BEYROUTH: L'ambassadeur d'Arabie saoudite au Liban, Walid Boukhari, a informé mardi des personnalités religieuses libanaises que le Royaume «se soucie de la sécurité, de la stabilité, des institutions et de la coexistence entre chrétiens et musulmans au Liban».
Le bureau des médias de l'ambassade saoudienne à Beyrouth a déclaré: «Il n'y a aucune légitimité pour le discours de conflit, ni pour celui qui va à l'encontre de l'identité arabe du Liban».
Il s'agit de la première déclaration saoudienne depuis les affrontements sanglants de Tayouneh le 14 octobre.
Au moins sept personnes ont été tuées dans les violences à Beyrouth au milieu d'une manifestation organisée par le Hezbollah et ses alliés contre le juge principal chargé de l’enquête sur l'explosion de l'année dernière dans le port de la capitale.
Les manifestants, rassemblés par le Hezbollah et le mouvement Amal, ont exigé le retrait du juge Tarek Bitar de l'enquête.
Selon le communiqué de l'ambassade saoudienne, le Grand Mufti du Liban, Cheikh Abdel Latif Deriane, «a exprimé sa reconnaissance au Royaume, dirigé par le roi Salmane et le prince héritier, Mohammed ben Salmane, pour n'avoir jamais abandonné le Liban et son peuple, malgré les prises de position injustes contre le Royaume de la part de certains partis libanais qui ne représentent qu'eux-mêmes».
Le Cheikh Deriane a ajouté que «les relations saoudo-libanaises ont toujours été et resteront solides indépendamment de tout discours offensif, car nos relations sont au-dessus de ces discours et l'Arabie saoudite verra toujours le Liban comme un pays arabe frère».
Cette déclaration intervient après la convocation mercredi par la Direction des renseignements du chef des Forces libanaises, Samir Geagea, au ministère de la Défense dans le cadre de l'enquête sur le bain de sang de Tayouneh.
Cette convocation a motivé les visites spontanées du patriarche maronite, Béchara al-Raï, mardi, au président du Parlement, Nabih Berri, au Premier ministre, Najib Mikati, et au président, Michel Aoun.
Al-Raï a dénoncé «la convocation de Geagea uniquement par la Direction des renseignements pour témoigner».
Charles Jabbour du parti des Forces libanaises a déclaré à Arab News que «Geagea ne comparaîtra pas au ministère de la Défense mercredi».
«Ils devraient commencer par convoquer le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Toutes les parties doivent témoigner, à commencer par le parti qui a appelé à la manifestation. Ce n'est que lorsqu'un juge osera convoquer Nasrallah que nous pourrons parler d'un État et d'une justice au Liban.»
La décision de convoquer Geagea a été condamnée par plusieurs personnalités politiques.
L'ancien Premier ministre, Saad Hariri, a refusé «de s'engager dans un conflit absurde et sur les lignes de front d'une guerre civile et de divisions sectaires».
«Annoncer que le Dr Geagea a été informé de comparaître devant la Direction des renseignements via une notification masquée est absurde et pourrait conduire le pays à de nouvelles divisions, ainsi qu’à l'utilisation des mécanismes de l’État pour une politique de vengeance», a-t-il ajouté.
L'ancien Premier ministre, Fouad Siniora, a également dénoncé «le parti pris des autorités judiciaires au sein du tribunal militaire concernant les événements déplorables de Tayouneh et les violations continues de la Constitution par ceux qui ont été chargés de la préserver et de la protéger».
Siniora a rejeté «les pratiques qui visent à utiliser le système judiciaire pour des représailles contre les opposants politiques, et non pour sa mission principale: rechercher la vérité et rendre la justice».
Le chef du Parti socialiste progressiste libanais, Walid Joumblat, a critiqué la «sélectivité au lieu d'une enquête transparente et juste pour une justice globale».
Il a insisté: «Tous ceux qui ont tiré des coups de feu lors des événements de Tayouneh doivent être arrêtés, sans discrimination, et ce conflit politique destructeur et futile doit prendre fin.»
Sami Gemayel, chef du parti libanais des Kataëb (les Phalanges libanaises), a annoncé son rejet de «tous les moyens auxquels le Hezbollah et le mouvement Amal ont eu recours pour entraver l'enquête sur l'explosion du port de Beyrouth».
Le Hezbollah a accusé Geagea d'avoir tiré le premier coup le 14 octobre sur les manifestants qui avaient pénétré dans la zone anti-Hezbollah et à majorité chrétienne de Ain al-Remaneh.
L'ancien Premier ministre, Hassan Diab, également mis en cause dans l'enquête sur l'explosion du port de Beyrouth, a rendu visite mardi à Cheikh Deriane, réitérant sa demande «de lever l'immunité de tous sans exception, ou d’adopter les mécanismes légaux et constitutionnels en vigueur au Conseil suprême pour le jugement des présidents et des ministres».
Jusqu'à présent, tous les politiciens accusés d'être impliqués dans l'explosion du port de Beyrouth ont refusé de comparaître devant le juge Bitar.
Les ministres du Mouvement Amal et du Hezbollah ont refusé d'assister aux séances du Conseil des ministres à moins que le juge Bitar ne soit démis de ses fonctions et que les enquêtes sur Tayouneh soient interrompues, provoquant une paralysie gouvernementale à un moment où le Liban a désespérément besoin de réformes afin de débloquer l'aide internationale qui atténuerait sans doute sa situation économique désastreuse.
Le Premier ministre Mikati a souhaité mardi que «les réunions du Conseil des ministres reprennent dès que possible afin de prendre les décisions nécessaires pour activer le travail des commissions et des comités et faire ce qui est nécessaire au gouvernement».
Mikati a ajouté qu'il espère que son gouvernement supervise «les élections législatives en toute intégrité, pour permettre à ces élections de raviver la vie politique au Liban».
Les commissions parlementaires mixtes se sont réunies mardi et ont voté en faveur du maintien de la loi électorale, rejetant ainsi la proposition d'Aoun d'apporter des amendements.
Aoun s'est opposé à la tenue des élections du 27 mars et aux propositions visant à modifier les règles de vote des expatriés en annulant les six sièges attribués aux électeurs libanais résidant à l'étranger.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com