TUNIS : La puissante Union générale tunisienne du travail (UGTT) a exhorté le président mardi à former rapidement un nouveau gouvernement restreint, dirigé par un Premier ministre expérimenté. L’appel survient après que le chef d’État ait pris le contrôle de l'exécutif, une mesure que ses opposants qualifient de putsch.
Le président Kaïs Saïed a défendu ses actions, qu’il juge constitutionnelles. Mais bien qu’il ait promis de nommer un nouveau chef de Cabinet pendant la période d'urgence, neuf jours plus tard, le poste reste vacant.
«Nous ne pouvons pas attendre trente jours pour l'annonce d'un gouvernement», s’insurge Sami Tahri, porte-parole du syndicat de l’UGTT, l'une des forces politiques les plus puissantes de la Tunisie.
Le chef de l'UGTT, Noureddine Taboubi, a révélé plus tard mardi à la télévision d'État que le cabinet devrait être restreint et dirigé par une personne d'expérimentée, afin d’envoyer un message positif, non seulement aux Tunisiens, mais aussi aux bailleurs de fonds.
«Nous devons accélérer la formation du gouvernement pour pouvoir faire face aux défis économiques et sanitaires», rappelle-t-il.
L'intervention soudaine de Saïed le 25 juillet semble bénéficier d'un large appui du public. Elle suscite toutefois des craintes pour l'avenir du système démocratique adopté par la Tunisie après sa révolution de 2011, et qui a déclenché le Printemps arabe.
Mardi, Saïed a congédié l'ambassadeur de Tunisie à Washington, un limogeage de plus dans une vague de licenciements qui a fait choir de hauts et moyens fonctionnaires au cours de la semaine dernière, dont plusieurs ministres.
Il n'a pas immédiatement nommé un successeur au diplomate.
Le président doit également annoncer une feuille de route pour mettre fin à la période d'urgence, dite initialement de trente jours. Il avait plus tard révélé que la période pourrait être doublée.
Une source proche du palais présidentiel de Carthage a confié plus tôt dans la journée que Saïed pourrait annoncer le nouveau Premier ministre mardi.
Ces sources ont soufflé à Reuters que le gouverneur de la Banque centrale, Marouane Abassi, et deux anciens ministres des Finances, Hakim Hammouda et Nizar Yaich, sont tous candidats pour le poste.
La formation politique organisée la plus puissante de l’opposition, le parti islamiste modéré Ennahda, est lui-même en proie à des guerres intestines qui remettent en question sa réaction à la crise, sa stratégie et son leadership à long terme.
Au cours de la dernière décennie, les Tunisiens sont devenus de plus en plus frustrés par la stagnation économique, la corruption et les querelles au sein d'une classe politique qui semblait souvent plus concentrée sur ses propres intérêts étroits que sur les problèmes nationaux.
La pandémie de coronavirus a ravagé la Tunisie au cours des deux derniers mois alors que l'effort de vaccination de l'État avançait au ralenti, créant les pires taux d'infection et de mortalité en Afrique.
L'année dernière, les mesures sanitaires pour endiguer la propagation du virus ont vraiment secoué l'économie.
Lundi, Saïed a remplacé les ministres des Finances, de l'Agriculture et des Télécoms. Il a déclaré la semaine dernière que les «mauvais choix économiques» ont entraîné des pertes énormes pour le pays.
Dimanche, il a révélé avoir contacté des «pays amis» pour obtenir une aide financière.
(Reportage de Tarek Amara, écrit par Angus McDowall ; édité par William Maclean et Mark Heinrich)
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com