Pas de place pour les demi-mesures lors du sommet vital sur le changement climatique

Joe Biden saluant le prince William lors de la journée d'ouverture du Sommet des Nations unies sur le climat, COP26, à Glasgow, en Écosse, le lundi 1er novembre 2021. (Photo AP)
Joe Biden saluant le prince William lors de la journée d'ouverture du Sommet des Nations unies sur le climat, COP26, à Glasgow, en Écosse, le lundi 1er novembre 2021. (Photo AP)
Short Url
Publié le Mercredi 03 novembre 2021

Pas de place pour les demi-mesures lors du sommet vital sur le changement climatique

Pas de place pour les demi-mesures lors du sommet vital sur le changement climatique
  • La réputation du Royaume-Uni est mise à l'épreuve à la COP26, même pour la logistique de l'organisation de l'un des plus grands sommets de l'histoire
  • C’est bien de s'engager sur des objectifs pour 2050, mais il s’agit en grande partie d’un exercice gratuit pour enjoliver les réputations politiques

Si le sommet de la COP26 à Glasgow est le plus important de notre vie, les perspectives sont loin d'être positives. Les dernières conférences mondiales ont été largement boiteuses, remarquables pour les arguments avancés et le verbiage creux plutôt que pour les progrès essentiels. Le multilatéralisme est sous assistance respiratoire.

Cette fois, le Royaume-Uni – pays hôte  n'est pas non plus en grande forme diplomatique. L'étiquette «Global Britain» (La Grande-Bretagne de niveau mondial) a tendance à s’estomper. Espérons que cela prouve que les sceptiques ont tort.

Se quereller avec la France à l'approche de Glasgow semble incontestablement insignifiant plutôt que mondial. Le sort d'un chalutier et de sa cargaison de deux tonnes de coquilles Saint-Jacques a été le déclencheur d'une dégradation de l'entente cordiale anglo-française. Paris a menacé de bloquer les ports et de couper l'électricité à Jersey, arguant du fait que la Grande-Bretagne n'a pas délivré suffisamment de licences aux bateaux de pêche français. Le Royaume-Uni, habitué ces derniers temps à ignorer les accords internationaux signés, a accusé les Français de comportement injustifié et d'avoir enfreint l'accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et le Royaume-Uni.

Ni Boris Johnson ni Emmanuel Macron ne sont étrangers au fait de s'engager dans un énorme drame. Lors du sommet du G20 le week-end dernier à Rome, les deux dirigeants faisaient assaut d’amabilités devant les caméras, mais à d'autres moments, ils semblaient à couteaux tirés. Ces scènes théâtrales sont destinées à la consommation nationale, Macron se concentrant sur l'élection présidentielle française de 2022 et Johnson courtisant sa base électorale en faveur du Brexit.

Toutes ces entourloupettes doivent être écartées afin d’éviter qu'elles n’assombrissent le sommet sur le climat. Les bourgeons de la coopération mondiale doivent prendre racine après les années du «chacun pour soi» de l'administration Trump. Le retard d'un an de la COP26 dû à la Covid-19 signifie que c’est le président Joe Biden qui est à la barre aux États-Unis, plutôt que le climatosceptique Trump. Ceci dit, Biden avait-il vraiment besoin d'un cortège de 85 voitures à Rome?

Trump est ouvertement resté indifférent à toute action sur le changement climatique, en particulier si elle empiétait sur l'économie américaine. Si les dirigeants mondiaux ont besoin d'un rappel des coûts réels du changement climatique, ils n'auraient pas à aller bien loin pour découvrir les maisons inondées du sud de l'Écosse comme un rappel du coût de l’inaction. Les événements météorologiques extrêmes deviennent peu à peu la nouvelle norme.

Pour le bien de la planète, il faut espérer que les propos théâtraux et les instincts politiques populistes primitifs sont laissés de côté. Les 120 dirigeants mondiaux réunis les deux premiers jours doivent ignorer les sondages d'opinion, les groupes de discussion et les critiques au niveau national pour négocier une stratégie sérieuse visant à freiner le réchauffement climatique. En termes simples, nous manquons de temps pour maintenir le réchauffement en dessous de 1,5 degré Celsius et pour le limiter au-dessus des niveaux préindustriels. Actuellement, ce chiffre se situe à environ 1,1%.

Le côté positif est que le débat a changé. Les négationnistes du changement climatique occupent le même espace ridicule que les antivaccins et ceux qui affirment que la terre est plate. La science n'est peut-être pas toujours claire, mais cela se résume maintenant à la question de l'étendue des dommages causés et non au fait de savoir s'ils se sont produits, ainsi qu’à celle de la vitesse de la destruction à venir.

Les avancées scientifiques vitales donnent de l'espoir. La production d'acier pourrait être réalisée avec de l'hydrogène propre «vert», et non pas avec du charbon. Les voitures électriques sont désormais abordables et efficaces, même si, comme le montre le parking de la COP26, la plupart des dirigeants mondiaux et leurs ministres ne les conduisent pas encore. La capture du carbone progresse, mais pas à un rythme qui changera la donne.

Le changement de comportement parmi les populations a été trop lent. Mais la pandémie a montré combien d'entre nous peuvent désormais travailler à domicile. Se rendre au travail et en revenir est une énorme source d'émissions de carbone dans les pays riches. De plus, la pandémie a mis en évidence le fait que la population mondiale peut, face à une crise, supporter une quantité considérable de législation gouvernementale d'urgence pour modifier notre comportement si nécessaire.

Pourtant, les sceptiques ont de quoi s’exprimer à voix haute. Les pays du G20, collectivement responsables d'environ 80% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, sont convenus au sommet de Rome d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050, ou plutôt vers 2050. Ils ont également accepté de supprimer progressivement le financement public de la production d'électricité au charbon, mais seulement «dès que possible».

Le financement est vital. Les pays les plus pauvres ont besoin d'investissements. Les endroits les plus lumineux et les plus venteux de la planète devraient bénéficier des investissements. Le G20 n'a pas pu s'entendre sur un montant annuel de 100 milliards de dollars (1 dollar = 0,86 euro) à cet effet. Les cyniques soulignent que jusqu'à présent, selon le Fonds monétaire international, les pays ont versé 16 trillions de dollars pour la reprise postpandémique; alors comment se fait-il que le financement pour sauver la planète soit si difficile à trouver?

La réputation du Royaume-Uni est mise à l'épreuve à la COP26, même pour la logistique de l'organisation de l'un des plus grands sommets de l'histoire. C'est l'aboutissement d'interminables négociations et de discussions préliminaires. Les diplomates de Londres seront débordés, tentant de définir une stratégie et des actions concrètes. Au premier plan comme toujours, esquivant les critiques de la part des Français, se trouve Boris Johnson.

 

«Les bourgeons de la coopération mondiale doivent prendre racine après les années du chacun pour soi de l'administration Trump.»

Chris Doyle

 

Glasgow doit s'appuyer sur les acquis du sommet de Paris de 2015. La COP26 doit fournir un règlement pour rendre l'accord de Paris opérationnel. Il ne s’agit pas d’un règlement qui peut être rompu à volonté. Il ne peut être uniquement constitué de promesses et d'engagements, sans aucun engagement juridique contraignant. La solution réside dans les actions que les pays mèneront d’ici à 2023. C’est bien de s'engager sur des objectifs pour 2050, mais il s’agit en grande partie d’un exercice gratuit pour enjoliver les réputations politiques.

Pendant trop longtemps, Johnson a essayé d'être le plus grand showman, le plus grand homme de spectacle, pas le plus grand homme d'État. Serait-ce le moment pour le Premier ministre d’effectuer une telle métamorphose? Pourrait-il dynamiser à nouveau la position mondiale de la Grande-Bretagne? Pour ce faire, il doit trouver un profond sérieux interne, combiné à des cajoleries et encouragements constructifs et créatifs. Il devra joindre l’acte à la parole pour s'assurer que le Royaume-Uni est à l'avant-garde de ceux qui tentent de sauver la planète, en donnant l'exemple. Il n'y aura pas de place pour les demi-mesures ou les balivernes.

 

Chris Doyle est le directeur du Council for Arab-British Understanding (CAABU), basé à Londres. Twitter: @Doylech

Clause de non-responsabilité: Les opinions exprimées dans cette rubrique sont celles de leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com