Sous la pluie

©Dany Laferrière
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Publié le Dimanche 06 septembre 2020

Sous la pluie

  • Le numéro de septembre de L'Orient Littéraire, consacré à Beyrouth après l'explosion du port, invite de nombreux écrivains à s'exprimer sur la ville et la tragédie qu'elle vient de subir
  • Dany Laferrière est un écrivain et scénariste canado-haïtien, membre de l'Académie française et lauréat de nombreux prix. "Toute ma tendresse va vers Beyrouth" écrit-il notamment dans ce beau message

Un ami d’enfance

Dans cette petite ville où j’ai passé mon enfance je connaissais déjà le Liban. J’étais si jeune que je ne l’associais pas à un pays mais plutôt à un art de vivre. Ce garçon avec qui j’allais à l’école chaque matin me décrivait sa vie avec un luxe de détails. J’étais fasciné par sa capacité d’enchanter la vie. Il pouvait prendre une journée pour me raconter ce qu’il avait fait la veille.

Plus tard j’ai compris qu’il n’avait pas une vie plus rocambolesque que la mienne mais qu’en fait c’était un conteur-né. On se raconte constamment des histoires en Haïti, mais pas de cette manière. Il me parlait de sa grand-mère avec des étoiles dans les yeux. En allant poursuivre mes études à Port-au-Prince, j’ai perdu de vue ce compagnon des mille et un matins.

Dans les romans

J’ai retrouvé le Liban, mais cette fois j’étais au courant qu’il s’agissait d’un pays en fouillant dans la petite bibliothèque privée d’un voisin. C’était un homme solitaire qui quittait rarement sa maison. J’ai appris qu’il était assigné à résidence par Papa Doc, le dictateur. Il ne faisait que manger et lire des romans dont l’action se passait dans un restaurant et où la nourriture tenait le rôle principal. Il affectionnait Gabriela, girofle et cannelle du romancier brésilien Jorge Amado, et le lisait en portugais. Il me le racontait scène par scène, un peu comme mon jeune ami de Petit-Goâve. Je n’avais pas compris si ce Nacib était syrien ou libanais. C’était un syrien-libanais, conclut-il, et le Brésil en regorgeait. C’était un roman très parfumé, autant par la langue aux accents mêlés que par la cuisine aux épices divers. La cuisine permet les croisements, les mélanges constamment réactivités par d’irrépressibles désirs.

La générosité

Des décennies plus tard je suis devenu moi-même un écrivain, bien loin encore de la maestria de mon ami d’enfance et de cette culture qui accorde une place prépondérante à la nourriture, au récit sans fin, et d’une certaine façon à une vie à la fois matérialiste et poétique. On m’a invité au Brésil, à São Paulo, à la sortie en portugais d’un de mes livres. On m’a emmené à une réception au cœur du grand parc de São Paulo. La communauté libanaise recevait son grand écrivain, Amin Maalouf, qui venait d’être admis à l’Académie française. L’immense salle était bondée. Et Amin était entouré d’une foule d’admirateurs. Debout près de la porte d’entrée, je l’observais. Il avait ce sourire pudique de l’homme que la gloire n’avait pas changé. Soudain je fus entouré, on me fit franchir la foule pour me placer à la droite d’Amin Maalouf. Il m’avait repéré même si je n’avais jamais pris un café avec lui auparavant. Me voilà entre sa femme Andrée et lui. Autour de nous plus de 800 personnes qui ne comprenaient pas ce que je faisais à la place du maire de São Paulo. Cette générosité fait partie de la culture profonde du Liban. Est-ce pourquoi la douleur de Beyrouth nous touche tant ?

L’ambiance

Je suis enfin invité à Beyrouth. J’aurais aimé voir le Liban, mais souvent on confine les écrivains dans un bel hôtel du centre-ville de la capitale. On ne voit jamais le reste du pays. C’est ainsi que je passe ma vie de chambre d’hôtel en chambre d’hôtel. Mais cette fois, il y a Maya Barakat de l’ambassade du Canada qui procède autrement. Dès le premier soir elle m’emmène manger dans un quartier résidentiel. Je me souviens de cette soirée chaude et étoilée. Et de la quantité de petits plats étalés sur la table. J’étais comme un enfant le jour de son anniversaire. Je me souviens qu’à un moment donné je me suis perdu dans cette ambiance que je connaissais bien à Port-au-Prince, dans la communauté libanaise. Cette communauté dont Georgia Makhlouf en a fait un si juste portrait dernièrement dans Port-au-Prince aller-retour. Ici, à Beyrouth, la musique est intense et l’émotion dense. Un cocktail qui m’a enivré ce soir-là.

La pluie

J’ai eu droit à une pluie qui a duré une bonne partie de la journée. Je suis un fétichiste de la pluie. Pour bien sentir une ville, j’ai besoin de la voir sous la pluie. Poésie liquide. La ville se déconstruit sous mes yeux éblouis. On choisit de prendre la route vers Byblos. Mais j’étais fasciné tout le long du chemin par toutes ces gouttelettes qui déformaient le paysage.

L’impression d’être dans un rêve. Cette sensation court dans toutes les directions, vers la beauté comme vers l’horreur. J’ai ressenti la même chose le soir du tremblement de terre de Port-au-Prince. Une sorte d’irréalité. Comme si on était sorti du mouvement fluide des choses. De la vie courante. Les enfants vivent différemment des adultes ces sorties de route. Toute la structure explose. Et on se met à imaginer une autre vie. Bizarrement trop de tristesse rend euphorique. Cela nous dépasse. La pluie nous a gardés dans cet état jusqu’au soir.

Le dîner

Une dame très vive et élégante s’est présentée à mon stand au Salon du livre pour m’inviter à dîner. Elle semblait à la fois courtoise et déterminée. On reconnaît une ville sophistiquée quand les écrivains de passage se font ainsi aborder. Elle vit rue Sursock, dans un quartier boisé. On m’y dépose le soir. Je traverse une grande pièce avec de magnifiques œuvres pour me rendre dans une salle plus intime où elle se trouvait avec deux ou trois autres personnes. J’apprends que c’est Lady Cochrane. Elle s’occupe de tout, elle est vivante, cultivée, pas maniérée. On a mangé sur une petite table, ce qui nous a rapprochés. Puis on a été prendre le café sur la véranda. J’ai eu l’impression d’être dans un autre siècle, avec cette femme habituée à dire le fond de sa pensée dans toutes les situations. Elle m’a fait cadeau du livre que Dominique Fernandez avait fait avec son complice le photographe Ferrante Ferranti sur le palais Sursock. J’ai passé la nuit à admirer les trésors du Sursock et à me pincer pour savoir si j’avais rêvé.

Si je parle ainsi de Beyrouth c’est que je me souviens qu’après le tremblement de terre de Port-au-Prince tout ce que j’attendais des gens c’était un peu de tendresse. Aujourd’hui toute ma tendresse va vers Beyrouth.

 


Le président libanais veut reprendre les rênes de la souveraineté nationale

Le président libanais Joseph Aoun en entretien exclusif avec Ghassan Charbel, rédacteur en chef d'Asharq Al-Awsat. (Photo : Asharq Al-Awsat)
Le président libanais Joseph Aoun en entretien exclusif avec Ghassan Charbel, rédacteur en chef d'Asharq Al-Awsat. (Photo : Asharq Al-Awsat)
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  • Le président libanais Joseph Aoun affirme vouloir bâtir un État qui détient seul le pouvoir de décision concernant la guerre et la paix
  • Le chef de l'État a réaffirmé avec fermeté son engagement envers la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations Unies

BEYROUTH: Le président libanais Joseph Aoun affirme vouloir bâtir un État qui détient seul le pouvoir de décision concernant la guerre et la paix, tout en soulignant son engagement à mettre en œuvre la résolution 1701 du Conseil de sécurité.

"Notre objectif est de construire un État souverain où les décisions de guerre et de paix lui appartiennent exclusivement." Cette déclaration forte du président libanais Joseph Aoun, dans sa première interview accordée à Asharq Al-Awsat depuis son élection en janvier, marque clairement ses ambitions pour un Liban en quête de stabilité.

Face au rédacteur en chef Ghassan Charbel, le chef de l'État libanais n'a pas mâché ses mots concernant la souveraineté nationale. "Le concept même de souveraineté implique que l'État détienne le monopole des armes et des décisions stratégiques", a-t-il martelé

"Quand cela sera-t-il réalisé? Les circonstances le permettront certainement," a-t-il confié au journal.

À la question épineuse de savoir si l'État libanais pourra imposer son autorité sur l'ensemble du territoire sans partenariat militaire extérieur, Aoun a été catégorique: "Il n'est désormais plus acceptable que quiconque, hormis l'État, assume la protection du territoire et du peuple."

"Lorsqu'une agression est perpétrée contre le Liban, c'est à l'État seul de décider de la riposte et de déterminer comment mobiliser ses forces pour défendre le pays", a précisé le président.

Le chef de l'État a réaffirmé avec fermeté son engagement envers la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations Unies. "L'État et toutes ses institutions sont pleinement engagés à appliquer cette résolution sur l'intégralité du territoire libanais", a assuré Aoun.

Questionné sur la nécessité d'une stratégie de défense nationale, le président a souligné qu'un État responsable doit se doter d'une vision sécuritaire globale, "même en l'absence d'ennemis à ses frontières", englobant non seulement les aspects militaires mais aussi économiques.

"Nous sommes las de la guerre", a-t-il confié. "Notre espoir est de clore définitivement l'ère des conflits armés et de privilégier les solutions diplomatiques."

Concernant le maintien controversé de l'armée israélienne sur cinq points stratégiques dans le sud du Liban, Aoun n'a pas caché sa déception. "Israël aurait dû honorer l'accord de cessez-le-feu parrainé par les États-Unis et la France, impliquant un retrait complet des zones occupées pendant le conflit avec le Hezbollah", a-t-il déclaré.

"Nous maintenons un dialogue constant avec Paris et Washington pour exercer une pression sur Israël afin qu'il se retire de ces cinq points, qui n'ont d'ailleurs aucune valeur militaire stratégique", a précisé le président. Et d'ajouter: "À l'ère des drones et des satellites, une simple colline n'offre plus d'avantage tactique significatif."

Le président libanais a justifié son choix de l'Arabie Saoudite comme destination de sa première visite officielle à l'étranger: "Le Royaume est devenu un acteur incontournable pour la région et pour le monde entier, une véritable plateforme pour la paix mondiale."

Aoun ne cache pas ses attentes vis-à-vis de Riyad: "J'espère que nous pourrons, avec le prince héritier Mohammed ben Salmane, redresser nos relations bilatérales dans l'intérêt mutuel et lever tous les obstacles à une coopération naturelle entre nos deux pays."

Le président a également révélé son intention de solliciter la réactivation d'une aide militaire saoudienne au Liban.

Sur le dossier syrien, Aoun a évoqué sa volonté d'établir des relations constructives avec "la nouvelle administration syrienne", soulignant l'urgence de résoudre la question de la frontière poreuse entre les deux pays.

"La contrebande transfrontalière pose problème, et nous devons prioritairement procéder à une délimitation précise des frontières terrestres et maritimes avec la Syrie", a-t-il indiqué.

Le président libanais a conclu en appelant à une solution pour les quelque deux millions de réfugiés syriens présents sur le sol libanais: "L'État syrien ne peut se permettre d'abandonner autant de ses citoyens." Selon lui, leur retour est désormais justifié puisque "la guerre syrienne est terminée et le régime qui les persécutait s'est effondré.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

NDLR: Mosaïque est une revue de presse qui offre au lecteur un aperçu sélectif et rapide des sujets phares abordés par des quotidiens et médias de renommée dans le monde arabe. Arab news en français se contente d’une publication très sommaire, renvoyant le lecteur directement vers le lien de l’article original. L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.


Décolonisation du Sahara Occidental : Bendjama recadre la délégation marocaine à l’ONU

(El Watan)
(El Watan)
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  • L’ambassadeur Bendjama a rappelé qu’«il y a plusieurs organisations internationales qui se trouvent actuellement à Tindouf et qui témoignent régulièrement sur la situation dans les camps de réfugiés»
  • Pour conclure, il a réitéré que «l’Algérie n’est pas partie au conflit, et elle n’y a aucune ambition territoriale».

Le représentant permanent de l’Algérie auprès des Nations unies à New York, Amar Bendjama, a recadré, par deux fois, l’ambassadeur du Maroc à l’ONU, Omar Hilal, à propos du processus de décolonisation du Sahara occidental en rappelant les vérités historiques et les fondamentaux du conflit sahraoui. 

Réagissant au narratif fallacieux et éculé de la délégation marocaine, Amar Bendjama a exercé deux droits de réponses consécutifs lors des travaux de la session du Comité de décolonisation de l’ONU (C-24), tenus mardi à New York, et consacrés à la question du Sahara occidental.

L’ambassadeur marocain a été visiblement déstabilisé par l’intervention de la délégation algérienne et les autres délégations, mais aussi et surtout par la participation active de plusieurs pétitionnaires militants pour la cause sahraouie, dont des ressortissants marocains. Dans ses réponses, adressées aussi à certains pays épousant les thèses marocaines, l’ambassadeur Bendjama a tenu à préciser qu’il tenait à faire part de sa réaction à «ceux qui ont cité mon pays dans leurs interventions/citations, qui, me semble-t-il, dérivent d’un même talking points». 

Sur la question des tables rondes, il a affirmé que «c’est moins la table que le menu qui pose problème». «Le Maroc ne veut en effet y discuter que de sa soi-disant proposition d’autonomie. Demandez-lui, s’il veut comme le souhaitent les représentants légitimes du peuple sahraoui discuter de l’autodétermination, du référendum, des droits de l’homme, de l’exploitation illégale des ressources…», s’est-il interrogé.

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2 millions de pèlerins commencent le Hajj vendredi avec des services complets à leur disposition

Les pèlerins passeront la journée à Mina avant de se diriger vers Arafat samedi. (SPA)
Les pèlerins passeront la journée à Mina avant de se diriger vers Arafat samedi. (SPA)
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  • Plus de 2 millions de pèlerins commenceront vendredi le pèlerinage annuel du Hajj, à partir de Mina, et au milieu d'un ensemble complet de services mis à leur disposition visant à garantir un voyage sûr et fluide
  • Les pèlerins passeront la journée à Mina où ils accompliront les prières du Duhr, de l'Asr, du Maghreb et de l'Isha avant de se diriger vers Arafat samedi, jour le plus important du Hajj

Plus de 2 millions de pèlerins commenceront vendredi le pèlerinage annuel du Hajj, à partir de Mina, et au milieu d'un ensemble complet de services mis à leur disposition visant à garantir un voyage sûr et fluide.

Les pèlerins passeront la journée à Mina où ils accompliront les prières du Duhr, de l'Asr, du Maghreb et de l'Isha avant de se diriger vers Arafat samedi, jour le plus important du Hajj.

Mina est considérée comme la plus grande ville de tentes du monde et l’un des mégaprojets de l’Arabie Saoudite. Il s'étend sur 2,5 millions de mètres carrés pour accueillir 2,6 millions de pèlerins.

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