poursuivra tant que le régime iranien ne s’attaquera pas à la corruption endémique du pays. Le système financier a été conçu pour profiter aux fonctionnaires et aux personnes au sommet plutôt qu’aux personnes ordinaires.
Deuxièmement, le régime iranien a besoin d’attirer les investissements étrangers pour faire face à ses difficultés financières. Toutefois, même si l’accord sur le nucléaire est relancé, les sociétés et entreprises occidentales seront extrêmement prudentes et privilégieront la stabilité politique et économique pour leurs investissements. Que se passera-t-il si le PAGC s’effondre à nouveau?
Troisièmement, même si un accord est conclu, le Congrès américain peut toujours imposer des sanctions au régime iranien, à des organisations gouvernementales et à des particuliers pour violation des droits de l’homme ou terrorisme.
Quatrièmement, l’administration Biden ne sera pas en mesure de lever une grande partie des sanctions imposées lors de la précédente administration américaine, car celles-ci ont été adoptées par un vote écrasant au Congrès, avec le soutien des parties. Certaines des restrictions les plus importantes imposées au régime iranien sont issues de la loi CAATSA (Contrer les ennemis des États-Unis par le biais des sanctions) de 2017, une initiative clé contre l’Iran qui continuera probablement à porter des coups durs à Téhéran.
Par conséquent, la crise sous-jacente du régime iranien s’aggravera même si un accord nucléaire est conclu avec les puissances mondiales.
Dr. Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.
TWITTER : @Dr_Rafizadeh
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com