De la signadanse entre les murs du château de Taurines

«Le château est le premier lieu d’art contemporain en France, en milieu rural». Photo Anne Ilcinkas
«Le château est le premier lieu d’art contemporain en France, en milieu rural». Photo Anne Ilcinkas
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Publié le Mardi 02 novembre 2021

De la signadanse entre les murs du château de Taurines

  • «Le château est le premier lieu d’art contemporain en France, en milieu rural»
  • «L’idée, c’était d’amener la culture dans le territoire rural»

CENTRÈS, France: Ce dimanche après-midi d’automne, la campagne est calme, bercée par le bruit des feuilles mortes qui tombent des arbres. Les murs épais du château de Taurines ne laissent filtrer aucun son, mais les corps en mouvement des danseurs et danseuses se devinent par moments derrière les hautes fenêtres de la bâtisse du XIIIe siècle.

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L’idée est de faire vivre le château, racheté en 1981 à une voix près par la mairie de Centrès, petit village aveyronnais de moins de cinq cents habitants. Photo Anne Ilcinkas.

Dans la grande salle, c’est l’ultime répétition avant la présentation devant le public. Le matin même, une douzaine d’amateurs ont participé à un atelier de signadanse, mélange de danse contemporaine et de langue des signes, donné par Jos Pujol, chorégraphe de la compagnie montpelliéraine Singulier Pluriel. Cette compagnie a été invitée en résidence pendant quatre jours dans les lieux, pour clôturer l’exposition d’art contemporain baptisée «Sable de lumière II, du réel à l’onirique».

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Les visages sont concentrés, les gestes amples. Photo Anne Ilcinkas

L’idée est de faire vivre le château, racheté en 1981 à une voix près par la mairie de Centrès, petit village aveyronnais de moins de cinq cents habitants, et restauré avec les Compagnons du devoir. Depuis 1985, le lieu accueille chaque année une exposition d’art contemporain. «Le château est le premier lieu d’art contemporain en France, en milieu rural», explique Jacqueline Dufour, présidente de l’association du château de Taurines depuis janvier 2021. «Je ne sais pas si c’était calculé. C’est une proposition qui a été faite, et qui a été acceptée. Les artistes sont venus, et ont été très inspirés. Et depuis, ça s’est mis en place au fil du temps et les expositions ont continué.»

Début juillet a eu lieu l’inauguration de l’exposition 2021, deuxième chapitre d’un projet triennal consacré au verre, en hommage au passé verrier de la région, où était fabriqué le verre à partir du sable bordant les rivières du Céor et du Viaur, aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Trois artistes ont proposé leur vision; Baptiste Debombourg, Richard Fauguet et Célie Falières. Lors de l’inauguration, Jos Pujol était là, pour rencontrer les artistes et s’imprégner des lieux. Et faire résonner les pierres avant la fin de la saison et le démantèlement des œuvres, trois mois plus tard.

Cet après-midi d’automne donc, le public a monté les vénérables marches de l’escalier en pierre et s’est installé dans la pièce. Alors que la musique emplit l’espace, les corps se mettent en mouvement, doucement. Les visages sont concentrés, les gestes amples. «J’ai aimé donner ce stage de signe et danse à un groupe très hétérogène, qui n’avait pour la plupart jamais dansé», explique Jos Pujol, à la fin de la représentation. «J’ai été très touchée par le fait que les personnes se soient lancées avec confiance dans une aventure inconnue pour eux.»

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Alors que la musique emplit l’espace, les corps se mettent en mouvement, doucement. Photo Anne Ilcinkas

Gilles, bénévole au château, a beaucoup apprécié l’expérience: «C’était un exercice que je ne connaissais pas du tout et qui me faisait peur. Mais c’est un bon exercice pour renforcer la cohésion de groupe. C’est extraordinaire, magique», explique-t-il, conquis.

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Gilles, bénévole au château, a beaucoup apprécié l’expérience: «C’était un exercice que je ne connaissais pas du tout et qui me faisait peur. Mais c’est un bon exercice pour renforcer la cohésion de groupe. C’est extraordinaire, magique». Photo : Anne Ilcinkas

La convivialité est inscrite dans les statuts de l’association, au même titre que la culture, avec une orientation portée sur l’art contemporain, ainsi que la mise en valeur et l’animation du patrimoine.

L’important est donc de créer du lien et «l’art sert à ça, particulièrement aujourd’hui, puisque les bénévoles qui organisent les expositions se retrouvent à pratiquer la danse», précise Claire Dewarimez, animatrice danse pour Aveyron Culture, qui a organisé en partenariat avec l’association du château de Taurines la venue de la compagnie de danse Singulier Pluriel.

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«Les milieux ruraux sont assez défavorisés en termes d’ouverture culturelle» Photo Anne Ilcinkas.

«Les milieux ruraux sont assez défavorisés en termes d’ouverture culturelle», explique de son côté Jacqueline Dufour. «L’idée, c’était d’amener la culture dans le territoire rural et de l’offrir, surtout cet art contemporain qui n’est pas si accessible. L’objectif est de montrer qu’en rencontrant l’art, les artistes, en ayant des clés d’explication, on peut accéder à l’art contemporain aussi bien qu’à l’art traditionnel, plus figuratif.»

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L’art contemporain et la danse contemporaine ont la réputation d’être un peu inaccessibles, donc mêler les deux rend les choses plus vivantes. Photo Anne Ilcinkas

Claire Dewarimez renchérit: «De manière générale, on a une forte présence de la danse contemporaine en Aveyron avec de nombreuses offres d’enseignement privé, mais on a peu de programmations en danse et peu de salles équipées, surtout dans les territoires reculés où le public ne va pas forcément se rendre jusque dans une salle équipée. Pouvoir proposer de la danse et de l’action culturelle dans des lieux qui sont plus proches de chez eux, plus en ruralité, ça c’est important! L’art contemporain et la danse contemporaine ont la réputation d’être un peu inaccessibles, donc mêler les deux rend les choses plus vivantes.»

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Pouvoir proposer de la danse et de l’action culturelle dans des lieux qui sont plus proches de chez eux, plus en ruralité, ça c’est important!  Photo Anne Ilcinkas

Après la restitution de l’atelier signadanse, place aux professionnels, avec une déambulation chorégraphique et burlesque dans les différentes pièces du château, autour des œuvres exposées. Entièrement vêtues de noir, les danseuses contemporaines Stéphanie Tavernier et Pauline Breguiboul entraînent le public de salle en salle, passant de l’euphorie à la mélancolie, avec parfois un peu d’absurde. Tout en émotion, Wafae Ababou, poétesse de signes sourde et muette, signe ses poèmes, dans l’encadrement d’une fenêtre ou d’une porte. Gilles Rémy, alias monsieur Lune, ajoute une touche de burlesque. Quelques vers de Prévert, une mélodie de Brassens, des souffles longs et rauques... à chaque espace son atmosphère.

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Quelques vers de Prévert, une mélodie de Brassens, des souffles longs et rauques... à chaque espace son atmosphère. Photo Anne Ilcinkas.

«Le verre, avec sa fragilité, mais aussi sa force, m’a inspirée. C’est aussi ce qui caractérise notre compagnie, la vulnérabilité qui est capable de se transformer en force», explique la chorégraphe Jos Pujol.

 

La singularité de la compagnie de Jos Pujol est qu’elle marie la langue des signes à la danse contemporaine, en intégrant artistes sourds et malentendants, depuis 2004. La déambulation achevée, la petite troupe repart pour une seconde représentation, au grand bonheur d’un nouveau public arrivé dans l’intervalle, avant de regagner Montpellier dans la soirée.

 

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La singularité de la compagnie de Jos Pujol est qu’elle marie la langue des signes à la danse contemporaine, en intégrant artistes sourds et malentendants. Photo Anne Ilcinkas

Jacqueline Dufour espère continuer à travailler avec Jos Pujol, car le château de Taurines et ses bénévoles se nourrissent de ces rencontres avec les artistes pour élaborer leurs projets. En attendant, elle et son équipe planchent déjà sur l’exposition de l’été 2022, consacrée aux vitraux, dernier chapitre du projet sur le verre. «Et pourquoi pas faire appel à Pierre Soulages?», maître de l’«outrenoir», auteur des vitraux de l’abbatiale de Conques, se demande la présidente de l’association, par ailleurs inspectrice dans l’Éducation nationale, ne fermant aucune porte. «Nous ne nous interdisons rien.»

 


Gukesh, 17 ans et déjà prétendant au trône mondial des échecs

Il replacerait l'Inde au sommet des échecs plus de 10 ans après la fin du règne de Viswanathan Anand (Photo, Instagram).
Il replacerait l'Inde au sommet des échecs plus de 10 ans après la fin du règne de Viswanathan Anand (Photo, Instagram).
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  • Firouzja a été le seul à l'avoir battu lors du tournoi, dans la phase aller, mais sans l'ébranler
  • Dommaraju Gukesh, est né le 29 mai 2006 et, un mois avant ces 18 ans, était déjà le benjamin du tournoi réunissant huit des meilleurs joueurs du monde

 

PARIS: Le grand maître indien Gukesh a remporté dans la nuit de dimanche à lundi le tournoi des Candidats à Toronto (Canada), et n'est plus qu'à une marche de devenir le plus jeune roi de l'histoire des échecs.

Grâce à son nul plein de maîtrise contre l'Américain Hikaru Nakamura et à celui entre le Russe Ian Nepomniachtchi et l'Américain Fabiano Caruana, le joueur indien, 16e joueur mondial lors du dernier classement, termine seul en tête après les quatorze parties.

La dernière ronde entre les quatre joueurs de tête, qui pouvaient encore tous prétendre à la victoire, a été haletante, mais Caruana n'a pas réussi à convertir une position avantageuse contre son adversaire.

"Je suis si soulagé et heureux. C'était beaucoup d'émotions pendant les parties, mais désormais je me sens juste bien", a-t-il commenté en conférence de presse. "J'ai hâte de pouvoir parler à ma mère", qui n'a pas fait le déplacement jusqu'au Canada au contraire de son père.

A 17 ans, Gukesh gagne donc le droit d'affronter le Chinois Ding Liren, actuel détenteur de la couronne mondiale, dans un match qui devrait avoir lieu plus tard dans l'année mais à une date et un lieu à définir. Il est aussi le plus jeune joueur à avoir remporté le tournoi des Candidats.

"Je me moque un peu de ces records", a-t-il dit en souriant après la partie.

En cas de victoire, une hypothèse crédible car le Chinois semble hors de forme depuis son sacre en avril 2023, il effacerait des tablettes le Russe Garry Kasparov, champion du monde la première fois à 22 ans du format le plus prestigieux des échecs.

Il replacerait l'Inde au sommet des échecs plus de 10 ans après la fin du règne de Viswanathan Anand (2008-2013).

Une défaite en 14 parties 

Dommaraju Gukesh, "Gukesh D" dans le monde des échecs, est né le 29 mai 2006 et, un mois avant ces 18 ans, était déjà le benjamin du tournoi réunissant huit des meilleurs joueurs du monde.

Il a pris seul les commandes grâce à sa cinquième victoire de la compétition lors de l'avant-dernière journée contre le Franco-Iranien Alireza Firouzja, 20 ans.

Firouzja a été le seul à l'avoir battu lors du tournoi, dans la phase aller, mais sans l'ébranler. "C'est après cette partie que je me suis dit que cela pouvait être mon moment. J'étais déçu, mais dès le lendemain je me sentais déjà au mieux de ma forme" a expliqué Gukesh.

Le joueur indien continue son ascension fulgurante, après avoir obtenu sa norme de grand maître, la plus haute distinction des échecs, à seulement 12 ans, en 2019 et sa première norme internationale en 2015.

Il pourrait figurer à la 6e place lors du prochain classement mondial, le 1er mai, son meilleur rang, une place devant Ding Liren, selon des estimations provisoires.

Le numéro 1 Magnus Carlsen a fait l'impasse, lassé par les parties classiques dans lesquelles il a été cinq fois champion du monde de 2013 à sa renonciation en 2023.


Le populaire chanteur français Kendji Girac, grièvement blessé par balle, hospitalisé

Le chanteur français Kendji Girac (Photo, @Kendji).
Le chanteur français Kendji Girac (Photo, @Kendji).
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  • La victime, Kendji Girac, qui était alors entre la vie et la mort, a été immédiatement transportée à l'hôpital de Bordeaux
  • En début de matinée, son pronostic vital n'était plus engagé, a-t-on ajouté de même source, sans donner de précisions sur les circonstances de ces faits

PARIS: Le populaire chanteur français Kendji Girac a été très grièvement blessé par balle lundi et hospitalisé à Bordeaux (sud-ouest) où son pronostic vital n'est plus engagé après l'avoir été un temps, a-t-on appris de source proche du dossier.

Vers 5H30 lundi (04h30 GMT), les gendarmes ont été appelés sur l'aire des gens du voyage de Biscarrosse, sur la côte Atlantique, pour un homme grièvement blessé par balle au thorax.

Entre la vie et la mort

La victime, Kendji Girac, qui était alors entre la vie et la mort, a été immédiatement transportée à l'hôpital de Bordeaux. En début de matinée, son pronostic vital n'était plus engagé, a-t-on ajouté de même source, sans donner de précisions sur les circonstances de ces faits.


Les papillons d'Equateur : joyaux ailés et thermomètres du changement climatique

Un papillon est observé dans la forêt amazonienne protégée de Cuyabeno, en Équateur (Photo, AFP).
Un papillon est observé dans la forêt amazonienne protégée de Cuyabeno, en Équateur (Photo, AFP).
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  • À l'intérieur de filets, un verre contenant un appât de poisson ou de banane fermentée entend séduire les individus adultes
  • Depuis août, l'équipe mène un projet de surveillance des papillons avec le soutien de l'ONG Rainforest Partnership, basée aux Etats-Unis

 

CUYABENO, Equateur: L'odeur fétide de poisson en décomposition emplit le sentier au milieu de la jungle. Dans la réserve de Cuyabeno, en pleine Amazonie équatorienne, une équipe de biologistes et de gardes forestiers a accroché dans les branches des pièges à papillons, ces bijoux ailés remplis d'informations permettant de mesurer les effets dévastateurs du changement climatique.

À l'intérieur de filets, un verre contenant un appât de poisson ou de banane fermentée entend séduire les individus adultes, dont la vie éphémère permet de comprendre à court terme l'extinction de certaines espèces.

Depuis août, l'équipe mène un projet de surveillance des papillons avec le soutien de l'ONG Rainforest Partnership, basée aux Etats-Unis.

La sueur, la longue marche et la pestilence sont récompensées : en une semaine, l'équipe a recueilli 169 papillons, principalement de la famille des nymphalidés. Parmi eux, 97 ont été marqués sur leurs ailes et relâchés. Les autres, appartenant probablement à de nouvelles espèces, seront étudiés.

Des saisons «mortelles»

La biologiste Maria Fernanda Checa dirige le projet et étudie depuis dix ans les papillons dans le parc national voisin de Yasuni, une réserve de biosphère où d'importants gisements de pétrole sont en cours d'exploitation.

Ses travaux ont été étendus en 2023 à la réserve de Cuyabeno, dans la province de Sucumbios, dans le nord-est du pays. Les résultats seront bientôt connus, mais Mme Checa, professeur à la Pontificia universidad catolica del Ecuador (PUCE), s'attend déjà à quelques découvertes.

Le nombre d'espèces qui tombent dans les pièges a chuté de 10%, et en ce qui concerne la quantité d'individus, "la diminution est également très importante, nous parlons d'environ 50%", observe-t-elle. "C'est quelque chose qui nous inquiète", explique Mme Checa à l'AFP.

La biologiste Elisa Levy, que l'AFP a accompagnée en expédition, est en charge du suivi des papillons à Cuyabeno, une forêt où les arbres poussent au milieu des lagunes.

Tout en battant l'air pour faire fuir les moustiques, Mme Levy donne des instructions à des gardes forestiers du ministère de l'Environnement et un étudiant.

"Ne touchez pas les ailes! Elles se détachent, et c'est comme les écorcher", prévient-elle à l'intention de son équipe qui retourne dans la forêt tropicale tous les deux mois chasser les précieux lépidoptères.

Effet domino

Les chercheurs tiennent l'abdomen des papillons dans leurs mains, soufflent doucement sur leur torse pour qu'ils rétractent leurs pattes et, à l'aide de pinces, écartent leurs ailes multicolores. C'est une explosion enchanteresse de rouges et de bleus vifs, des marques qui simulent des yeux de prédateurs et des motifs semblables à la fourrure tachetée des jaguars ou aux rayures des zèbres.

"Par une simple couleur, un petit trait, on peut déjà dire qu'il s'agit d'une autre espèce. C'est passionnant", s'émerveille le garde forestier Nilo Riofrio, capable d'attraper les papillons en plein vol sans les blesser.

Les papillons sont des "bio-indicateurs", c'est-à-dire qu'ils sont "très sensibles, même à de petits changements dans l'écosystème", en raison de leur cycle de vie qui commence par des œufs, puis des chenilles et enfin une brève vie d'adulte, explique Mme Checa. Les saisons de sécheresse notamment "sont mortelles" pour les insectes.

Mme Levy explique l'effet domino de la crise climatique sur l'écosystème. "Si la plante hôte (dont se nourrit la chenille) ne s'adapte pas à ces changements climatiques, le papillon ne pourra pas survivre".

«Problème grave»

En Equateur, il existe environ 4.000 espèces de papillons, un nombre proche de celui des pays voisins, le Pérou et la Colombie, qui sont quatre fois plus grands.

Dans les zones tropicales, les papillons ne sont pas adaptés aux changements climatiques, comme c'est le cas dans les pays à quatre saisons des régions aux climats plus tempérés.

"Si le climat se refroidit ou se réchauffe (jusqu'à des températures excessives), ils n'ont pas beaucoup de chances de s'adapter rapidement",  prévient Mme Levy.

Selon un document publié par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) en 2023, quelque 35% des espèces d'insectes de la planète sont menacées d'extinction.

"C'est un problème grave pour nous" en raison des fonctions qu'ils remplissent dans la nature, comme la pollinisation, souligne Mme Checa. Et le plus grave, c'est que dans des endroits très diversifiés comme la réserve de Yasuni, "le taux de découverte d'espèces est plus lent que le taux d'extinction", ajoute-t-elle.