ANKARA : La Banque centrale de Turquie a abaissé d'un point jeudi son principal taux directeur, de 19% à 18%, conformément au souhait du président turc Recep Tayyip Erdogan, suscitant un nouveau plongeon de la monnaie nationale.
Après cinq mois de statu quo, l'institution monétaire a pris à contre-pied les attentes des marchés avec cette baisse.
La livre turque a aussitôt perdu près de 1,5% de sa valeur par rapport au dollar et 1,6% face à l'euro dans la foulée de l'annonce.
La livre turque s'échangeait à 8,75 livres pour un dollar et à 10,26 livres pour un euro jeudi après-midi.
Le consensus d'économistes sondés par l'agence Bloomberg tablait sur un maintien du taux directeur.
"Absolument incroyable. La banque centrale prend un risque énorme pour la macro stabilité financière (...) Erdogan obtient ce qu'il veut. La livre turque est incroyablement vulnérable maintenant", a réagi sur Twitter Timothy Ash, analyste à BlueBay Asset Management.
"Ce n'est pas une erreur mais un crime délibéré", a critiqué à son tour sur Twitter l'économiste Refet Gürkaynak.
Le gouverneur de la banque centrale turque, Sahap Kavcioglu, avait envoyé début septembre des signes allant dans le sens d'une éventuelle baisse du taux.
Il avait ainsi estimé que les "facteurs décisifs sur l'inflation" étaient temporaires et que les prix devraient "suivre une tendance de baisse".
La hausse des taux est l'un des principaux instruments permettant de lutter contre l'inflation qui, à plus de 19% en Turquie, est l'une des plus élevées du monde.
Selon les chiffres officiels, les prix des produits alimentaires et des boissons non alcoolisées ont augmenté de 29% sur un an en juillet.
Cependant, le président turc Recep Tayyip Erdogan est hostile à des taux d'intérêt élevés qu'il voit comme un frein à la croissance. A rebours des théories économiques classiques, il soutient même que relever les taux alimente la hausse des prix.
Excédé par plusieurs hausses de la banque centrale, M. Erdogan a ainsi brutalement limogé trois gouverneurs en moins de quatre ans, dont Naci Agbal, un ancien ministre des Finances respecté des milieux économiques.
"La décision d'aujourd'hui aura détruit la crédibilité de M. Kavcioglu", a estimé l'analyste Jason Tuvey, du cabinet Capital Economics.
Pour Fawad Razaqzada, analyste chez ThinkMarkets, la livre turque pourrait même s'affaiblir davantage avec un nouveau record face à l'euro.