BAYEUX: Un couple de réalisateur franco-syrien a présenté lundi soir en avant-première à Bayeux (Calvados, nord de la France), "Le traducteur", une fiction en forme de réquisitoire contre le régime syrien, avec en filigrane une réflexion sur l'engagement.
"Il y a eu 25 documentaires sur la révolution syrienne. C'est la première fiction sur les événements de mars 2011", a assuré Anas Khalaf, coréalisateur avec Rana Kazkaz de ce drame, présenté dans le cadre du prix Bayeux des correspondants de guerre. Ce premier film, tourné en Jordanie et déjà sur les écrans suisses, sort le 13 octobre dans les salles françaises, avant d'être distribué dans de nombreux pays, selon le couple qui vit au Qatar.
Sami a quitté la Syrie il y a onze ans après avoir commis une "erreur" de traduction aux Jeux olympiques de 2000. Ce "lapsus" peut-être volontaire le mettait en danger face au régime d'Assad. Il vit à Sydney avec son épouse, australienne, et leur fils. Mais face aux manifestations de mars 2011 en Syrie et à leur répression sanglante, il est rongé par la culpabilité d'avoir fui son pays.
Lorsqu'il apprend que son frère a été enlevé par le régime, il décide de partir à Damas pour tenter de le retrouver.
"Le traducteur" plonge ainsi le spectateur dans le quotidien de Syriens qui vivent dans la terreur d'être sur écoute, de la délation, de perdre les leurs dans un enlèvement. Ici on panique quand on trouve un appartement vide, même si l'autre est juste parti à la boulangerie. Et qui envoie des images de la répression à l'étranger peut être abattu au volant de sa voiture.
"Quand les manifs ont commencé en 2011, on n'a pas participé parce qu'on a eu peur, une peur énorme qu'on n'a jamais sentie dans notre vie. Ce film est pour nous un moyen de mieux comprendre notre culpabilité mais aussi de comprendre cette peur", a expliqué Rana Kazkaz. Le couple, qui a deux enfants, n'est pas retourné en Syrie depuis 2012.
Dans le film, Sami est accusé par sa belle-soeur d'être un "planqué". La jeune femme lui reproche d'avoir quitté le pays et, via son métier, de se cacher derrière les mots des autres.
"C'est un film avec une portée universelle qui pose la question de comment on trouve sa voie", souligne Mme Kazkaz au sujet de cette fiction qui épingle aussi l'attitude des cinq pays membres du conseil de sécurité de l'Onu lors de la crise syrienne.