L’Union européenne a d’abord levé presque toutes ses sanctions économiques; elle a ainsi aidé le régime iranien à réintégrer le système financier mondial
Pendant ce temps, l’UE a négligé des informations crédibles selon lesquelles l’Iran aurait enfreint l’accord sur le nucléaire et mené des activités nucléaires clandestines
L’Union européenne (UE) a fait preuve de souplesse dans sa politique envers le régime iranien. Elle a proposé des concessions et des incitations économiques et politiques depuis que le Plan d’action global commun, mieux connu sous le nom d’«accord de Vienne sur le nucléaire iranien», a été conclu, il y a six ans, entre Téhéran et le groupe P5+1.
L’UE a d’abord levé presque toutes ses sanctions économiques; elle a ainsi aidé le régime iranien à réintégrer le système financier mondial. Elle a également fait de nombreuses concessions, comme le fait d’accepter des clauses de temporisation dans l’accord sur le nucléaire, qui attribue une date d’expiration aux restrictions sur les activités nucléaires de l’Iran.
Parmi les pays européens, l’Allemagne et la France semblent les plus enclins à vouloir relancer les affaires avec Téhéran. Immédiatement après l’entrée en vigueur de l’accord sur le nucléaire, Sigmar Gabriel, ancien ministre de l’Économie et vice-chancelier allemand, s’est joint à une délégation commerciale formée par Siemens, Linde, Mercedes et Volkswagen pour se rendre en Iran, tandis que de nombreuses autres grandes entreprises européennes, comme Royal Dutch Shell , BP et Eni, ont mis sur place des projets pour traiter avec le régime.
Le commerce entre l’Union européenne et l’Iran a augmenté de près de 43% après l’accord sur le nucléaire et près de trente banques iraniennes ont réintégré Swift, le système bancaire mondial.
Pendant ce temps, l’UE a négligé des informations crédibles selon lesquelles l’Iran aurait enfreint l’accord sur le nucléaire et mené des activités nucléaires clandestines. Par exemple, au mois de février 2016, le stock iranien d’eau lourde a dépassé, pour la deuxième fois, le plafond autorisé.
Un an après l’accord, l’Office fédéral de protection de la Constitution – service chargé du renseignement intérieur en Allemagne – indique dans son rapport annuel que le gouvernement iranien a suivi une voie «clandestine» pour se procurer une technologie et des équipements nucléaires illicites auprès d’entreprises allemandes «en très grande quantité, selon les normes internationales». Le rapport avertit en outre que l’on peut «s’attendre à ce que l’Iran poursuive ses activités d’approvisionnement intensives en Allemagne en utilisant des méthodes clandestines pour atteindre ses objectifs».
Par la suite, les États-Unis – acteur clé de la mise en place de l’accord sur le nucléaire – se sont retirés du pacte sous l’administration Trump. Mais l’Union européenne a rompu avec son partenaire transatlantique en se prononçant en faveur de l’Iran et a refusé d’imposer de nouvelles sanctions au régime théocratique, tout en continuant de faire des affaires avec Téhéran.
Trois gouvernements européens – ceux de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni – ont créé la société Instex (Instrument in Support of Trade Exchanges), dont le siège se trouve à Paris. Elle a été essentiellement mise en place pour contourner les sanctions américaines. En réalité, Heiko Maas, le ministre allemand des Affaires étrangères, le reconnaît: «Nous indiquons clairement que nous n’avons pas seulement évoqué la nécessité de préserver l’accord sur le nucléaire avec l’Iran: nous voulons également ouvrir la voie aux transactions commerciales.»
La politique de l’UE envers le régime iranien ne consiste pas à prendre des initiatives diplomatiques, mais plutôt à calmer les religieux au pouvoir, tout en cédant à leurs exigences.
Après cinq années marquées par une politique d’apaisement, l’Union européenne doit passer les résultats au crible et revoir sa politique en conséquence. En dépit de l’accord, les dirigeants iraniens sont sur le point d’obtenir des armes nucléaires. En effet, le régime dispose désormais de suffisamment d’uranium enrichi pour mettre au point l’arme nucléaire.
La politique de l’Union européenne envers le régime iranien ne consiste pas à prendre des initiatives diplomatiques, mais plutôt à calmer les religieux au pouvoir, tout en cédant à leurs exigences.
Dr Majid Rafizadeh
En matière de terrorisme, les manigances de l’Iran n’ont pas épargné l’Union européenne. Le régime est impliqué dans une série d’assassinats et de complots terroristes à travers l’Europe. Certains projets ont réussi, d’autres non, mais tous émanent de Téhéran. Par exemple, des responsables européens ont déjoué une attaque qui ciblait une réunion du Conseil national de la résistance iranienne à Paris, au mois de juin 2018. De nombreux orateurs de haut niveau, parmi lesquels l’ancien président de la Chambre des représentants américaine Newt Gingrich et l’ancien ministre canadien des Affaires étrangères John Baird, y participaient.
En 2020, pour la première fois dans l’histoire de l’Iran, l’un de ses diplomates, Assadollah Assadi, a été traduit en justice en Belgique. Un complot iranien a également été déjoué au Danemark, où des responsables ont accusé Téhéran d’avoir tenté d’assassiner un citoyen.
L’ancien ministre danois des Affaires étrangères Anders Samuelsen souligne la gravité du complot terroriste iranien. Il affirme: «Un service de renseignement iranien a planifié un assassinat sur le territoire danois. C’est totalement inacceptable. En réalité, cette affaire est à ce point grave qu’il est difficile de la qualifier. Nous avons été très clairs à ce sujet aujourd’hui avec l’ambassadeur iranien à Copenhague.»
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.
Twitter: @Dr_Rafizadeh
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.