LYON: Vogue des plats à emporter, apparition des "cuisines fantômes", explosion du digital.... le grand rendez-vous mondial des professionnels de la restauration, le Sirha, ouvre ses portes jeudi à Lyon, en plein questionnement sur l'avenir d'une filière chamboulée par la crise sanitaire.
Cette crise "a été un accélérateur des grandes tendances apparues ces dernières années, comme l'éco-responsabilité ou la dématérialisation: quand tout va bien, on ne se pose pas de question, mais quand on est au pied du mur, il faut s'adapter", souligne Marie-Odile Fondeur, la directrice du salon de la restauration, de l'hôtellerie et de l'alimentation créé en 1983.
Signe des temps, une épreuve "take away" remplace cette année la traditionnelle épreuve "à l'assiette" pour la finale du prestigieux concours du Bocuse d'Or, une sorte de coupe du monde des chefs cuisiniers.
Les concurrents devront concevoir en 5H35 un menu complet à emporter - entrée plat et dessert- autour de la tomate cerise, dans une boite "100% green et réutilisable" en matériaux d’origine végétale.
"C'est un clin d'oeil à la période très particulière que l'on vient de traverser", souligne le chef triplement étoilé Régis Marcon qui préside ce concours.
La vente à emporter a en effet connu une croissance de 47% entre 2019 et 2021 et reste une "tendance d’avenir": 85% des professionnels envisagent de poursuivre, selon les analyses publiées par le Sirha. "En ville, c'est une vraie tendance", souligne Régis Marcon.
«Bataille du lunch»
Le secteur des "cuisines fantômes", entièrement dédiées à la livraison, pourrait de son côté croître de plus de 12% par an pour atteindre une valeur de 139,37 milliards de dollars en 2028, selon un rapport de Researchandmarkets.com.
Les changements d'habitudes liés à la distanciation sociale ou au télétravail, ont aussi généré une "bataille du lunch", qui, en France, a pour l'instant surtout profité aux boulangeries et aux commerces de bouche, selon une étude du cabinet Food Service Vision.
"Mes amis boulanger font 50% de chiffre en plus à midi", souligne le chef pâtissier lyonnais Philippe Bernachon. La e.boutique de la maison Bernachon a pour sa part "connu un boom de 30 à 40%" ces derniers mois.
Depuis la reprise, les restaurants haut de gamme ont vite retrouvé leur rythme de croisière: "nos clients n'avaient qu'une envie, pouvoir sortir, ils se sont fait vacciner tout de suite", explique le chef Christophe Marguin, le président de l'association des Toques blanches lyonnaises.
Pour lui, le premier défi du métier "c'est le manque de personnel", alors que, selon la Banque de France, plus de la moitié des entreprises du pays rencontrent de fortes difficultés de recrutement malgré le taux élevé de chômage.
«Quête de sens»
Autre effet de la pandémie, trois des 24 équipes en lice pour le Bocuse d'Or ont dû renoncer au voyage cette année, pour cause de restrictions sanitaires. L'équipe de France, emmenée par Davy Tissot, chef de cuisine formateur au restaurant Saisons de l’Institut Paul Bocuse, espère reprendre le trophée après une longue série de déceptions depuis 2013.
Un nouveau prix, le Bocuse d’Or "Social Commitment Award" va distinguer une initiative d'engagement social, pour faire à la fois écho "aux réflexions générées par la crise exceptionnelle et à la quête de sens des jeunes", selon Régis Marcon. Depuis le premier confinement, ses propres réflexions l'ont conduit à cuisiner pour la cantine de la petite école de son village, Saint-Bonnet-le-Froid (Haute-Loire), au nom du "lien social".
Dans ce contexte général de questionnement, la présence annoncée du président Emmanuel Macron, dimanche, au très couru "Diner des grands chefs" est perçue comme "un geste fort envers la profession", selon la presse locale.
Philippe Bernachon présentera à cette occasion le plus célèbre dessert de la pâtisserie familiale, "Le Président", une génoise créée en 1975 par son grand-père paternel Maurice Bernarchon pour son grand-père maternel Paul Bocuse.