BEYROUTH : Deux jours à peine après avoir pris la tête du ministère de l'Information libanais, le présentateur de télévision chevronné George Kordahi a imposé un bâillon informel aux médias du pays, leur demandant de ne pas accueillir d'analystes qui critiqueront le nouveau gouvernement.
« Certains génies et analystes sont apparus dans les médias ces deux derniers jours et ont analysé la formation du gouvernement et les quotas », a-t-il déclaré à l'aéroport Rafic Hariri de Beyrouth, de retour du Portugal où il a animé un épisode spécial de la version arabe de « Qui veut gagner des millions ? » pour le 30ème anniversaire du groupe MBC.
« Qu'ils nous ménagent et se calment un peu », a-t-il poursuivi en demandant aux médias « de ne pas les accueillir parce que le gouvernement est encore tout jeune. »
Les commentaires de Kordahi, notamment sa volonté de créer un comité chargé d'approuver le contenu des médias avant leur diffusion, ont suscité la controverse dans le pays et ont attiré les critiques de la part des défenseurs des médias. Ils sont en effet surprenants compte tenu de son travail antérieur en tant que journaliste audiovisuel.
« Nous considérons avec regret et inquiétude et condamnons les propos tenus par le ministre de l'Information, la figure médiatique George Kordahi, qui a amorcé son travail ministériel en demandant aux médias de ne pas accueillir les journalistes et les professionnels des médias qui ne sont pas d'accord avec lui », a déclaré le groupe de surveillance Journalistes pour la liberté dans un communiqué.
« Non, Monsieur le ministre des Médias, ni vous ni aucun autre responsable ne décidez qui les médias accueillent, et si vous avez commencé votre mission de cette manière, sachez que vous êtes ministre de l'Information dans un pays où les libertés sont plus fortes que les dictats frivoles, tout comme dans un pays qui se distingue des modèles qu'il représente fièrement. »
Kordahi a accédé à la célébrité après avoir animé la version panarabe de « Qui veut gagner des millions ? » pendant plusieurs années. Ses opinions politiques ont déjà fait sourciller dans le pays, et son admiration pour le président syrien Bachar Al-Assad et le président égyptien renversé Hosni Moubarak est également largement connue.
Il est même allé jusqu'à qualifier Assad de personnalité arabe de l'année 2018 dans une interview sur la chaîne Al-Manar, propriété du Hezbollah.
"Je vais vous le dire sans aucune hésitation, et ceux qui veulent écouter peuvent le faire. La personnalité arabe de l'année (2018) est le président Bachar Al-Assad pour sa résistance et son endurance à travers cette guerre contre la Syrie", a-t-il déclaré.
Le Liban a formé un gouvernement vendredi après plus d'un an de stagnation politique, alors que le pays souffre d'une crise économique et financière sans précédent.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.