Des questions auxquelles le Premier ministre israélien devra répondre à Washington

 Le Premier ministre israélien Naftali Bennett s'exprime lors de la réunion hebdomadaire du Cabinet au ministère des Affaires étrangères, à Jérusalem, le 8 août 2021. (REUTERS/File Photo)
Le Premier ministre israélien Naftali Bennett s'exprime lors de la réunion hebdomadaire du Cabinet au ministère des Affaires étrangères, à Jérusalem, le 8 août 2021. (REUTERS/File Photo)
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Publié le Dimanche 15 août 2021

Des questions auxquelles le Premier ministre israélien devra répondre à Washington

Des questions auxquelles le Premier ministre israélien devra répondre à Washington
  • Selon les médias israéliens, M. Bennett dépeindra le président iranien nouvellement élu, Ebrahim Raïssi, comme un dirigeant belliciste avec lequel on ne doit pas négocier
  • L'administration Biden signera sans doute un accord avec l'Iran, accord plus ou moins similaire à celui conclu par Obama et déchiré par Trump

Les préparatifs qui accompagnent la visite imminente du Premier ministre israélien Naftali Bennett aux États-Unis prennent des dimensions inouïes. Washington a accueilli de hauts émissaires israéliens et William Burns, directeur de la CIA, a consacré trois jours à une visite en Israël et en Palestine. Michael Herzog a été nommé ambassadeur d'Israël aux États-Unis pour une période d'au moins quatre ans, soit la durée du mandat de M. Bennett et du ministre des Affaires étrangères Yaïr Lapid, qui deviendra Premier ministre si la rotation des postes est honorée en 2023.

Par ailleurs, on prévoit que le dossier iranien prendra le dessus lors de la réunion qui se tiendra à Washington. Selon les médias israéliens, M. Bennett dépeindra le président iranien nouvellement élu, Ebrahim Raïssi, comme un dirigeant belliciste avec lequel on ne doit pas négocier. En réalité, c'est le guide suprême de l'Iran, Ali Khamenei, et non le président, qui mène la barque au sujet de l'accord sur le nucléaire.

Les efforts déployés pour donner une image plus défavorable de Raïssi ne font que camoufler la réalité : l'administration Biden signera sans doute un accord avec l'Iran, accord plus ou moins similaire à celui conclu par Obama et déchiré par Trump. Les États-Unis comme Israël seront incapables de freiner les activités de l'Iran que ce soit au niveau du développement des missiles ou de sa politique dans la région, en particulier son soutien au Hezbollah et au Hamas, entre autres.

Le conflit israélo-arabe figurera lui aussi parmi les sujets abordés. Dès le premier jour, l'administration Biden a fait savoir que ce sujet ne faisait pas partie des priorités de la Maison Blanche. Toutefois, le Moyen-Orient s'est vite avéré être incontournable, notamment lorsque les roquettes ont commencé à tomber non loin de Tel Aviv et de Jérusalem-Ouest.

L'équipe de Biden est bien placée pour comprendre que le soutien apporté par les États-Unis à Israël, y compris celui émanant de l'actuel Congrès américain ( dans lequel les Démocrates disposent d'une petite majorité ), est moins important qu'il ne l'a été ces dernières décennies, voire ces dernières années. Les progressistes américains sont déterminés à parvenir à une politique américaine plus équilibrée : Washington ne saura plus tolérer les abus d'Israël dans les Territoires occupés, qu'il s'agisse des violations des droits de l'homme (notamment à l'encontre des enfants), des démolitions de maisons ou encore de la poursuite des activités illégales de colonisation.

Si l'administration Biden ne prévoit aucune réponse globale, elle semble résolue à assurer la viabilité de la solution évasive des deux États.

Daoud Kuttab

Néanmoins, Washington ne semble pas envisager de manière sérieuse de remédier à la situation et préfère adopter des mesures progressives en espérant instaurer un climat de confiance entre Israéliens et Palestiniens. Hady Amr, secrétaire adjoint pour les affaires israéliennes et palestiniennes, a été invité à élaborer cette politique. Il s'est ainsi entretenu avec toutes les parties concernées, y compris les dirigeants, les activistes de la société civile et les jeunes de la région.

Ces entretiens envoient un message explicite au président palestinien Mahmoud Abbas et à ses assistants, Hussein Al-Cheik, responsable des relations israélo-palestiniennes, et Majid Faraj, chef des services de renseignement palestiniens, qui assure la coordination avec ses homologues américains. Par ailleurs, ces entretiens font apparaître que les États-Unis accordent de l'importance à l'opinion d'autres Palestiniens.

Si l'administration Biden ne prévoit aucune réponse globale, elle semble résolue à assurer la viabilité de la solution évasive des deux États. Par conséquent, Washington se doit d'insister sur la nature illégale de la colonisation. Reste à voir à quel point l'administration Biden sera disposée à œuvrer en faveur du règlement de ce problème majeur.

Il semble que les médias israéliens soient conscients de cette réalité, ce qui les incite à encourager la construction par les Israéliens et les Palestiniens dans la zone C de la Cisjordanie. Cette approche présente des risques de taille, dans la mesure où elle cherche à légitimer les activités de colonisation juive en les assimilant au droit de la population palestinienne autochtone de décider librement où et comment elle souhaite construire dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967.

Les activités de colonisation israéliennes sont considérées comme illégales par la résolution 2334 des Nations unies, à laquelle l'administration Obama/Biden ne s'est pas opposée. Toutefois, les Israéliens se servent de ces activités pour faire échouer les tentatives des Palestiniens de créer une infrastructure pour l'État palestinien indépendant, prévu dans le cadre de la solution à deux États.

Les terres récemment confisquées par Israël dans la vallée du Jourdain, zone réservée à la construction d'un aéroport pour la Palestine, et le refus de Tel Aviv de permettre aux Palestiniens de construire dans la zone de Tayseer, à proximité de la ville de Jénine en Cisjordanie, ne font qu'illustrer les récentes tentatives d'Israël pour entraver les projets palestiniens.

Il ne fait aucun doute que le président Biden et la vice-présidente Kamala Harris accueilleront chaleureusement le Premier ministre israélien à Washington. Les grandes questions qui se posent sont les suivantes : Les relations américano-israéliennes reposeront-elles sur l'honnêteté et le soutien indéfectible à la paix au Moyen-Orient ? Ou bien, les Israéliens poursuivront-ils la construction de colonies illégales et l'occupation violente ?

 

Daoud Kuttab est un journaliste palestinien plusieurs fois primé. Il a été professeur de journalisme Ferris à l'université de Princeton.

Twitter : @daoudkuttab

NDLR : Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com