PARIS : Respecter les gestes barrières, demander le pass sanitaire: les candidats à l'élection présidentielle sont soumis à l'épineuse organisation de leur campagne en temps d'épidémie de Covid qui frappe à nouveau la France au moment où de nombreux grands meetings sont prévus début décembre.
Lancement d'"Ensemble citoyens!" de la majorité lundi à la Mutualité à Paris, Jean-Luc Mélenchon à La Défense le 5 décembre, le même jour qu'Eric Zemmour au Zénith, puis un meeting LR à la porte de Versailles le 11, quand Yannick Jadot sera dans l'Aisne, à la veille d'un grand raout d'Anne Hidalgo à Perpignan: les prochaines semaines vont être animées dans la course à l'Elysée.
Mais comment allier vie démocratique et responsabilité sanitaire ? Les candidats doivent trouver un équilibre délicat.
"On prend toujours contact avec la mairie et la préfecture concernées", explique Valentin Przyluski, président du mouvement L'Engagement, qui organise la campagne d'Arnaud Montebourg.
"On laisse les autorités décider et on s'ajuste en fonction", "masque ou pas, pass sanitaire ou pas", détaille-t-il . "On privilégie les petites rencontres", insiste-t-il, car, selon lui, "ça diminue l'état d'appréhension" des participants.
Fin mai, le Conseil constitutionnel avait exempté les réunions politiques du pass sanitaire. Une circulaire du ministère de l'Intérieur fin septembre justifiait cette dérogation par la nécessaire "participation de tous les citoyens à la vie politique de la Nation", "un des principes fondateurs de notre République".
Mais plusieurs candidats ont fait le choix, "par responsabilité", de l'imposer à l'entrée de tous leurs événements publics.
C'est le cas à gauche notamment de l'écologiste Yannick Jadot ou encore d'Anne Hidalgo: "On veut que tous ceux qui viennent à nos meetings se sentent protégés", indique à l'AFP le sénateur David Assouline, en charge de l'organisation des événements de campagne de la candidate socialiste. "Il y a des gens fragiles qui ont les mêmes droits que les autres de venir", plaide-t-il.
A droite, les réunions publiques battent leur plein, à une semaine du congrès qui désignera le candidat LR à la présidentielle d'avril 2022.
"Le pass est exigé dans toutes les réunions de Valérie Pécresse", assure à l'AFP son porte-parole Pierre Liscia.
D'autres candidats à l'Elysée préfèrent, eux, laisser le choix à leurs sympathisants.
"Le pass n’est pas obligatoire pour les réunions politiques", justifie-t-on dans l'entourage de Marine Le Pen (RN), d'Eric Zemmour et de Jean-Luc Mélenchon (LFI). "Jamais" l'ex-Front national Florian Philippot ne l'exigera, dit-il à l'AFP.
«Pas question»
Quelle stratégie adopter pour le gouvernement alors que plus de 32.500 cas ont été recensés mercredi, au plus haut depuis le 24 avril ? Instaurer des jauges voire rendre obligatoire le pass sanitaire ?
"Aujourd'hui, il n'en est pas question", assure un ministre. "Mais lundi prochain on fait notre truc (lancement d'Ensemble citoyens!), le week-end suivant tout le monde est en meeting. Ca va être la fête du slip !", prévient-il.
"Ce serait anti-constitutionnel!", s'emporte Florian Philippot.
Mais "rien n'empêche un organisateur d'exiger le pass sanitaire" de sa propre initiative, avait rappelé mercredi le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal.
Une ligne adoptée par le parti Les Républicains: le pass sanitaire et le masque seront obligatoires lors du premier grand rassemblement d'après-Congrès, à la porte de Versailles. "Une question de bon sens", selon son président Christian Jacob.
Idem pour Anne Hidalgo à Perpignan le lendemain, pour son principal meeting de fin d'année.
Quelques jours avant, les Insoumis feront, eux, "respecter les gestes barrières, le port du masque et mettront du gel à disposition" des participants pour le meeting de M. Mélenchon sur le parvis de La Défense. Eric Zemmour "préconisera" le port du masque au Zénith de Paris, où 5.800 personnes sont attendues le même jour.
"C'est impossible d'être +le candidat distant+, le +champion des gestes barrières+, en pleine campagne", fait-on valoir dans le camp d'Arnaud Montebourg. "Il faut rehausser collectivement le niveau de vigilance sur les gestes barrières", préconise plutôt M. Przyluski.
Covid-19: aération et masques plus importants que jamais
PARIS : Aérer et porter le masque en intérieur: ces gestes barrières sont plus importants que jamais à l'heure où l'épidémie de Covid-19 redémarre, comme le montre une étude sur l'expansion du variant Delta en France cet été.
Sans surprise, les endroits les plus risqués pour la contamination étaient les lieux clos mal aérés: soirées pour regarder les matchs de l'Euro de football (à domicile ou dans des bars), discothèques ou, dans une moindre mesure, transports (ce qui n'était pas le cas avec les précédents variants, sans doute parce que Delta est plus transmissible).
"La conséquence pratique, c'est de rappeler l'importance de l'aération et du port du masque", indique à l'AFP le responsable de l'étude, l'épidémiologiste Arnaud Fontanet.
C'est d'autant plus vrai que l'Europe vit actuellement un "redécollage épidémique synchrone avec une vague de froid" qui pousse les gens à rester en intérieur, et donc davantage exposés au risque, ajoute-t-il.
Parus vendredi dans la revue médicale The Lancet Regional Health Europe, ces travaux sont le quatrième volet d'une vaste étude sur les lieux de contamination menée par l'Institut Pasteur depuis le début de la pandémie.
Terrasses
Ce volet porte sur la période du 23 mai au 13 août, qui correspond à la réouverture progressive des lieux publics après le troisième confinement et à l'apparition du variant Delta sur le territoire.
Aucun surrisque n'a été mis en évidence à cette période pour les restaurants, qui ont rouvert le 19 mai en extérieur et le 9 juin en intérieur. C'est "probablement parce qu'on était en plein été et qu'on pouvait largement ouvrir les fenêtres et mettre les gens en terrasse", note le Pr Fontanet.
Largement documentée dans de nombreuses études, l'augmentation du risque dans les endroits mal ventilés vient du fait que le SARS-CoV-2 se transmet massivement via les aérosols, ces nuages de particules que nous émettons lorsque nous respirons (et plus encore lorsque nous parlons, crions ou chantons).
Malgré cela, l'importance de l'aération (qui disperse ces nuages, comme de la fumée de cigarette) n'est pas toujours bien comprise par le grand public.
"On n'a pas été assez clairs sur l'aération, nous les scientifiques", admet le Pr Fontanet, membre du Conseil scientifique qui guide le gouvernement français.
"Rien qu'une porte ouverte en intérieur sur un couloir, dans une salle de classe par exemple, c'est déjà quelque chose, même si c'est mieux d'ouvrir une fenêtre", insiste-t-il.
Enfants
En plus du rappel de vaccin, le gouvernement français a d'ailleurs mis l'accent sur les gestes barrières jeudi en annonçant de nouvelles mesures de lutte contre la cinquième vague.
Ainsi, le masque est à nouveau obligatoire en France dans les lieux intérieurs recevant du public, y compris là où le pass sanitaire est réclamé (restaurants, cinémas, discothèques...).
Dans les lieux clos et mal aérés, certains professionnels encouragent à porter des masques FFP2, plus protecteurs car plus couvrants et plus filtrants, plutôt que les simples masques chirurgicaux.
"Pour moi, quand vous êtes dans des situations à très haut risque, mettre un FFP2 c'est du bon sens", commente le Pr Fontanet.
Par ailleurs, l'étude ComCor montre que la présence d'enfants dans l'entourage est associée à un surrisque d'infection chez les plus de 40 ans, allant de +30% quand l'enfant est un collégien à +90% quand il a moins de 3 ans.
"Cela montre qu'il est important de garder toutes les mesures à l'école, aération et masques", selon le Pr Fontanet.
Ce volet de l'étude ComCor se base sur les données de 12.634 personnes testées positives entre le 23 mai et le 13 août, et 5.560 personnes-témoins non infectées. Toutes les personnes ont répondu à un questionnaire détaillé pour déterminer le risque de contamination selon les lieux fréquentés.