MOSCOU: Le Bélarus a rappelé lundi son ambassadeur à Paris après avoir contraint au départ son homologue français, nouvelle illustration des tensions avec les Occidentaux du fait de la violente répression de l'opposition au président Alexandre Loukachenko.
Minsk reprochait à l'ambassadeur de France, Nicolas de Bouillane de Lacoste, de ne pas avoir voulu remettre, depuis son arrivée en décembre 2020, ses lettres de créance au chef de l'Etat, une cérémonie qui officialise la prise de fonctions.
En cause, le refus de la France, comme nombre d'autres pays occidentaux, de reconnaître la réélection très contestée de M. Loukachenko en août 2020, car celui-ci a orchestré la répression d'un vaste mouvement de protestation post-électoral.
En conséquence, "l'ambassadeur du Bélarus en France, Igor Fissenko, a été rappelé à Minsk pour consultations", a déclaré dans un communiqué le porte-parole du ministère bélarusse des Affaires étrangères, Anatoli Glaz.
Il a dit souhaiter "rétablir entièrement le fonctionnement des deux missions diplomatiques", tout en regrettant le refus français de présenter les lettres de créance.
De son côté, l'ambassadeur Nicolas de Lacoste a fait ses adieux à son pays d'accueil dans une vidéo en bélarusse diffusée lundi sur le site de l'ambassade, dans laquelle il rappelle que "la France n'a pas reconnu le résultat de l'élection du 9 août" 2020.
La diplomatie française a déploré lundi son départ forcé, conséquence, a-t-elle estimé, d'une décision "unilatérale" et "injustifiée" des autorités bélarusses qui ont "réduit les moyens d'action de notre poste à Minsk".
"En conséquence, des mesures proportionnées ont été prises" à l'égard de la représentation diplomatique bélarusse en France, a précisé le ministère français des Affaires étrangères dans un communiqué.
La France "continuera de se tenir aux côtés du peuple bélarusse, en appui d'une solution politique durable à la crise que connaît" le Bélarus, a-t-il souligné.
La réélection controversée à un sixième mandat de M. Loukachenko avait entraîné des mois de manifestations massives mais réprimées dans cette ex-république soviétique, alliée de la Russie de Vladimir Poutine.
L'Union européenne et les Etats-Unis ont adopté une série de sanctions à l'égard du régime bélarusse, qui a emprisonné ou contraint à l'exil toutes les figures de l'opposition.
Lettonie et Etats-Unis aussi
Nombre de médias indépendants et d'ONG ont par ailleurs été fermés, et leurs employés ou représentants harcelés par les forces de sécurité. Là aussi, nombreux sont ceux à avoir été incarcérés ou à avoir choisi l'émigration.
Le Bélarus résiste à ces sanctions grâce à l'appui politico-militaire et financier de Moscou. Les deux pays préparent aussi la signature d'accords destinés à intégrer plus encore leurs deux économies, sous la houlette de la Russie.
Minsk a coupé les liens avec d'autres interlocuteurs occidentaux ces derniers mois.
En mars, il avait expulsé tout le personnel de l'ambassade de Lettonie, dont l'ambassadeur, parce que les autorités de ce pays avaient utilisé le drapeau de l'opposition bélarusse lors d'un championnat de hockey sur glace.
En août, Minsk avait aussi retiré son accord pour la nomination de l'ambassadrice américaine Julie Fisher, qui avait été confirmée en décembre comme la première envoyée des Etats-Unis dans cette ex-république soviétique depuis 2008. Elle n'a donc jamais pu venir à Minsk.
Alexandre Loukachenko accuse les gouvernements occidentaux d'avoir fomenté les manifestations contre lui dans l'espoir de provoquer une révolution afin de déstabiliser un allié fidèle de la Russie.
Le régime a réussi à mettre un terme à la contestation de rue, mais la répression n'a pas cessé pour autant. Le mois dernier, un tribunal bélarusse a ainsi condamné une des principales figures de l'opposition, Maria Kolesnikova, à 11 ans de prison.
Sur le plan diplomatique, la candidate à la présidentielle contre M. Loukachenko qui a dû s'exiler, Svetlana Tikhanovskaïa, est devenue un visage familier en Europe et aux Etats-Unis.
Elle parcourt les capitales occidentales et a mobilisé les grands dirigeants de la planète, appelant la communauté internationale à faire pression sur le Bélarus. Elle a notamment été reçue par Joe Biden, Angela Merkel et Emmanuel Macron.