ANKARA: La livre turque a perdu près de 1,5% de sa valeur par rapport au dollar mercredi après des commentaires du gouverneur de la banque centrale turque considérés comme un signe d'une éventuelle baisse des taux d'intérêt.
"A court terme, nous pensons que les facteurs temporaires qui étaient décisifs sur l'inflation vont perdre leur effet et l'inflation suivra une tendance de baisse lors du dernier trimestre", a déclaré le directeur de la Banque centrale Sahap Kavcioglu lors d'une réunion avec des investisseurs, a rapporté l'agence étatique Anadolu.
Les commentaires de M. Kavcioglu sur ses estimations concernant l'inflation ont été interprétés comme un signe d'une annonce de baisse des taux d'intérêt, contrairement aux attentes du marché, lors de la réunion de la banque centrale sur la politique monétaire le 23 septembre prochain.
La livre turque a dégringolé de 1,5% face au dollar, s'échangeant à 8,47 livres pour un dollar mercredi après-midi.
« Les promesses ne veulent rien dire »
Les chiffres de l'inflation sur un an ont atteint 19,25% le mois dernier en Turquie, dépassant ainsi le taux d'intérêt de 19% fixé par la banque centrale.
La hausse des taux est l'un des principaux instruments permettant de lutter contre l'inflation.
Cependant, le président turc Recep Tayyip Erdogan est hostile à des taux d'intérêt élevés qu'il voit comme un frein à la croissance. A rebours des théories économiques classiques, il soutient même que relever les taux alimente la hausse des prix.
Excédé par plusieurs hausses du taux directeur de la banque centrale, M. Erdogan a brutalement limogé trois gouverneurs, dont Naci Agbal, un ex-ministre des Finances respecté des milieux économiques.
Depuis son arrivée à la tête de l'institution, M. Kavcioglu avait maintenu le taux directeur de la banque centrale à 19% et répeté que son principal objectif était de lutter contre l'inflation.
Mais le président turc a plusieurs fois exprimé son souhait de voir les taux d'intérêt baisser pour alléger leur "poids sur les coûts d'investissement".
Selon Timothy Ash, analyste à BlueBay Asset Management, les commentaires de M. Kavcioglu montrent que sa précédente promesse de maintenir positifs les taux d'intérêt réels "ne voulaient rien dire du point de vue des marchés."
"Il est clairement déterminé à ne pas augmenter les taux et les baisssera à la première occasion", a-t-il précisé dans une note envoyé à ses clients.
Les risques d'une croissance rapide
L'économie turque s'est montré résistante face aux chocs extérieurs et ce que de nombreux experts considèrent comme des "mauvaises pratiques" de gestion.
Malgré la pandémie, le produit intérieur brut a augmenté de 1,8% en 2020 et le pays devrait atteindre un taux de croissance de 8% cette année.
Mais des experts mettent en garde contre les risques d'une croissance rapide axée sur les prêts publics, pouvant provoquer des hausses de prix difficiles à gérer pour la population.
Selon les chiffres officiels, les prix des produits alimentaires et des boissons non alcoolisées ont augmenté de 29% sur un an en juillet.
"Il n'y a pas de place pour une baisse des taux dans ce tableau d'inflation. (...) Le taux de change pourrait s'envoler et l'inflation augmenter de manière incontrôlable", a estimé Gizem Ozok Altinsac, l'économiste en chef de l'organisation patronale turque Tusiad, au journal Sozcu.
Une croissance rapide renforce "les risques liés aux prix et à la stabilité financière" en Turquie, a de son côté souligné le cabinet de conseil Oxford Economics dans une note de recherche.