Hommage à Samuel Paty dans sa ville, son collège et à l'Elysée

L'émotion suscitée par l'assassinat de Samuel Paty est toujours palpable, un an après le drame. (AFP).
L'émotion suscitée par l'assassinat de Samuel Paty est toujours palpable, un an après le drame. (AFP).
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Publié le Samedi 16 octobre 2021

Hommage à Samuel Paty dans sa ville, son collège et à l'Elysée

  • «Ces poèmes, c'était bien, mais ça me fait penser que ça serait bien d’être encore avec lui. J'aurais voulu apprendre à plus le connaître»
  • Samuel Paty, 47 ans, a été poignardé puis décapité le 16 octobre 2020 dans une rue voisine de son collège du Bois d'Aulne à Conflans-Sainte-Honorine, ville tranquille de la région parisienne

CONFLANS-SAINTE- HONORINE : Un an jour pour jour après son assassinat, des hommages au professeur Samuel Paty ont lieu samedi dans le Val-d'Oise où il vivait, dans les Yvelines où il enseignait, et à Paris où sa famille sera reçue à l’Élysée.


Dès 10H30, dans l'entrée du ministère de l'Éducation nationale, doit être inaugurée "une plaque qui pour toujours rendra hommage à Samuel Paty", selon les mots du ministre Jean-Michel Blanquer. Le Premier ministre Jean Castex et d'autres membres du gouvernement seront présents aux côtés des parents et de la famille de Samuel Paty.


En début d'après-midi, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), lors d'une rare prise de parole, des enseignants du collège du Bois d'Aulne où M. Paty enseignait prononceront un discours, notamment devant des élèves et des parents, l'ancienne principale de l'établissement et le ministre de l’Éducation nationale.


Vendredi, déjà, d'innombrables écoles, collèges et lycées à travers la France avaient honoré la mémoire de l'enseignant d'histoire-géographie, sauvagement assassiné le 16 octobre 2020 - poignardé et décapité - pour avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves lors d'un cours sur la liberté d'expression.

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Le Lycée Les Battières à Lyon: élèves et professeurs rendent hommage à Samuel Paty. (AFP). 

C'est dans une rue d'Eragny-sur-Oise (Val-d'Oise) que l'attentat s'était produit, à quelques centaines de mètres seulement du collège de l'enseignant. Des habitants de cette commune de près de 16.000 habitants où vivait Samuel Paty, père d'un petit garçon, doivent se réunir en milieu de matinée. Voisins et amis y sont attendus, selon la mairie.


A 15H00, la mairie de Conflans-Sainte-Honorine dévoilera, elle, un monument en forme de livre sur l'une des places centrales de la ville.


La famille de Samuel Paty sera ensuite reçue par Emmanuel Macron à l’Élysée.


Enfin, un square situé face à la Sorbonne, rue des Ecoles, sera rebaptisé square Samuel Paty, lors d'une cérémonie que la mairie de Paris veut simple et recueillie.


Dans un entretien à La Croix cette semaine, l'une des soeurs de Samuel Paty, Gaëlle, l'avait décrit comme un enseignant "qui ne cherchait pas à révolutionner la terre entière" mais "voulait changer les choses par l'action ordinaire".

Slams sur la liberté

Depuis un an, les professeurs traumatisés du collège du Bois d'Aulne, sollicités par les médias, avaient gardé le silence. 


Mais la commémoration approchant, sept des cinquante enseignants du collège ont accepté cette semaine de raconter à Libération et à France Inter "leur Samuel Paty", impliqué auprès de ses élèves et toujours prêt à débattre avec ses collègues: "un être humain comme les autres" et non "l'espèce de mythe" que l'attentat l'a fait devenir malgré lui, a dit l'un d'eux.

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Des débats sur le sens de la laïcité et les valeurs de la République ont été organisés à travers la France. (AFP).

Après l'attentat, de nombreux professeurs du collège avaient demandé des arrêts de travail. 


"Jusqu'à quinze enseignants ont pu être absents simultanément", indique le rectorat de Versailles, qui a remis en place une ligne d'écoute jusqu'à la fin de ce mois d'octobre.


Lors de l'hommage dans l'établissement, des élèves réciteront des slams écrits autour de la liberté. 


Vendredi, ils avaient été notamment invités à lire leurs poèmes sur leur professeur. "Ces poèmes, c'était bien, mais ça me fait penser que ça serait bien d’être encore avec lui. J'aurais voulu apprendre à plus le connaître", a dit à l'AFP vendredi Guillaume*, 14 ans, qui avait Samuel Paty comme professeur principal l'an dernier.


La communauté du collège aura aussi été frappée par le fait que cinq élèves, âgés de 13 à 15 ans lors des faits, ont été mis en examen, soupçonnés d'avoir désigné le professeur à son assassin.


L'attentat a été "un bouleversement à plusieurs égards" et sa "répercussion demeure considérable", note Jean-Jacques Brot, préfet des Yvelines. D'un point de vue sécuritaire, "cela a impliqué un sursaut dans la réflexion de tous les services, que ce soit du ministère de l'Intérieur ou de l'Education nationale, en matière de renseignements, d'analyse ou de prévision".

Le Premier ministre Jean Castex a rendu hommage samedi au professeur assassiné, le présentant comme "un serviteur de la République (...) victime du terrorisme islamiste et de la lâcheté humaine".

Un an d'enquête et les complicités en débat

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Le 16 octobre 2020 en fin d'après-midi, le professeur d'histoire-géographie est poignardé puis décapité près de son collège de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) par ce jeune réfugié tchétchène radicalisé, tué peu de temps après par la police. (AFP).

 

Qui savait ? Et exactement quoi ? Un an après l'assassinat de Samuel Paty, les juges antiterroristes tentent de mesurer l'étendue de la connaissance du projet d'Abdoullakh Anzorov par chacune des quinze personnes mises en examen.


Le 16 octobre 2020 en fin d'après-midi, le professeur d'histoire-géographie est poignardé puis décapité près de son collège de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) par ce jeune réfugié tchétchène radicalisé, tué peu de temps après par la police.


L'enquête a rapidement retracé les étapes de l'engrenage fatal.


Il se met en marche lorsqu'une collégienne rapporte à ses parents que Samuel Paty a montré des caricatures du prophète Mahomet lors d'un cours début octobre sur la laïcité. Elle l'accuse d'avoir demandé aux collégiens musulmans de se signaler.


Sur la base du témoignage de sa fille, par ailleurs menacée d'expulsion pour indiscipline, son père Brahim Chnina lance une virulente campagne sur les réseaux sociaux. Soutenu par un militant islamiste, Abdelhakim Sefrioui, il porte plainte contre l'enseignant pour diffusion d'image pornographique.


Informé de leur campagne, Abdoullakh Anzorov, 18 ans, se rend le 16 octobre devant le collège.


Il y rencontre des élèves qui, contre de l'argent, lui permettent d'identifier le professeur de 47 ans, qu'il tue avant d'être abattu.


Dans un message audio en russe, il a revendiqué son geste en se félicitant d'avoir "vengé le prophète" à ses yeux insulté par M. Paty. 

Mensonges 

Au fil de leurs investigations, les policiers ont établi quatre cercles de suspects.


D'abord celui des soutiens matériels d'Abdoullakh Anzorov. Deux de ses connaissances de sa ville d'Evreux, Naïm B. et Azim E., ont été mis en examen pour "complicité d'assassinat" terroriste pour l'avoir accompagné acheter un couteau et des pistolets à billes. Le second l'a en outre conduit d'Evreux jusqu'au collège.


"C'est la complicité matérielle la plus évidente", note une partie civile.


Mais Me Hiba Rizkallah, avocate de Naïm B., évoque plutôt le "manque de clairvoyance" de son client: "peut-on lui reprocher de ne pas avoir lu dans l'esprit" du tueur pour déceler son projet ?


Deuxième cercle de complicité, les collégiens. Cinq d'entre eux, âgés de 13 à 15 ans lors des faits, sont soupçonnés d'avoir désigné le professeur à son meurtrier. Poursuivis pour "complicité d'assassinat" terroriste, ils ont été placés sous contrôle judiciaire.


La fille de M. Chnina a, elle, été mise en examen pour "dénonciation calomnieuse". Elle a reconnu avoir menti sur sa présence au fameux cours sur la laïcité de M. Paty.


Autre série de suspects, ceux qui sont soupçonnés d'avoir encouragé Abdoullakh Anzorov dans ses projets d'attaque, même sans en connaître les détails précis.


Un Russe d'origine tchétchène et un Français de 18 ans, ainsi qu'une adolescente de 17 ans, ont été mis en examen début novembre 2020. Selon une source proche du dossier, leur cas pourrait à terme être séparé du reste du dossier.


Fin juin, une femme de 33 ans interpellée à Nîmes a été mise en examen pour "association de malfaiteurs terroriste" et placée sous contrôle judiciaire. Elle est soupçonnée d'avoir été en contact avec l'assaillant avant l'attaque et, selon une source proche du dossier, de lui avoir transféré la vidéo de Brahim Chnina.

« Appel à la sanction »

Un dernier groupe de complicités a concentré l'attention des médias.


Parmi ces "influenceurs", Brahim Chnina est poursuivi pour les vidéos où il dénonce Samuel Paty et pour avoir eu des contacts avec le tueur.


"Dans ce dossier, on ne fait plus du droit", regrette son avocat, Nabil El Ouchikli. "Une mise en examen pour complicité revient à consacrer l'aide par ignorance totale, en contradiction même avec le principe de la complicité qui est un acte volontaire".


A Abdelhakim Sefrioui, les jugent reprochent une autre vidéo diffusée avant le drame. Son camp conteste qu'Abdoullakh Anzorov l'ait vue.


Selon des connaisseurs du dossier, l'infraction de complicité d'assassinat terroriste, notamment pour M. Sefrioui, nourrit un débat "compliqué" au sein de l'institution judiciaire. "Il y a peu de dossiers où l'on a autant interprété le texte", note l'un d'eux.


"La qualification de complicité a fait long feu, il faut maintenant que la justice en tire les conséquences sur la détention provisoire", estime Me Elise Arfi, qui défend M. Sefrioui.


La cour d'appel de Paris en juin puis la Cour de cassation le mois dernier ont validé les poursuites du militant islamiste.


"Toute l'institution judiciaire considère que cette vidéo est un acte de complicité", balaie Virginie Le Roy, avocate de la famille de Samuel Paty. "Elle donne une dimension religieuse, politique et nationale à l'incident. C'est un appel à la sanction".


L'enquête se poursuit: des investigations sont en cours pour décrypter certains messages entre protagonistes et des confrontations sont attendues dans les prochains mois.       


Samedi, "dans l’entrée même du ministère, une plaque qui pour toujours rendra hommage à Samuel Paty sera inaugurée. Le Premier ministre Jean Castex viendra, ainsi que d'autres membres du gouvernement, avec les parents et la famille de Samuel Paty", a souligné Jean-Michel Blanquer.


La famille sera ensuite reçue dans l'après-midi à l'Elysée par le président Emmanuel Macron, qui avait qualifié Samuel Paty de "héros tranquille" de la République française.


En parallèle, un square Samuel-Paty sera également inauguré samedi face à la Sorbonne à Paris. A Conflans, un monument en forme de livre doit être dévoilé.


L'attentat avait bouleversé un pays déjà fragilisé depuis le début de la décennie par une vague d'attaques jihadistes, et relancé les débats passionnels autour de la liberté d'expression, la religion, la laïcité, le droit de blasphémer.


Samuel Paty "cherchait le moyen de faire réfléchir", a raconté une de ses soeurs, Gaëlle, au journal La Croix. Montrer les caricatures du prophète Mahomet, celles-là même qui avaient été à l'origine du sanglant attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo en 2015, devait être pour l'enseignant "le point de départ d'un débat", a-t-elle ajouté.


Plusieurs centaines de personnes ont manifesté lors d'un rassemblement antifasciste à Paris

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  • Plusieurs centaines de personnes étaient rassemblées samedi après-midi à Paris contre le fascisme, après l'agression d'un homme à l'arme blanche devant une association culturelle turque la semaine passée.
  • « Nous sommes là car nous avons été attaqués. Nous sommes là pour montrer que Paris n'est pas à eux. Nous continuerons la lutte antifasciste et révolutionnaire », a lancé au micro un leader de Young Struggle.

PARIS : Plusieurs centaines de personnes étaient rassemblées samedi après-midi à Paris contre le fascisme, après l'agression d'un homme à l'arme blanche devant une association culturelle turque la semaine passée, pour laquelle six membres de l'ultradroite ont été inculpés, a constaté un journaliste de l'AFP.

« Paris, Paris, Antifa ! », « Pas de quartier pour les fachos, pas de fachos dans nos quartiers », « Nous sommes tous antifascistes », ont scandé les manifestants réunis place de la République. Un drapeau rouge « No pasaran » a été accroché sur un flanc de la statue, au centre de la place emblématique.

Ce rassemblement se tient six jours après l'agression à l'arme blanche d'un homme membre du collectif Young Struggle, qui se présente comme une « organisation de jeunesse socialiste » et adhérent au syndicat CGT. Il avait dû être hospitalisé quelques heures.

Dimanche dernier, « une vingtaine de personnes » appartenant à la mouvance d'ultradroite, « cagoulées et munies de tessons de bouteille » selon la préfecture de police, avaient pénétré dans la cour d'un immeuble où se situe une association culturelle de travailleurs immigrés de Turquie et agressé une personne avant de prendre la fuite.

Six jeunes hommes ont été inculpés pour violences volontaires aggravées. L'un d'eux, qui avait du sang sur ses vêtements et qui a reconnu sa participation, a été incarcéré.

« Nous sommes là car nous avons été attaqués. Nous sommes là pour montrer que Paris n'est pas à eux. Nous continuerons la lutte antifasciste et révolutionnaire », a lancé au micro un leader de Young Struggle, avant de faire siffler le nom de Bruno Retailleau, ministre français de l'Intérieur et connu pour ses positions très conservatrices.

« Partout, l'extrême droite se répand, encouragée par les saluts nazis de Elon Musk et Steve Bannon », a déclaré à sa suite Mathilde Panot, cheffe des députés du parti de gauche radicale LFI (La France Insoumise).

Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump, a récemment été sous le feu des projecteurs pour un geste qualifié de salut nazi lors de la convention CPAC, la grand-messe des conservateurs américains près de Washington.

Il a brièvement tendu sa main en l'air après avoir déclaré devant les supporters de Donald Trump : « Nous n'allons pas reculer, nous n'allons pas capituler, nous n'allons pas abandonner. Luttez, luttez, luttez ! »

En janvier, le milliardaire Elon Musk, conseiller de Donald Trump, avait lui-même été épinglé pour un geste ambigu analogue.


Macron dira à Trump qu'entre alliés on ne peut pas "faire souffrir l'autre" avec des droits de douane

Le président français Emmanuel Macron (C) et la ministre française de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Annie Genevard (D) écoutent des artisans du cuir lors de la journée d'ouverture et de l'inauguration par le président français du 61e Salon international de l'agriculture au parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, le 22 février 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron (C) et la ministre française de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Annie Genevard (D) écoutent des artisans du cuir lors de la journée d'ouverture et de l'inauguration par le président français du 61e Salon international de l'agriculture au parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, le 22 février 2025. (AFP)
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  • "Entre alliés, on ne peut pas faire souffrir l'autre avec des tarifs" douaniers, a déclaré Emmanuel Macron samedi au premier jour de l'ouverture du Salon de l'agriculture à Paris
  • Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a annoncé la mise en place de droits de douane réciproques

PARIS: "Entre alliés, on ne peut pas faire souffrir l'autre avec des tarifs" douaniers, a déclaré Emmanuel Macron samedi au premier jour de l'ouverture du Salon de l'agriculture à Paris alors que Donald Trump menace d'imposer des droits de douane sur de multiples produits européens.

"Je vais (lui) en parler parce qu'on a besoin d'apaiser tout ça", a relevé le président français qui doit rencontrer son homologue américain lundi à Washington.

"La filière agricole et agroalimentaire (française), c'est une grande filière d'exportation, donc il faut la défendre pour la rendre encore plus compétitive", a-t-il ajouté.

Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a annoncé la mise en place de droits de douane réciproques, c'est-à-dire que les États-Unis appliqueront le même niveau de droits de douane sur les produits en provenance d'un pays que le niveau appliqué dans ce pays aux produits américains.

Il a également annoncé le retour de droits de douane sur l'acier et l'aluminium. Et, s'il a déjà visé le Canada, le Mexique et la Chine, il a régulièrement assuré que les pays européens étaient également menacés.

En France, les viticulteurs sont particulièrement inquiets d'un retour des droits de douane américains sur le cognac et le vin, qu'ils exportent en masse vers les États-Unis, d'autant que le cognac souffre déjà d'un différend commercial entre l'UE et la Chine, son premier marché en valeur.

"Je suis déterminé sur tous les sujets pour avoir un échange" avec Donald Trump, a encore dit Emmanuel Macron. "On partagera nos accords, nos désaccords et j'espère surtout qu'on trouvera des solutions sur la question de l'Ukraine".

Le président américain est reparti à la charge vendredi contre son homologue ukrainien. Tout en estimant que Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine allaient "devoir se parler", pour "mettre fin au massacre de millions de personnes", il a jugé que la présence de l'Ukrainien n'était "pas importante" dans des négociations avec la Russie.

Il a ciblé par ailleurs Emmanuel Macron, et Keir Starmer, qui n'ont selon lui "rien fait" pour mettre un terme à la guerre. Le Premier ministre britannique est attendu jeudi à Washington.


Au Salon de l'agriculture, Macron attendu au tournant

Une femme marche devant une affiche sur laquelle on peut lire "Fiers et unis avec nos agriculteurs" à la veille de l'ouverture du 61e Salon international de l'agriculture (SIA), au parc des expositions de la Porte de Versailles, à Paris, le 21 février 2025. (AFP)
Une femme marche devant une affiche sur laquelle on peut lire "Fiers et unis avec nos agriculteurs" à la veille de l'ouverture du 61e Salon international de l'agriculture (SIA), au parc des expositions de la Porte de Versailles, à Paris, le 21 février 2025. (AFP)
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  • Le 61e Salon de l'agriculture est inauguré samedi à Paris par Emmanuel Macron, attendu au tournant par des agriculteurs toujours remontés et par des organisateurs aux aguets après sa visite chaotique de l'an dernier
  • Plus de 600.000 visiteurs sont attendus sur les neuf jours du Salon

PARIS: Visites politiques encadrées et les vaches seront bien gardées? Le 61e Salon de l'agriculture est inauguré samedi à Paris par Emmanuel Macron, attendu au tournant par des agriculteurs toujours remontés et par des organisateurs aux aguets après sa visite chaotique de l'an dernier.

Pas d'incitation à chahuter cette année, mais des appels au calme ambivalents de la part des principaux syndicats agricoles, qui doivent être reçus l'un après l'autre en début de matinée avant la traditionnelle coupe de ruban et la déambulation présidentielle.

Plus de 600.000 visiteurs sont attendus sur les neuf jours du Salon, qui ouvre ses portes au public à 09H00. En 2024, des milliers de personnes avaient été bloquées à l'extérieur pendant plusieurs heures en raison de heurts entre manifestants et CRS en marge de la venue d'Emmanuel Macron, entre huées, insultes, bousculades et violences.

Sécurité renforcée, commissariat mobile, chartes pour encadrer les visites politiques... Les organisateurs sont sur les dents pour ne pas voir se répéter le scénario catastrophe de l'an dernier.

L'entourage d'Emmanuel Macron lui a conseillé d'éviter une visite marathon, à l'image des 13 heures de déambulation de 2024 parmi les plus de 1.400 exposants et 4.000 animaux accueillis chaque année.

"Le président sera très probablement pris à parti", a averti Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, syndicat historique, qui l'attend sur les dossiers internationaux.

Cet automne, c'est l'opposition à l'accord de libre-échange UE-Mercosur qui a servi de cri de ralliement pour relancer les manifestations d'agriculteurs, qui dénoncent aussi les taxes douanières chinoises et craignent des mesures similaires de la nouvelle administration américaine.

"Je souhaite qu'il en parle à Donald Trump (...): arrêter les importations massives qui ne respectent pas nos normes, lever les contraintes qui nous empêchent d'être compétitifs", renchérit Pierrick Horel des Jeunes Agriculteurs, alliés de la FNSEA.

Pour Patrick Legras, porte-parole de la Coordination rurale, forte de sa percée aux élections professionnelles de janvier, "ça va être tendu". Selon lui, Emmanuel Macron va aussi avoir du mal à "expliquer qu'on négocie encore un accord pour importer du sucre ou du poulet d'Ukraine" — l'accord d'association UE-Ukraine, en cours de révision — évoquant des produits érigés en symboles d'une "concurrence déloyale".

Coutumière des actions coup de poing, la Coordination rurale a toutefois passé à ses sympathisants un message d'apaisement, dans l'espoir qu'Emmanuel Macron "aura vraiment quelque chose" à leur dire, selon sa président Véronique Le Floc'h.

- "Où sont les promesses?" -

Plus d'un an après la mobilisation qui avait bloqué routes et autoroutes, l'heure est au bilan des mesures obtenues par les agriculteurs qui réclament un revenu "décent", plus de considération et moins d'injonctions.

Pour le gouvernement, ses engagements ont été "honorés": "500 millions d'euros d'allégement de charges fiscales prévus dans le budget", "soutien à la trésorerie pour les agriculteurs en difficulté", "indemnisations à hauteur de 75 millions d'euros aux propriétaires du cheptel touché par les épizooties" ou encore "la mise en place du contrôle administratif unique en octobre dernier".

Surtout, deux jours avant le Salon, le Parlement a adopté la loi d'orientation agricole, attendue depuis trois ans par la profession. Ce texte érige l'agriculture au rang "d'intérêt général majeur", facilite les installations, la construction de bâtiments d'élevage et le stockage de l'eau, tout en dépénalisant certaines infractions environnementales.

"Un an après, où sont passés les prix plancher et ses promesses? Au Salon 2024, nous demandions des prix minimum garantis pour les producteurs: non seulement on n'a pas du tout avancé, mais la situation est pire aujourd'hui", s'indigne Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, troisième syndicat.

Elle estime que les demandes de l'alliance FNSEA-JA et de la CR ont été privilégiées, au détriment d'une "réelle transition agroécologique". Un argument repris par la gauche à propos de la loi d'orientation agricole.

Les personnalités politiques de tous bords devraient se succéder auprès de la vache limousine Oupette, égérie de l'édition 2025. Le Premier ministre François Bayrou est attendu lundi.

Malgré la volonté des organisateurs de limiter les visites à une journée pour chaque parti, Jordan Bardella (RN) a prévu de s'y rendre dimanche et lundi avec une délégation, comme en 2024, où les demandes de "selfies" avec le chef du parti d'extrême droite avaient contrasté avec la visite présidentielle.

En novembre, à la veille de nouvelles mobilisations paysannes, il s'était affiché dans le Lot-et-Garonne avec des cadres de la Coordination rurale, qui faisait campagne de son côté pour "dégager la FNSEA" des chambres d'agriculture.