BEYROUTH: Le chef de la principale communauté chrétienne au Liban a déclaré mardi que les trois principaux leaders politiques du pays s’étaient mis d'accord sur une «solution» aux tensions politiques et à la paralysie du gouvernement liées aux deux grandes enquêtes judiciaires en cours.
«Il existe une solution constitutionnelle et légale à la crise actuelle», a affirmé le patriarche maronite, Béchara Boutros al-Raï, lors d'une conférence de presse à la suite d’une journée passée à naviguer entre le Premier ministre, Najib Mikati, le président du parlement, Nabih Berri, et le président, Michel Aoun.
Une source officielle a souligné que la solution impliquerait la poursuite des anciens ministres mis en examen pour l'explosion du port de Beyrouth en août 2020 devant un tribunal spécial composé de députés et de juges, tout en permettant à l'enquêteur chargé de l’affaire, le juge Tarek Bitar, de mener son enquête sur les autres fonctionnaires de niveau inférieur.
Le tribunal spécial, formé par un vote parlementaire, n'a jamais exigé de comptes à aucun fonctionnaire.
Bitar a tenté d’interroger de hauts responsables, notamment d'anciens ministres affiliés au mouvement Amal qui relève du président du Parlement, Nabih Berri, et au mouvement Marada, tous deux alliés du Hezbollah soutenu par l'Iran, qui ont répondu par une campagne de diffamation accusant Bitar de politiser l'enquête.
Al-Raï avait auparavant déclaré à l’issue d’une réunion avec Berri que les problèmes devaient être résolus «parce que le Liban est en train de mourir, le peuple est en train de mourir et l'État est en train de se désintégrer».
Le Premier ministre libanais, Najib Mikati, n'a pas appelé à une réunion du Cabinet depuis le 12 octobre, dans l'attente d'une solution à l'impasse qui paralyse le gouvernement depuis plus de deux semaines.
Le différend s'est propagé au Conseil des ministres lorsque des ministres alliés aux partis mentionnés ont appelé à la destitution de Bitar lors d'une discussion animée au cours de la dernière séance.
Al-Raï a également confié qu'il était «légèrement contrarié» par la convocation du chef du parti des Forces libanaises, Samir Geagea, par les services de renseignement de l'armée pour une audition concernant les affrontements mortels qui ont eu lieu ce mois-ci dans le quartier de Ain al-Remmaneh à Beyrouth.
Le 14 octobre, sept personnes, toutes partisanes du Hezbollah et d'Amal, ont été abattues lors d'une manifestation à Beyrouth, organisée par ces partis contre Bitar, la pire violence de rue depuis plus d'une décennie.
Les partis ont évoqué que les sept personnes avaient été tuées par des partisans du parti chrétien des Forces libanaises, dirigé par Samir Geagea, qui soutient l'enquête sur l'explosion. Geagea a nié ces allégations à plusieurs reprises.
Geagea a été convoqué mercredi pour une audience par les services de renseignement de l'armée. Aucun autre haut responsable politique n'a reçu une telle convocation.
Mardi, les avocats de Geagea ont déposé une requête affirmant que la convocation était illégale, tandis que les avocats qui représentent plusieurs détenus ont déposé une requête demandant que le juge Fadi Akiki se récuse de l'affaire.
Un groupe d'habitants de Ain al-Remmaneh a déposé cette semaine une plainte contre le chef du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, affirmant que les combattants sous son commandement impliqués dans les affrontements avaient porté atteinte à «l'unité nationale» et commis des actes terroristes.
Le président, Michel Aoun, un allié du Hezbollah qui a déclaré que l'enquête menée par Bitar devrait se poursuivre, a exhorté mardi le gouvernement à reprendre les réunions du Conseil des ministres afin de parvenir à un accord de financement avec le Fonds monétaire international, largement considéré comme le seul moyen pour le Liban d'accéder à l'aide internationale dont il a désespérément besoin.
Rima Zahed, sœur de la victime de l'explosion du port Amin Zahed et membre d'un comité représentant les familles des victimes, a mis en garde contre «tout type de règlement ou d'accord» qui empièterait sur la portée de l'enquête.
«Personne ne peut nous menacer avec les tensions sectaires ou la situation difficile dans laquelle se trouve le peuple libanais. Les politiciens doivent le savoir», a-t-elle averti. «Aucun accord ne sera conclu au dépend du sang de nos martyrs.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com