DUBAΪ : Les expatriés libanais sont en colère contre le gouvernement de Beyrouth, craignant de perdre le contact avec leurs familles si Internet tombe en panne en raison des problèmes énergétiques et financiers du pays.
Le directeur général de la société de télécommunications Ogero, Imad Kreidieh, a averti jeudi que le service Internet du Liban pourrait tomber en panne d'ici 10 jours en l’absence de dollars américains et de quantités insuffisantes de diesel nécessaires au fonctionnement des stations de diffusion et des générateurs de secours.
L’Électricité du Liban n'a pu fournir de l'électricité que quelques heures par jour aux institutions et aux ménages depuis juin, en particulier après la suppression d'une subvention gouvernementale sur le mazout, les prix du carburant continuant d'augmenter.
Le carburant n'est disponible qu'en dollars et au taux du marché noir. Kreidieh déclare que le budget d'Ogero est en livres libanaises, dévaluées par rapport au dollar, ce qui empêche l’entreprise d'obtenir les devises nécessaires pour acheter les quantités requises de fioul.
La situation a conduit les expatriés libanais dans le Golfe et en Europe à violemment critiquer Beyrouth.
Rana Arbid, banquière d'affaires basée aux Émirats arabes unis, déclare que si Internet s’arrête elle sera anéantie.
Elle accuse Beyrouth d'être « irresponsable et inutile » et reproche à l'élite dirigeante de mettre en danger la vie des gens et les moyens de communication.
« Pas d’Internet signifie pas de canaux qui relient les gens, en particulier pour nous Libanais vivant à l'étranger », dit-elle à Arab News.
« Internet et les applications mobiles sont nos outils de communication avec nos parents et amis. »
Najib Youssef, un directeur des ventes basé en Allemagne, accuse un « gouvernement et une administration improductifs » de déconnecter la diaspora de ses familles.
« Ce gouvernement est comme les précédents, c'est un cabinet infertile. Il a lamentablement échoué à administrer le pays. Il a participé au massacre de tous les secteurs des services, y compris les télécommunications. Si cela se produit, et je suppose que cela arrivera, cela signifie nous tuer (les expatriés) émotionnellement et mentalement car Internet est le seul moyen de communiquer avec les gens à l'intérieur », déclare Youssef, qui craint que ses deux enfants ne ratent les conversations vidéo avec leur grands-parents tous les week-ends.
Le photographe barcelonais Moe Shamseddine qualifie la situation actuelle de « honteuse » et les autorités d'être irresponsables.
« Si Internet s'effondre, cela s'ajoutera à leur longue liste d'échecs », précise-t-il à Arab News. « Personnellement, j'ai vraiment peur de ne pas pouvoir communiquer avec ma mère de 78 ans. »
Il souligne que la plupart des Libanais vivant en Europe ne peuvent pas se permettre de passer des appels internationaux si Internet tombe en panne et ont donc besoin de communiquer à travers les réseaux sociaux et les applications de messagerie.
« Je suis tellement bouleversé et triste. Comme la plupart des Libanais de la diaspora, j’attends avec impatience les élections de 2022 pour mettre en place des législateurs compétents qui ne nous plongeront pas dans une crise de communication qui nous déconnecterait de nos familles », ajoute-t-il.
Nada Khalil, qui est basée à Istanbul depuis le début du déclin économique du Liban en 2020, déclare que les personnes au pouvoir ne sont pas des dirigeants. « C’est une bande de voleurs avides vêtus de costumes qui nous tuent à petit feu. »
Elle précise qu'ils ont engendré une crise des télécommunications due à leur « ignorance, leur échec et leur incompatibilité ».
« Ils brandissent systématiquement la menace de l’interruption d'Internet qu’ils imputent à la pénurie de carburant et de dollars. Ce n'est rien de plus qu'une forme de chantage bon marché pour dissimuler leur tentative d'augmenter les tarifs comme dans la plupart des secteurs productifs », ajoute Khalil, qui travaille dans la production de contenu.
« Si cela se produit, ce serait un tel désastre que le Liban soit complètement isolé. »
Bassam Al-Deek, un professionnel des affaires basé en Arabie saoudite, déclare qu'une interruption d'Internet isolerait encore plus le Liban.
« Comme si ce qui s'est passé ne suffisait pas, arrive maintenant ce problème de pénurie de carburant et de dollars pour entraver le système de télécommunications et nous empêcher de communiquer avec nos familles au pays », ajoute-t-il.
Frustrée et irritée par ce qu'elle a décrit comme « l'administration libanaise stupide », Shireen Ibrahim, basée à Doha, déclare à Arab News : « C'est tellement méchant et blessant. Imaginez ne pas pouvoir communiquer avec vos parents parce qu'une bande d'abrutis ignorants ne sait pas gérer un pays ! Comment voulez-vous qu'ils dirigent l'industrie des télécommunications ? »
Ibrahim croit que rien ne peut commencer à changer au Liban, avant que les Libanais ne sortent les législateurs du système lors des élections de 2022.
Le ministre des Communications, Johnny Korm, a déclaré vendredi à MTV que la crise était en train d'être résolue et qu'il œuvrait à obtenir un financement suffisant pour acheter du carburant.
Il a promis que le Liban ne serait pas témoin de l'arrêt complet d'Internet, mais avertit qu'il pourrait y avoir des « perturbations intermittentes » dans certaines parties du pays.
Il a déclaré que les quantités de fioul sécurisées étaient suffisantes pour les 20 prochains jours.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com