Macron, président-candidat

Le président français Emmanuel Macron. (Photo, AFP)
Le président français Emmanuel Macron. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 24 novembre 2021

Macron, président-candidat

Macron, président-candidat
  • Ainsi va le système présidentiel français; la deuxième moitié de chaque premier mandat est généralement conçue pour en conquérir un second
  • Emmanuel Macron fera durer le plaisir de sa non-candidature jusqu’à la dernière limite permise

Il aurait tort de se priver d’un tel luxe. Mener une campagne de candidat déguisé dans le confortable habit du président installé. Depuis de longs mois, Emmanuel Macron calcule ses moindres sorties et ses prises de position à l’aune de ce que cela pourrait lui apporter dans les urnes. Qu’il s’agisse de sa manière de gérer la crise de la Covid-19 ou de sa volonté de projeter la puissance de la France à l’international, tout est occasion pour lui de tresser les contours d’une victoire à la prochaine présidentielle et donc un inévitable second mandat.

Ainsi va le système présidentiel français; la deuxième moitié de chaque premier mandat est généralement conçue pour en conquérir un second. Et toute la mise en scène politique est destinée à poser les traces d’un candidat à la recherche d’un second souffle. 

Emmanuel Macron n'échappe pas à la règle. Il aurait pu continuer tranquillement à gouverner là où ses concurrents s’essoufflent à démonter sa politique et sa stratégie. La seule manière pour eux d’exister. Chacun, pour se donner une contenance présidentielle, se positionne en premier opposant du président Macron.

Cette situation est à double tranchant. Elle a le don de mettre le président au centre de l’astre présidentiel mais elle présente l’inconvénient de concentrer le feu des critiques sur sa personne et ses choix. 

Aujourd’hui, alors qu’il n’est toujours pas officiellement candidat, Emmanuel Macron subit les foudres de la droite républicaine dont le nouveau leadership, homme ou femme, n’a d’autres choix que de le pilonner à l’arme lourde, histoire de créer le sillon qui distingue Emmanuel Macron de l’héritage politique de la droite.
 

Aujourd’hui, alors qu’il n’est toujours pas officiellement candidat, Emmanuel Macron subit les foudres de la droite républicaine dont le nouveau leadership, homme ou femme, n’a d’autres choix que de le pilonner à l’arme lourde.

Mustapha Tossa

Il est vrai que l’actuel maître de l’Élysée avait totalement cannibalisé la droite, ses ressources humaines et son projet politique, au point d’incarner parfaitement, et dans une illusion d’optique qui ne trompe personne, la véritable illustration de la droite au pouvoir. Les deux seuls Premiers ministres d’Emmanuel Macron, Édouard Philippe et Jean Castex, ne proviennent-ils pas des rangs de cette droite qui s’échine aujourd’hui à trouver un candidat et un chef? Sans oublier la plupart des ministères régaliens offerts sur un plateau d’argent aux grands pontes de la droite comme le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, ou celui de l’Économie, Bruno Le Maire, pour ne citer que les plus visibles.

Emmanuel Macron aura aussi géré la dynamique politique de l’extrême droite tiraillée entre une extrémiste devenue par calcul conservatrice, Marine Le Pen, et un trublion qui dynamite tout sur son passage, Éric Zemmour. 

S’il y a quelqu’un qui regarde leurs guerres intestines avec la plus grande délectation, c’est bien Emmanuel Macron. Pour le président de la république, Éric Zemmour remplit trois missions précieuses et essentielles. Empêcher Marine Le Pen de dédiaboliser son image et devenir ainsi électoralement fréquentable. Hystériser le débat politique pour transformer Emmanuel Macron en un inévitable recours et obliger la droite républicaine à courir derrière une radicalité qui fera fuir les électeurs. 

À l’heure actuelle, le seul bénéficiaire de cette tornade de l’extrême droite qui souffle sur la France est le président Macron qui apparaît à la fois comme un recours pour contrer les dangers qui menacent le tissu social français et un phare de stabilité qui indique une direction et un projet moins aventureux que celui qui est produit par les multiples surenchères de la droite extrême.

Emmanuel Macron ne semble nullement se soucier de sa gauche. Le Parti socialiste est moribond et toutes les bonnes volontés de la maire de Paris, Anne Hidalgo, ne parviennent pas à le ressusciter. Les Verts, en nette progression électorale ces dernières années, semblent encore loin de pouvoir gagner une élection présidentielle. Leur chef, Yannick Jadot, a déjà eu un mal fou à franchir la barre des primaires pour pouvoir prétendre jouer les premiers rôles sur la scène nationale.

Emmanuel Macron fera durer le plaisir de sa non-candidature jusqu’à la dernière limite permise. La France prendra la présidence de l’Union européenne (UE) à partir de janvier prochain. Il est fort à parier que ce sera une occasion pour le président Macron de dérouler un ambitieux projet pour l’ensemble de l’UE mais dont le message sera destiné à faire la différence entre lui qui marche d’un pas assuré et solide et d’autres qui sont dans la logique de l’imprécation, du clivage radical et de l’effervescence politique.
 

Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.  

TWITTER: @tossamus

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.