Une ONG fournit un soutien vital aux patients adultes atteints de cancer au Liban

Des milliers de travailleurs libanais qualifiés, notamment des professionnels de santé, ont quitté le pays. Le secteur de la santé est au bord du gouffre. (AFP)
Des milliers de travailleurs libanais qualifiés, notamment des professionnels de santé, ont quitté le pays. Le secteur de la santé est au bord du gouffre. (AFP)
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Publié le Vendredi 05 novembre 2021

Une ONG fournit un soutien vital aux patients adultes atteints de cancer au Liban

  • Six cents patients ont déjà été pris en charge depuis la mise en place du Fonds de soutien contre le cancer en 2018
  • Les patients libanais atteints de cancer se livrent au combat difficile qu’est l’accès aux médicaments et aux traitements les plus élémentaires

DUBAÏ: Les conditions de vie au Liban se détériorent sans cesse depuis 2019, lorsque le pays a commencé à souffrir de graves problèmes économiques et financiers, exacerbés depuis par la pandémie de Covid-19 et la double explosion du port de Beyrouth en 2020.

L’effondrement a entraîné des pénuries des produits de base essentiels, notamment le carburant, provoquant une crise énergétique sans précédent. Sans surprise, des milliers de travailleurs libanais qualifiés, notamment des professionnels de santé, ont quitté le pays. Le secteur de la santé est au bord du gouffre.

Dans ces circonstances, les patients libanais atteints de cancer se livrent au combat difficile qu’est l’accès aux médicaments et aux traitements les plus élémentaires. Très souvent, ils prennent n’importe quel médicament facilement disponible, quels qu’en soient les effets secondaires.

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Le Fonds de soutien contre le cancer a été spécifiquement créé pour soutenir les patients adultes défavorisés atteints de cancer au Liban. (AFP)

Le Fonds de soutien contre le cancer, établi en 2018 au Centre médical de l’université américaine de Beyrouth, a fourni à de nombreux Libanais dans une situation désespérée un soutien vital en temps opportun.

Hala Dahdah Abou Jaber, fondatrice et présidente du fonds, déclare à Arab News que l’organisation non gouvernementale (ONG) a été spécifiquement créée pour soutenir les patients adultes défavorisés atteints de cancer au Liban.

Malgré les nombreuses ONG qui aident à lutter contre le cancer dans le pays, la fondatrice affirme que la population adulte est souvent marginalisée, étant donné que la majorité des organisations caritatives ciblent les enfants.

«Il y avait le besoin et l’envie d’aider les patients adultes atteints de cancer. Cet adulte peut être un jeune homme de 18 ou 19 ans, une mère de 25 ou 30 ans, un père de 50 ans, ou simplement une femme de 80 ans qui mérite également une chance de vivre», déclare-t-elle.

La situation extrêmement précaire dans laquelle Dina Itani se trouve en est un exemple. Cette habitante du Sud-Liban ravale ses larmes en racontant comment les crises successives dans son pays ont perturbé son traitement contre le cancer.

En plus de lutter contre la maladie, elle et sa famille doivent également faire face à des pénuries chroniques de médicaments vitaux.

Il y a près de deux ans, une détérioration soudaine de la vue a fait comprendre à Dina Itani que quelque chose n’allait pas. Un ophtalmologue n'ayant rien trouvé d'anormal, il a demandé un scanner cérébral, qui a mis en évidence la présence d’une tumeur.

La patiente a été opérée, mais une biopsie a montré que la tumeur retirée était cancéreuse. On l’a alors informée qu’elle devrait subir un traitement supplémentaire pour empêcher la propagation du cancer. «Je souffre de mélanome», confie Mme Itani à Arab News.

«C’est un type de cancer de la peau. Cependant, dans mon cas, il apparaît dans mes organes internes. J’ai subi une opération du cerveau à Beyrouth. Depuis un an, je refais un scanner tous les trois mois.»

Malgré le traitement, le cancer de Dina Itani s’est rapidement propagé à l’os de son bras droit, la forçant à subir une autre intervention chirurgicale pour y installer une plaque métallique. Elle a également suivi un traitement d’immunothérapie en se faisant administrer un médicament appelé «Opdivo». «Ils me faisaient une injection tous les quinze jours», précise-t-elle.

Cependant, les subventions médicales allouées par le système de Sécurité sociale libanais n’étaient pas suffisantes pour couvrir le coût du médicament Opdivo.

Selon Drugs.com, un site d’information médicale indépendant, le prix de la solution intraveineuse varie de 1 189 dollars américains (1 dollar = 0,87 euro) pour les 4 ml à 7 087 dollars par perfusion de 24 ml aux États-Unis. Sur la base du salaire minimum actuel au Liban, il serait presque impossible pour un ménage moyen de couvrir un tel coût.

«Le Fonds de soutien contre le cancer nous aide beaucoup parce que nous ne pouvons pas prendre en charge les frais de ce médicament», affirme Mme Itani. «C'est très cher, même pour ceux qui en ont les moyens.»

Le Fonds de soutien contre le cancer aide ses patients en prenant en charge les frais financiers des traitements, des dépistages et parfois même du transport.

«Les fonds reçus sont directement versés sur le compte de l’université américaine de Beyrouth et il y a une vraie responsabilité. Tout ce que nous recevons sert à aider un patient dans le besoin», indique Hala Dahdah Abou Jaber.

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Les patients atteints de cancer au Liban se livrent au combat difficile qu’est l’accès aux médicaments et aux traitements les plus élémentaires. (AFP)

Les fonds qui servent à couvrir les besoins des patients proviennent principalement de donateurs privés, d’ONG internationales, de sociétés pharmaceutiques, de sponsors, de contributeurs et d’activités de financement.

«Six cents patients ont déjà été pris en charge depuis la mise en place du Fonds de soutien contre le cancer, avec plus de 2 000 consultations à l'hôpital», dit le Dr Ali Taher, cofondateur du fonds, à Arab News.

Soixante-dix patients sont admis chaque jour au centre de perfusion pour chimiothérapie. Le Dr Taher ajoute cependant: «Nous avons connu des pénuries de médicaments, tant sous forme intraveineuse que sous forme orale, ce qui a eu une incidence sur les cycles des patients et le nombre d’admissions nécessaires.»

Selon le Dr Ali Taher, les retards dans le traitement peuvent faire la différence entre la guérison d'un patient de son cancer ou le fait de se retrouver en phase terminale.

«Suspendre les tests de dépistage et les traitements associés peut définitivement compromettre les résultats», soutient-il. «Vous pouvez commencer à voir des tumeurs avancées avec des résultats médiocres au lieu de tumeurs détectées à un stade précoce avec des résultats guérissables.»

«La maladie peut devenir mortelle dans une certaine mesure. La gravité des conséquences de l’absence de traitement dépend du cas, de l’état et de l’évolution de la maladie chez chaque patient.» 

en bref

  • On recense 11 589 nouveaux cas de cancer au Liban en 2020.
  • 6 438 personnes sont mortes du cancer au Liban en 2020.

(Source: WHO, GloboCan)

Le Fonds de soutien contre le cancer a soutenu deux cent vingt patients rien que cette année, mais le Dr Taher s’attend à ce que le nombre augmente en raison de la gravité de la crise financière.

Alors que l’attention du monde entier se tourne vers la pandémie de Covid-19, le cancer n’a pas cessé de faire des ravages. Selon l’Observatoire mondial du cancer, il y a eu 11 589 nouveaux cas de cancer au Liban en 2020.

Dans les pharmacies et les hôpitaux du pays, il y a une pénurie de médicaments, même les plus élémentaires, depuis plusieurs mois. En août, des manifestants se sont rassemblés devant le siège de la Commission économique et sociale des nations unies pour l’Asie occidentale à Beyrouth pour réclamer une aide mondiale.

Les pénuries de carburant ont aggravé la situation déplorable du secteur de la santé. En août, le Centre médical de l’université américaine de Beyrouth a publié un communiqué avertissant que ses patients étaient en danger imminent en raison du manque d’approvisionnement énergétique fiable pour faire fonctionner ses respirateurs.

En raison de l’épuisement continu des réserves de devises étrangères, les commerçants ne peuvent plus se procurer les produits essentiels dans un pays qui importe près de 80 % de ses marchandises.

«Désormais, le Fonds de soutien contre le cancer fait face à deux défis principaux: assurer le coût astronomique des traitements et celui des médicaments introuvables sur le marché libanais», souligne Mme Abou Jaber.

«Nous appelons la communauté internationale à nous tendre la main, ainsi qu’à nos patients, et à trouver des solutions viables.»

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Le Fonds de soutien contre le cancer aide ses patients en prenant en charge les frais financiers des traitements, des dépistages et parfois même du transport. (AFP)

En attendant, les patients atteints de cancer comme Dina Itani doivent se contenter de tout médicament qu’ils peuvent se procurer.

Malgré le soutien vital fourni par le Fonds de soutien contre le cancer, les pénuries d’Opdivo ont obligé le médecin de Mme Itani à lui prescrire un autre médicament, plus facilement disponible.

«Les effets secondaires de ces pilules sont très forts», précise Dina Itani en parlant du nouveau médicament. «J’ai l’impression que mes mains et mon visage sont brûlés. Je me sentais beaucoup mieux quand je prenais les autres médicaments.»

Pour éviter que son état ne s'aggrave, Dina Itani n’a d’autre choix que de continuer à prendre ce médicament, dans l’espoir de survivre aux maux apparemment incurables du Liban.

 Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le Parlement libanais approuve un projet de loi sur le secret bancaire

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
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  • La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise
  • Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière

BEYROUTH: Le Parlement libanais a approuvé jeudi un projet de loi sur la levée du secret bancaire, une réforme clé réclamée par le Fonds monétaire international (FMI), au moment où des responsables libanais rencontrent à Washington des représentants des institutions financières mondiales.

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri.

La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise imputée à la mauvaise gestion et à la corruption.

La récente guerre entre Israël et le Hezbollah a aggravé la situation et le pays, à court d'argent, a désormais besoin de fonds pour la reconstruction.

Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière.

Ces organismes pourront avoir accès à des informations telles que les noms des clients et les détails de leurs dépôts, et enquêter sur d'éventuelles activités suspectes, selon Legal Agenda.

Le Liban applique depuis longtemps des règles strictes en matière de confidentialité des comptes bancaires, ce qui, selon les critiques, rend le pays vulnérable au blanchiment d'argent.

En adoptant ce texte, le gouvernement avait précisé qu'il s'appliquerait de manière rétroactive pendant 10 ans. Il couvrira donc le début de la crise économique, lorsque les banquiers ont été accusés d'aider certaines personnalités à transférer d'importantes sommes à l'étranger.

Le feu vert du Parlement coïncide avec une visite à Washington des ministres des Finances, Yassine Jaber, et de l'Economie, Amer Bisat, ainsi que du nouveau gouverneur de la Banque centrale, Karim Souaid, pour des réunions avec la Banque mondiale et le FMI.

M. Jaber a estimé cette semaine que l'adoption des amendements donnerait un "coup de pouce" à la délégation libanaise.

En avril 2022, le Liban et le FMI ont conclu un accord sous conditions pour un programme de prêt sur 46 mois de trois milliards de dollars, mais les réformes alors exigées n'ont pour la plupart pas été entreprises.

En février, le FMI s'est dit ouvert à un nouvel accord avec Beyrouth après des discussions avec M. Jaber. Le nouveau gouvernement libanais s'est engagé à mettre en oeuvre d'autres réformes et a également approuvé le 12 avril un projet de loi pour restructurer le secteur bancaire.


Syrie: Londres lève ses sanctions contre les ministères de la Défense et de l'Intérieur

Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
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  • "Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor
  • Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier

LONDRES: Le Royaume-Uni a annoncé jeudi avoir levé ses sanctions contre les ministères syriens de l'Intérieur et de la Défense ainsi que contre des agences de renseignement, qui avaient été imposées sous le régime de Bachar al-Assad.

"Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor.

Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier.

Ces autorités, issues de groupes rebelles islamistes, ont pris le pouvoir le 8 décembre.

Le Royaume-Uni avait début mars déjà levé des sanctions à l'égard de 24 entités syriennes ou liées à la Syrie, dont la Banque centrale.

Plus de trois cents individus restent toutefois soumis à des gels d'avoirs dans ce cadre, ainsi qu'une quarantaine d'entités, selon le communiqué du Trésor.

Les nouvelles autorités syriennes appellent depuis la chute d'Assad en décembre dernier à une levée totale des sanctions pour relancer l'économie et reconstruire le pays, ravagé après 14 années de guerre civile.


1983 – L'attaque contre les Marines américains à Beyrouth

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  • Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines
  • Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang

BEYROUTH: Le 23 octobre 1983, aux alentours de 6h25, une violente déflagration secoue Beyrouth et sa banlieue, jusque dans les hauteurs montagneuses. Le souffle, sourd et diffus, fait d’abord penser à un tremblement de terre.

Mais sept minutes plus tard, une seconde explosion, bien plus puissante, déchire la ville et ses environs, dissipant toute confusion: Beyrouth venait de vivre l’un des attentats les plus meurtriers de son histoire.

Je travaillais alors pour le journal libanais As-Safir en tant que correspondant de guerre. Beyrouth était assiégée, dans sa banlieue sud, dans les montagnes et dans la région du Kharoub, par des affrontements entre le Parti socialiste progressiste et ses alliés d'une part, et les Forces libanaises d'autre part, dans ce que l'on appelait la «guerre des montagnes».

Le sud du pays a également été le théâtre de la résistance armée des combattants libanais contre l'occupation israélienne. Ces combattants étaient liés à des partis de gauche et, auparavant, à des factions palestiniennes.

Des forces multinationales, notamment américaines, françaises et italiennes, avaient été stationnées à Beyrouth après le retrait des dirigeants et des forces de l'Organisation de libération de la Palestine, à la suite de l'agression israélienne contre le Liban et de l'occupation de Beyrouth en 1982.

Quelques minutes après les explosions, la réalité s’impose avec brutalité: le quartier général des Marines américains, situé sur la route de l’aéroport de Beyrouth, ainsi que la base du contingent français dans le quartier de Jnah, ont été ciblés par deux attaques-suicides coordonnées.

Les assaillants, non identifiés, ont lancé des camions piégés – chargés de plusieurs tonnes d’explosifs – contre les deux sites pourtant fortement sécurisés, provoquant un carnage sans précédent.

Comment nous l'avons écrit

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Au lendemain des attentats, Arab News faisait état de 120 morts parmi les Marines et de 20 morts parmi les Français, un chiffre nettement inférieur au décompte final.

L'attaque de la base américaine a tué 241 militaires américains – 220 Marines, 18 marins et trois soldats – et en a blessé des dizaines. Le bombardement du site militaire français a tué 58 parachutistes français et plus de 25 Libanais.

Ces attentats étaient les deuxièmes du genre à Beyrouth; un kamikaze avait pris pour cible l'ambassade des États-Unis à Aïn el-Mreisseh six mois plus tôt, le 18 avril, tuant 63 personnes, dont 17 Américains et 35 Libanais.

Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines. Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang, des morceaux de corps et de la confusion. Voici ce que nous, journalistes, avons pu voir au milieu du chaos qui régnait immédiatement après la catastrophe, et ce qui reste gravé dans ma mémoire plus de 40 ans plus tard.

La nuit précédente, un samedi, les Marines avaient fait la fête, divertis par un groupe de musique qui avait fait le voyage depuis les États-Unis pour se produire devant eux. La plupart dormaient encore lorsque la bombe a explosé.

Aucun groupe n'a revendiqué les attentats ce jour-là, mais quelques jours plus tard, As-Safir a publié une déclaration qu'il avait reçue et dans laquelle le «Mouvement de la révolution islamique» déclare en être responsable.

Environ 48 heures après l’attentat, les autorités américaines pointent du doigt le mouvement Amal, ainsi qu’une faction dissidente dirigée par Hussein al-Moussawi, connue sous le nom d’Amal islamique, comme étant à l’origine de l’attaque.

Selon la presse locale de l’époque, la planification de l’attentat aurait eu lieu à Baalbeck, dans la région de la Békaa, tandis que le camion utilisé aurait été aperçu garé devant l’un des bureaux du mouvement Amal.

Le vice-président américain, George H.W. Bush, s'est rendu au Liban le lendemain de l'attentat et a déclaré: «Nous ne permettrons pas au terrorisme de dicter ou de modifier notre politique étrangère.»

La Syrie, l'Iran et le mouvement Amal ont nié toute implication dans les deux attentats.

En riposte à l’attaque visant leurs soldats, les autorités françaises ont lancé une opération militaire d’envergure: huit avions de chasse ont bombardé la caserne Cheikh Abdallah à Baalbeck, que Paris considérait comme un bastion de présences iraniennes.

À l’époque, les autorités françaises ont affirmé que les frappes avaient fait environ 200 morts.

Un responsable de l'Amal islamique a nié que l'Iran disposait d'un complexe dans la région de Baalbeck. Toutefois, il a reconnu le lien idéologique fort unissant son groupe à Téhéran, déclarant: «L’association de notre mouvement avec la révolution islamique en Iran est celle d’un peuple avec son guide. Et nous nous défendons.»

Le 23 novembre, le cabinet libanais a décidé de rompre les relations avec l'Iran et la Libye. Le ministre libanais des Affaires étrangères, Elie Salem, a déclaré que la décision «a été prise après que l'Iran et la Libye ont admis qu'ils avaient des forces dans la Békaa».

Un rapport d'As-Safir cite une source diplomatique: «Les relations avec l'Iran se sont détériorées en raison des interventions, pratiques et activités illégales qu'il a menées sur la scène libanaise, malgré de nombreux avertissements.»

Les attentats du 23 octobre étaient jusqu'alors le signe le plus évident de l'évolution de l'équilibre des forces régionales et internationales au Liban et de l'émergence d'un rôle iranien de plus en plus important dans la guerre civile.

Le chercheur Walid Noueihed m'a expliqué qu'avant 1982, Beyrouth avait accueilli toutes les formes d'opposition, y compris l'élite éduquée, appelée «opposition de velours», et l'opposition armée, dont les membres étaient formés dans des camps ou des centres d'entraînement palestiniens dans la vallée de la Békaa et au Liban-Sud.

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Vue aérienne de l'ambassade américaine à Beyrouth après l'explosion qui a fait 63 morts, dont 46 Libanais et 17 Américains. (AFP)

Il a indiqué que l'opposition iranienne au chah était présente parmi ces groupes et a décrit Beyrouth comme une oasis pour les mouvements d'opposition jusqu'en 1982. Toutefois, cette dynamique a changé lorsqu'Israël a envahi le Liban et assiégé Beyrouth, ce qui a entraîné le départ de l'OLP en vertu d'un accord international qui exigeait en échange qu'Israël s'abstienne de pénétrer dans Beyrouth.

Si les factions palestiniennes ont quitté le Liban, ce n'est pas le cas des combattants libanais associés à l'OLP, pour la plupart des chiites qui constituaient la base des partis de gauche libanais.

Les attaques contre les bases militaires américaines et françaises ont entraîné le retrait des forces internationales du Liban, explique M. Noueihed, laissant une fois de plus Beyrouth sans protection. Les opérations de résistance se sont multipliées, influencées par des idéologies distinctes de celles de la gauche traditionnelle, des groupes comme l'Amal islamique affichant ouvertement des slogans prônant la confrontation avec Israël.

En 1985, le Hezbollah est officiellement créé en tant qu'«organisation djihadiste menant une révolution pour une république islamique». Il s'est attiré le soutien des partis de gauche libanais et palestiniens, en particulier après l'effondrement de l'Union soviétique.

Selon M. Noueihed, l'émergence du Hezbollah a coïncidé avec le déclin des symboles existants de la résistance nationale, ce qui semble indiquer une intention d'exclure toutes les autres forces du pays du mouvement de résistance, laissant le Hezbollah comme parti dominant.

L'influence iranienne au Liban est devenue évidente lors des violents affrontements entre le Hezbollah et Amal, qui ont fait des dizaines de victimes et se sont terminés par la consolidation du contrôle du Hezbollah au milieu de la présence des forces militaires syriennes.

Beyrouth se vide peu à peu de son élite intellectuelle, a souligné M. Noueihed. Des centaines d’écrivains, d’intellectuels, de chercheurs et de professionnels des médias ont fui vers l’Europe, redoutant pour leur sécurité, laissant derrière eux une ville désertée par ceux qui faisaient autrefois vibrer sa vie culturelle et académique.

Najia Houssari est rédactrice pour Arab News, basée à Beyrouth. Elle était correspondante de guerre pour le journal libanais As-Safir au moment du bombardement de la caserne des Marines américains.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com