Un an après l'assassinat de Samuel Paty, l’inquiétude des enseignants persiste

Panneau hommage au professeur assassiné, à Conflans-Sainte-Honorine en novembre 2020 (Photo, AFP).
Panneau hommage au professeur assassiné, à Conflans-Sainte-Honorine en novembre 2020 (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 12 octobre 2021

Un an après l'assassinat de Samuel Paty, l’inquiétude des enseignants persiste

  • De tous les thèmes évoqués, la laïcité reste un des plus épineux: «c'est quelque chose d'extrêmement compliqué, qui est l'objet de fait d'un conflit des interprétations»
  • Les enseignants ne voient pas nécessairement d'un bon œil les déclarations et les initiatives du ministre de l'Education

PARIS: Assassiné pour avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves. Un an après le choc de la mort de Samuel Paty, des enseignants déplorent le manque de temps pour aborder les questions de laïcité et s'inquiètent d'un "mode d'emploi" imposé par le ministère.

Dans la foulée du drame, le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer annonçait en octobre 2020 un renforcement de l'enseignement moral et civique (EMC), qui a succédé en 2015 à l'éducation civique et aborde des notions aussi diverses que la laïcité et la liberté d'expression.

Mais le nombre d'heures consacrées à cet enseignement, le plus souvent dispensé par les professeurs d'histoire-géographie, n'a pas augmenté: une heure par semaine en élémentaire, un enseignement mutualisé avec l'histoire-géographie au collège et une heure toutes les deux semaines au lycée.

"On a beaucoup parlé. Pour certains, nous avons beaucoup pleuré, mais rien n'a changé", résume Bruno Modica, porte-parole des Clionautes, une association d'enseignants d'histoire-géo. 

"Comme à chaque fois qu'on a un événement dramatique, il y a une multiplication d'initiatives (...) Mais concrètement, dans mon collège, il nous manque un enseignant d'histoire-géo", relève de son côté Benjamin Marol, prof d'histoire à Montreuil (Seine-Saint-Denis).

"Le problème, c'est le peu de temps dont on dispose pour travailler avec les élèves" sur l'EMC, regrette Christine Guimonnet, la secrétaire générale de l'Association des professeurs d'histoire-géographie (APHG).

Laïcité et «valeurs de la République»: un arsenal de mesures à l'école

Depuis l'assassinat de Samuel Paty il y a un an, et même avant, le ministère de l'Education nationale s'est doté de différents dispositifs pour former ses enseignants sur la laïcité ou la promouvoir à l'école. Voici les principaux:

Un «Guide républicain»

A la rentrée 2021, le ministère a publié un "Guide républicain", un coffret envoyé à tous les établissements et contenant une nouvelle édition du "vademecum" sur la laïcité à l'école, ensemble de fiches pratiques pour répondre à des situations d'atteinte à la laïcité. 

Le coffret contient aussi un recueil de textes sur l'"idée républicaine" et un manuel indiquant comment enseigner les valeurs de la République discipline par discipline.

Une campagne sur la laïcité

Le ministère de l'Education nationale a lancé fin août une campagne pour promouvoir la laïcité à l'école, baptisée "C'est ça la laïcité", déployée en septembre sur Internet et les réseaux sociaux, dans les établissements scolaires et par affichage.

Sur une des huit affiches, qui représente un petit garçon blanc aux côtés d'une petite fille noire, tous deux dans l'eau accrochés à un rebord de piscine, on peut lire: "permettre à Sacha et Neissa d'être dans le même bain. C'est ça la laïcité".

Un plan de formation

Le ministre Jean-Michel Blanquer a annoncé en juin un plan de formation à la laïcité sur quatre ans pour tous les enseignants, suivant ainsi les préconisations d'un rapport de l'ex-inspecteur général de l'Education Jean-Pierre Obin.

Les premières formations doivent être lancées le 19 octobre pour les formateurs, avant celles pour les enseignants attendues en 2022.

Comité interministériel et conseil des sages

Un comité interministériel de la laïcité, placé sous la tutelle de Matignon, a été installé en juillet. 

Il remplace l'Observatoire de la laïcité, une instance consultative créée en 2013 et supprimée par décret début juin après avoir été accusée par certains politiques de laxisme vis-à-vis de l'islam radical, principalement après l'assassinat de Samuel Paty.

Equipes «Valeurs de la République»

Des équipes "Valeurs de la République" sont installées dans toutes les académies depuis 2017 pour aider les équipes éducatives à faire respecter les principes de la laïcité à l'école. 

Ces équipes forment les personnels et peuvent intervenir auprès des professeurs et directeurs. Elles répondent aussi aux signalements effectués par les chefs d'établissements. 

«Sujets sensibles»

De tous les thèmes évoqués, la laïcité reste un des plus épineux: "c'est quelque chose d'extrêmement compliqué, qui est l'objet de fait d'un conflit des interprétations", résume Pierre Kahn, professeur émérite en sciences de l'éducation à l'université de Caen, qui a coordonné le groupe d'experts chargé de rédiger les programmes d'EMC en 2015.

Mais les profs d'histoire disent largement ne pas renoncer à enseigner les "sujets sensibles". Selon un sondage récent du magazine L'Histoire, c'est le cas de 90% des 3.000 enseignants interrogés. 

Parmi les thèmes susceptibles de poser problème, ils citent d'abord la guerre d'Algérie et le génocide arménien, largement devant la laïcité qui n'arrive qu'en huitième position.

"En fonction du profil d'élèves qu'on a, il faut parfois peser les mots", reconnaît Vincent Magne, professeur d'histoire et de lettres en lycée professionnel à Troyes (Aube).

Cet enseignant expérimenté s'estime "assez armé pour répondre à certaines questions" mais il regrette "l'usage politique" de ce sujet et "les interventions médiatiques, ministérielles ou autres", qui "brouillent parfois le message".

Car les enseignants ne voient pas nécessairement d'un bon œil les déclarations et les initiatives du ministre de l'Education.

La campagne "C'est ça la laïcité" lancée à la rentrée a fait débat, tout comme le "Guide républicain", avec vademecum sur la laïcité mis à jour, diffusé dans les écoles en septembre ou le plan de formation à la laïcité sur quatre ans pour tous les enseignants annoncé en juin et mis en place prochainement.

Mort de Samuel Paty: ses collègues racontent leur «peur» et leur «traumatisme»

Des collègues de Samuel Paty, l'enseignant d'histoire-géographie assassiné il y a un an pour avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves, décrivent leur "traumatisme", leur "peur" et leur autocensure, dans des témoignages diffusés mardi par Libération et France Inter.

"Il n'y a pas un matin où on ne pense pas à lui", dit une enseignante. "Je passe le cœur serré" devant sa classe, abonde une autre dans les premiers entretiens, anonymes, accordés par les collègues du professeur poignardé le 16 octobre 2020 à proximité de son collège de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) par un jeune réfugié tchétchène radicalisé, tué peu de temps après par la police.

Certains de ses collègues disent aujourd'hui leur "peur" au quotidien, leur "appréhension de savoir" s'ils sont suivis, au point que l'un d'eux dit se "fermer à clé" parfois dans sa chambre.

Les collègues de Samuel Paty décrivent combien il leur a été "compliqué" de refaire classe après l'attentat. Outre "la peur de flancher" s'est ajoutée la difficulté de faire face à des élèves dont certains étaient impliqués. Cinq collégiens ont été mis en examen pour avoir, contre de l'argent, permis au tueur d'identifier le professeur de 47 ans.

"Qu’un élève soit mis en examen, ça m’a achevée. C’était un élève que j’aimais beaucoup", explique ainsi une enseignante.

Campagne «stigmatisante»

Pour Christine Guimonnet, ces formations "peuvent être utiles, parce qu'il y a des collègues pour lesquels la laïcité, ce n'est pas forcément très clair". Mais d'autres sont dubitatifs voire inquiets.

"Il n'y a pas eu de consultation de ceux qui sont en charge d'enseigner l'EMC", regrette Bruno Modica.  Pour Benjamin Marol, "il y a un côté méprisant, comme si on nous disait +on va vous réapprendre à faire votre boulot+".

Jugeant "stigmatisante" la campagne de communication, Vincent Magne se dit lui "moyennement convaincu" par "ces formations pour avoir une doxa sur la laïcité".

"On nous pond des petits guides et il faut suivre un mode d'emploi. Mais ce n'est pas ça être prof", réagit Amélie Hart-Hutasse, coresponsable histoire-géographie pour le syndicat Snes-FSU et professeure dans un collège en Côte-d'Or.

"Il n'y a pas de prêt-à-penser sur ces questions", poursuit l'enseignante. "Dans la société et le monde politique, il y a des conceptions qui peuvent être divergentes de la laïcité (et) il ne faut pas non plus vouloir éteindre toute controverse, comme si on ne devait apprendre que des vérités définitives à l'école".

"Il y a une volonté d'imposer une certaine vision de la laïcité. C'est visible dans la campagne du gouvernement. C'est une laïcité qui pointe du doigt certaines populations", juge Amélie Hart-Hutasse. Pour elle, il faut "arrêter de mettre des valeurs de la République ou de la laïcité partout".


Agriculteurs: la Coordination rurale bloque toujours le port de Bordeaux

 La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
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  • La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place
  • Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine

BORDEAUX: La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais.

La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place.

Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine et auquel les agriculteurs comme la classe politique française s'opposent.

Il s'agit de la première visite de la ministre sur le terrain depuis le retour des paysans dans la rue, une mobilisation surtout marquée en fin de semaine par les actions des bonnets jaunes de la Coordination rurale.

A Bordeaux, ils bloquent ainsi les accès au port et au dépôt pétrolier DPA: des pneus, des câbles et un tracteur entravent l'entrée du site.

Sous une pluie battante, les agriculteurs s'abritent autour d'un feu et de deux barnums tanguant avec le vent. Une file de camions bloqués dont des camions citernes s'allonge aux abords.

Les manifestants ont tenté dans la matinée de joindre Annie Genevard, sans succès.

"On bloque tant que Mme Genevard et M. Barnier [Michel Barnier, Premier ministre] ne mettent pas en place des solutions pour la profession. Des choses structurelles, (...), on ne veut pas un peu d'argent aujourd'hui pour rentrer dans nos fermes, on veut des réformes pour vivre, avoir un salaire décent", a déclaré à l'AFP Aurélie Armand, directrice de la CR du Lot-et-Garonne.

"Le temps est avec nous parce que quand il pleut on ne peut pas travailler dans les fermes, donc c'est très bien", a-t-elle lancé, alors qu'une pluie battante balaye la Gironde avec le passage de la tempête Caetano.

Plus au sud, dans les Landes, des agriculteurs de la CR40 occupent toujours une centrale d'achat Leclerc à Mont-de-Marsan mais les autorités leur ont donné jusqu'à vendredi inclus pour libérer les lieux, a-t-on appris auprès de la préfecture.

Tassement du mouvement, avant une reprise 

La préfète du département a par ailleurs condamné "les dégradations commises par des membres de la Coordination rurale" mercredi soir sur des sites de la Mutualité sociale agricole (MSA), visée par des dépôts sauvages, et de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), ciblée par un incendie "volontairement déclenché" dans son enceinte.

Sur Europe1/Cnews, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a redit que les agriculteurs avaient "parfaitement le droit de manifester", mais qu'il y avait "des lignes rouges" à ne pas dépasser: "pas d'enkystement", "pas de blocage".

A l'autre bout de la France, à Strasbourg, des membres de la CR se sont installés dans le centre avec une dizaine de tracteurs pour y distribuer 600 kilos de pommes aux passants.

"Nous, on propose un pacte avec le consommateur, c'est-à-dire lui fournir une alimentation de qualité en quantité suffisante et en contrepartie, le consommateur nous paye un prix correct", a souligné le président de la CR départementale, Paul Fritsch.

Les autorités constatent une "légère baisse" de la mobilisation à l'échelle du pays par rapport au début de la semaine, quand les syndicats majoritaires FNSEA et JA étaient aussi sur le terrain.

Ce nouvel épisode de manifestations agricoles intervient à quelques semaines d'élections professionnelles. La CR, qui préside aujourd'hui trois chambres d'agriculture, espère à cette occasion briser l'hégémonie de l'alliance FNSEA-JA et ravir "15 à 20 chambres" supplémentaires.

Le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a annoncé mercredi que les prochaines manifestations emmenées par ses membres auraient lieu la semaine prochaine, "mardi, mercredi et jeudi", "pour dénoncer les entraves à l'agriculture".

FNSEA et JA avaient prévenu qu'ils se mobiliseraient jusqu'à la mi-décembre contre l'accord le Mercosur, contre les normes selon eux excessives et pour un meilleur revenu.

Troisième syndicat représentatif, la Confédération paysanne organise aussi des actions ponctuelles, contre les traités de libre-échange ou les installations énergétiques sur les terres agricoles.


Les députés approuvent en commission l'abrogation de la réforme des retraites

L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
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  • La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.
  • La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation.

PARIS : La gauche a remporté mercredi une première victoire dans son offensive pour abroger la très décriée réforme des retraites : sa proposition de ramener l'âge de départ de 64 à 62 ans a été adoptée en commission des Affaires sociales, avant son arrivée dans l'hémicycle le 28 novembre.

Le texte, présenté par le groupe LFI dans le cadre de sa niche parlementaire, a été approuvé par 35 voix (celles de la gauche et du Rassemblement national), contre 16 (venues des rangs du centre et de la droite).

La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.

Le Rassemblement national, qui avait présenté une proposition similaire fin octobre, mais que la gauche n'avait pas soutenue, a voté pour le texte de La France insoumise. « C'est le même que le nôtre et nous, nous ne sommes pas sectaires », a argumenté le député Thomas Ménagé.

La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation : celle-ci est ramenée de 43 à 42 annuités, ce qui revient à abroger également la réforme portée en 2013 par la ministre socialiste Marisol Touraine pendant le quinquennat de François Hollande.

Un amendement, présenté par les centristes du groupe Liot pour préserver la réforme Touraine, a été rejeté. Les socialistes, qui auraient préféré conserver cette réforme de 2013, ont décidé d'approuver le texte global malgré tout.

La gauche affirme qu'elle est en mesure de porter sa proposition d'abrogation jusqu'au bout : après l'examen du texte dans l'hémicycle la semaine prochaine, elle a déjà prévu de l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat le 23 janvier, à l'occasion d'une niche communiste, puis en deuxième lecture à l'Assemblée nationale le 6 février, cette fois dans un créneau dédié aux écologistes.

Les représentants de la coalition gouvernementale ont mis en garde contre un texte « pas sérieux » ou « irresponsable ».

« Il faut être honnête vis-à-vis des Français : si cette réforme des retraites est abrogée, certes ils pourront partir à 60 ans, mais avec une retraite beaucoup plus basse », a ainsi argumenté la députée macroniste Stéphanie Rist.


Censure du gouvernement : Le Pen fait monter la pression avant sa rencontre avec Barnier

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
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  • "Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure"
  • Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget

PARIS: Marine Le Pen fait monter la pression sur Michel Barnier, avant leur rencontre lundi à Matignon : elle assure que son parti n'hésitera pas à censurer le gouvernement à la veille de Noël si "le pouvoir d'achat des Français est amputé" dans le projet de budget 2025.

"Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure", a affirmé mercredi la cheffe de file des députés du Rassemblement national sur RTL.

Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget de l'Etat.

Si le RN et la gauche votaient conjointement cette motion alors la coalition Barnier, fragile attelage entre LR et la macronie, serait renversée et le projet de budget rejeté.

Si elle n'a pas détaillé la liste précise de ses revendications, Marine Le Pen a en particulier jugé "inadmissible" la hausse envisagée par le gouvernement pour dégager trois milliards d'euros des taxes sur l'électricité, une mesure toutefois supprimée par l'Assemblée nationale en première lecture.

"Taper sur les retraités, c'est inadmissible", a-t-elle aussi affirmé, insatisfaite du compromis annoncé par le LR Laurent Wauquiez. Celui-ci prévoit d'augmenter les retraites de la moitié de l'inflation au 1er janvier, puis d'une deuxième moitié au 1er juillet pour les seules pensions sous le Smic.

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. Si elles étaient suivies, celles-ci pourraient empêcher Mme Le Pen de participer à une quatrième élection présidentielle.

Face à cette menace de censure, Michel Barnier va recevoir en début de semaine prochaine, un par un, l'ensemble des présidents de groupes parlementaires, à commencer par Marine Le Pen dès lundi matin.

Ce premier tête à tête, depuis son entrée à Matignon, suffira-t-il ?

"Et-ce que M. Barnier va respecter l’engagement qu’il a pris, que les groupes d’opposition puissent reconnaître dans son budget des éléments qui leur paraissent essentiels ?", s'est interrogée la cheffe de file des députés RN.

Les demandes de notre parti étaient "de ne pas alourdir la fiscalité sur les particuliers, de ne pas alourdir sur les entrepreneurs, de ne pas faire payer les retraités, de faire des économies structurelles sur les dépenses de fonctionnement de l'Etat", a-t-elle récapitulé. "Or nous n'avons pas été entendus, nous n'avons même pas été écoutés".

Poker menteur 

Alors qu'il a déjà lâché du lest sur les économies demandées aux collectivités locales, aux retraités et aux entreprises face aux critiques de sa propre majorité, le Premier ministre, confronté à la colère sociale des agriculteurs, des fonctionnaires ou des cheminots, a très peu de marge de manoeuvres.

"L'objectif est d'arriver à un équilibre entre les ambitions des groupes parlementaires et les impératifs de rigueur" budgétaire, répète Matignon, alors que le déficit public est attendu à 6,1% du PIB fin 2024 contre 4,4% prévu initialement.

L'exécutif agite, à destination du RN mais aussi des socialistes, la menace du chaos.

"Celui ou celle qui renversera le gouvernement privera le pays d'un budget et le précipitera dans le désordre et la chienlit", a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur CNews.

"Le pire pour le pouvoir d'achat des Français, ce serait une crise financière", a alerté de son côté sur LCI sa collègue Astrid Panosyan-Bouvet (Travail).

Une question demeure: le RN bluffe-t-il ?

"Si le gouvernement tombe, il faudra attendre juin pour qu'il y ait des élections législatives parce qu'il ne peut pas y avoir de dissolution pour le moment!", a semblé nuancer le porte-parole du RN Julien Audoul.

Dans tous les cas, ce jeu de poker menteur risque de durer jusque la veille de Noël, lorsque l'Assemblée nationale aura à se prononcer définitivement sur le projet de budget 2025 de l'Etat.

Le RN n'entend, en effet, pas déposer ou voter de motion de censure sur les deux autres textes (fin de gestion de 2024 et projet de budget de la Sécurité sociale) qui pourraient être adoptés par 49.3 avant.