BEYROUTH : Le Fonds monétaire international (FMI) a assuré mardi qu'il restait favorable à l’idée de fournir son expertise technique à la Tunisie. Le pays, empêtré dans une tourmente politique et financière, s’est vu allouer par le FMI des droits de tirages spéciaux (DTS) de 744,1 millions de dollars. L’allocation de droits de tirage spéciaux est «une injection dans le bras de l’économie mondiale» et pourrait être une occasion de surmonter cette crise sans précédent. Les DTS permettent de fournir des liquidités supplémentaires en limitant la dépendance des pays à l’égard d’une dette, qu'elle soit intérieure ou extérieure.
Le 23 août 2021, la Tunisie renouait en effet avec le FMI. Après avoir suspendu, le 18 décembre 2019, un programme de coopération avec la Tunisie – initié en 2015 et portant sur 2,9 milliards de dollars –, à cause de réformes non engagées par le gouvernement tunisien, le FMI revient à de meilleurs sentiments en débloquant 745 millions de dollars au profit de la Tunisie.
L'économie tunisienne était déjà en difficulté bien avant l'arrivée de la Covid-19, mais l'impact de la pandémie sur l'économie nationale et sur les petites entreprises locales leur a porté le coup de grâce.
EN BREF
Les DTS sont alloués à chaque pays au prorata de leur quote-part. Les pays peuvent les vendre ou les acheter pour accroître leurs réserves, amortir un prêt, etc.
Le FMI a décidé d’allouer à ses pays membres des droits de tirages spéciaux (DTS) d'une somme de 650 milliards de dollars afin d’augmenter les liquidités de ses pays membres dans le contexte de crise sanitaire.
«Nous avons eu des discussions techniques avec les autorités sur leur programme de réforme économique», a évoqué une porte-parole du FMI. «Nous poursuivons notre engagement sur les questions techniques. De même que n'importe quel autre pays membre du FMI, la Tunisie a reçu son allocation de droits de tirages spéciaux en proportion de sa quote-part.»
«Nous suivons de près l'évolution de la situation en Tunisie, qui continue de faire face à des pressions socio-économiques extraordinaires, notamment en raison de la pandémie de Covid-19», a poursuivi la porte-parole du Fonds, en s’abstenant toutefois de commenter la crise.
À la suite de la décision du président Kaïs Saïed, qui s'est octroyé les pleins pouvoirs en Tunisie, de suspendre les activités du Parlement, l'agence de notation Fitch avait souligné que les troubles politiques en Tunisie risquaient de retarder davantage un programme du FMI qui permettrait d’alléger les importantes pressions du pays.
Saïed considère les efforts de lutte contre la corruption, l'évasion fiscale et l'économie informelle comme des priorités, a-t-il ajouté. Alors que le FMI a appelé à des efforts pour remédier à ces trois problèmes, le président tunisien considère de son côté qu'il est plus urgent de s'attaquer aux salaires et aux subventions publiques.
Le chef d’État est désormais chargé de résoudre les problèmes économiques chroniques de la Tunisie, ce qui risque de compromettre la transformation politique envers laquelle il semble le plus intéressé.
Sauver des vies et stabiliser l'économie
La Tunisie doit rembourser 4,5 milliards d'euros sur l'année en cours. Avant cette crise politique, elle avait déjà besoin d'une rallonge de 5,7 milliards d'euros pour boucler son budget 2021.
Selon le FMI, sur le plan socio-économique, «la priorité immédiate est de sauver des vies, les moyens de subsistance, et de stabiliser l'économie. La politique économique devrait également se concentrer sur le rétablissement de la viabilité de la dette budgétaire et publique et sur la promotion d'une croissance inclusive et tirée par le secteur privé».
Une délégation tunisienne s'était rendue à Washington, au début du mois de mai, pour négocier un nouveau prêt de 4 milliards de dollars, le quatrième en dix ans. En échange: un vaste plan de réformes pour lutter principalement contre la corruption.
Car en pratique, une corruption et un népotisme généralisés, ainsi que des régimes douaniers et fiscaux prohibitifs font obstacle aux petites et moyennes entreprises. Mais d’autre part, de difficiles réformes, comme la réduction de la masse salariale publique, pourraient exacerber les tensions politiques et sociales.
Selon le rapport du gouvernement tunisien, l'une des réformes phares consiste à remplacer les subventions des prix des produits de première nécessité par des aides directes aux familles. Le but étant d'éliminer ces subventions d'ici à 2024.
Le chômage a grimpé à près de 18%, selon les statistiques officielles, et celui des jeunes a bondi au-dessus de 36% à la fin de 2020.
L'un des plus gros problèmes est que le tourisme, un secteur crucial pour l'économie tunisienne, a été particulièrement touché par la Covid-19. Le secteur manufacturier a également été durement touché.