PARIS: Le déficit recule, le Ségur de la santé continue à dérouler ses effets, les budgets grand âge et médicaments progressent: voici quelques éléments saillants du projet de budget 2022 de la Sécurité sociale, au menu mercredi ou jeudi des députés.
Déficit en baisse
La sortie attendue de l'épidémie de Covid-19 va redonner un peu d'air à la Sécu. Le déficit est attendu à 21,6 milliards d'euros en 2022, en nette amélioration après les records de 2021 (- 34,6 milliards) et 2020 (-38,7 milliards).
A l'horizon 2025, les pertes devraient être légèrement supérieures à 13 milliards d'euros, un "solde négatif qui provient principalement de la branche maladie et dans une moindre mesure de la branche vieillesse", explique le ministère des Comptes publics.
Malgré la dissipation de l'impact comptable de la pandémie, le gouvernement prévoit en 2022 une enveloppe de 4,9 milliards d'euros pour les tests (1,6 milliard) et la vaccination (3,3 milliards).
Budget 2022: les députés votent le premier volet et passent à la Sécu
En plein débat sur le prix des carburants et de l'énergie, l'Assemblée nationale doit voter mardi en fin d'après-midi le premier volet du budget 2022, avant de se plonger dans les comptes de la Sécurité sociale en milieu de semaine.
Après la traditionnelle séance de questions au gouvernement, les députés voteront la première partie du projet de loi de finances (PLF), dévolue aux recettes. Elle comprend notamment le "bouclier tarifaire" promis par le gouvernement pour contenir la hausse des prix de l'électricité et du gaz. Pour la seule électricité, la perte de recettes pour l'Etat s'élèvera à 5,1 milliards d'euros l'année prochaine.
Une inconnue demeure pour la suite de la discussion budgétaire: quelle réponse va apporter l'exécutif à la flambée des prix des carburants, sujet hautement inflammable après la crise des gilets jaunes et à six mois de la présidentielle ?
Lundi, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a privilégié la piste d'un chèque carburant, sur le modèle du chèque énergie, plutôt qu'une baisse des taxes sur essence et gazole.
Le gouvernement veut vite calibrer la mesure, alors que les prix à la pompe ont encore augmenté de 2 centimes la semaine dernière, atteignant des niveaux historiquement hauts à 1,56 euro le litre pour le gazole en moyenne, et 1,62 euro pour l'essence sans-plomb contenant jusqu'à 10% d'éthanol (SP95-E10).
Droite et gauche mettent aussi la pression, et ne voteront pas ce projet de budget.
Les députés doivent ensuite examiner dans l'hémicycle le projet de loi de prolongation du pass sanitaire, puis, probablement à partir de jeudi et jusqu'au week-end, le budget de la Sécurité sociale, sans plan grand âge à la hauteur des attentes des oppositions et de certaines voix de la majorité.
Ce dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) du quinquennat anticipe un déficit de 21,6 milliards d'euros, soit bien moins que les deux années précédentes, grâce à la croissance et la "sortie de crise" progressive du Covid-19.
Mais "un déficit durable d'environ 15 milliards d'euros est prévu" pour les années à venir, reconnaît le ministre de la Santé Olivier Véran, selon qui "il nous faudra définir collectivement une solution structurelle".
«Arroser à tout vent»
"A quand de telles réformes ?", demande-t-on chez LR, pour qui le gouvernement "arrose à tout vent". A gauche, après "les largesses toutes relatives" de la période électorale, on craint des "régressions sociales" comme la réforme des retraites.
En attendant, les engagements du Ségur de la santé se poursuivent pour 2,7 milliards, dont l'essentiel est consacré à la revalorisation salariale des personnels soignants.
Le plan pour la santé mentale doit en outre être décliné, avec en particulier la prise en charge sous conditions de consultations chez le psychologue.
Au coeur des débats, le volet consacré aux personnes âgées en perte d'autonomie laisse de nombreux acteurs sur leur faim.
"La réforme que contient le PLFSS est ambitieuse: elle représente 400 millions d'euros de mesures nouvelles en 2022 et 1,3 milliard en 2025", revendique la ministre Brigitte Bourguignon.
Pour aider au maintien chez soi, il s'agit d'instaurer au 1er janvier un "tarif plancher" national (et non départemental comme jusqu'alors) de 22 euros par heure de prestation pour les services d'aide à domicile, afin de sécuriser leur financement et mieux rémunérer les salariés.
Pour les Ehpad, il est notamment programmé un renforcement de la présence des soignants, et jusqu'à 10.000 équivalents temps plein supplémentaires au cours des cinq prochaines années.
Les députés LR s'inquiètent du financement de ces volets, reposant sur la CSG et les départements.
Les socialistes critiquent un plan pas à la mesure du "défi collectif du vieillissement de la population" faute "de financements pérennes suffisants" pour "la cinquième branche" de la Sécu, dédiée à l'autonomie et la dépendance, et créée l'an dernier.
Les députés insoumis dénoncent "trahison" et "mensonges à propos de la défunte loi consacrée au grand âge et à l'autonomie", longtemps espérée et désormais abandonnée.
"C'est un peu dommage qu'on n'ait pas réussi à avancer" et "ça agace un peu tout le monde", reconnaît une députée LREM.
Suite et fin du Ségur
Le Ségur de la santé, qui a produit ses premiers effets sur le budget de la Sécu en 2020, pèsera encore à hauteur de 2,7 milliards d'euros dans le PLFSS 2022.
L'essentiel de la facture est lié à la revalorisation salariale des personnels soignants (un peu plus de deux milliards d'euros).
Au total, de 2020 à 2022, les mesures issues du Ségur se montent à environ 12,5 milliards d'euros.
400 millions pour le grand âge
Un coup de pouce de 400 millions d'euros pour l'aide aux personnes âgées est prévu en 2022, a annoncé le Premier ministre Jean Castex.
Au moins 240 millions d'euros seront fléchés vers les services d'aide à domicile, alors que le gouvernement va instaurer un "tarif plancher" de 22 euros par heure de prestation.
Par ailleurs, les effectifs soignants seront renforcés, de manière à "atteindre un total de 10 000 ETP (équivalents temps plein, NDLR) supplémentaires au cours des cinq prochaines années".
Budget médicaments gonflé
Le périmètre des médicaments intégralement remboursés par la Sécurité sociale a été élargi pour 2022, ce qui représente un surcoût de 370 millions d'euros.
Même en tenant compte des traditionnelles réductions de dépenses (1,2 milliard d'euros d'économies prévues pour 2022), le budget médicaments du gouvernement gonflera de plus d'un milliard d'euros.
Contraception facilitée et sages-femmes augmentées
La mesure était connue depuis début septembre: la contraception sera accessible gratuitement dès le 1er janvier aux femmes de 18 à 25 ans, une mesure budgétée annuellement à 21 millions d'euros.
Une enveloppe de 41 millions d'euros a également été prévue dans le cadre du Ségur de la santé pour revaloriser les salaires des sages-femmes.
Enfin, quelques millions doivent être consacrés au raccourcissement des délais d'attente à la suite de l'ouverture de la PMA pour toutes.
Santé mentale: remboursement de consultations de psychologues
A partir de l'année prochaine, huit consultations chez un psychologue participant au dispositif pourront être remboursées par la Sécurité sociale à tous les patients de trois ans et plus, souffrant de troubles dépressifs et anxieux d'intensité légère à modérée, s'ils disposent d'une lettre d'un médecin.
En 2022, une enveloppe de 50 millions d'euros sera consacrée à ce dispositif dont la première séance sera facturée 40 euros, les suivantes 30.
Retraites: dans le flou puis dans le trou
Le gouvernement n'a pas présenté de mesure spécifique en matière de pensions.
Sur le plan comptable, la branche vieillesse du régime général devrait connaître d'abord une réduction de son déficit (-3,7 milliards d'euros en 2021 puis -2,5 milliards en 2022), avant qu'il ne plonge à 7,6 milliards d'euros en 2025.