Modernisation de la profession de moutawif, tandis que la saison du Hajj touche à sa fin

Le moutawif est désigné par le ministère du Hajj et de l’Omra pour servir de guide aux pèlerins. (Fourni)
Le moutawif est désigné par le ministère du Hajj et de l’Omra pour servir de guide aux pèlerins. (Fourni)
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Publié le Vendredi 23 juillet 2021

Modernisation de la profession de moutawif, tandis que la saison du Hajj touche à sa fin

  • «Les pèlerins séjournaient à La Mecque jusqu’à quatre mois parfois. De nos jours, ils y restent moins d’une semaine», raconte Joumbi
  • Le fait de développer les ressources humaines qui travaillent dans les services et l’administration est bénéfique», affirme Ahmed Saleh Halabi

LA MECQUE: Chadia Joumbi travaille comme moutawifa depuis qu’elle a 8 ans. Elle aide les pèlerins et les guide à travers les rites du Hajj.

«Nous avions l’habitude de nous rendre en Indonésie, en Malaisie, en Thaïlande, aux Philippines et en Chine pour rassembler les pèlerins et les emmener à Djeddah. Nous les recevions et nous les guidions durant le voyage du Hajj à travers les Lieux saints et les différents rites. Ils séjournaient à La Mecque jusqu’à quatre mois parfois. De nos jours, ils y restent moins d’une semaine», explique-t-elle.

Le moutawif est un élément clé du Hajj. Ce métier consiste à gérer l’expérience du pèlerin de son arrivée dans le Royaume jusqu’à son retour dans son pays après l’accomplissement des rites saints. Le moutawif est désigné par le ministère du Hajj et de l’Omra pour servir de guide aux pèlerins. Grâce au développement et à la modernisation, le Hajj et l’Omra sont adaptés aux régimes commerciaux et aux normes internationales.

  • Les pèlerins, se souvient Chadia Joumbi, étaient captivés par les communautés de La Mecque. Ils se familiarisaient avec leurs coutumes et leurs traditions, se délectaient des plats du Hijaz et apportaient leur propre culture, qui fusionnait avec la culture saoudienne.

 

  • Joumbi se rappelle les cinq étages dédiés aux pèlerins dans les maisons de La Mecque. Les propriétaires vivaient tout en haut. Pour les pèlerins, échanger avec les membres du foyer était inhérent à l’expérience du Hajj. De nos jours, les pèlerins mangent, boivent et séjournent dans des hôtels et des camps. Ils n’entrent plus en interaction avec les communautés de La Mecque.

Joumbi, aujourd’hui âgée de 70 ans, est une pionnière: elle compte parmi les premières personnes qui ont exercé le métier de moutawif à La Mecque. Elle évoque les périples des guides vers les pays d’origine des personnes qui désiraient visiter le Royaume et affirme que le Hajj d’hier était très différent de celui d’aujourd’hui. C’était un voyage ardu, aussi bien pour le pèlerin que pour le moutawif.

Les pèlerins, raconte-t-elle, étaient captivés par les communautés de La Mecque. Ils se familiarisaient avec leurs coutumes et leurs traditions, se délectaient des plats du Hijaz et apportaient leur propre culture, qui fusionnait avec la culture saoudienne. En observant les mœurs des habitants de La Mecque, ils découvraient les us et coutumes du pays hôte et véhiculaient un message positif à l’ensemble de leurs communautés.

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Le métier de moutawif est un élément clé du Hajj. Il gère l’expérience du pèlerin de son arrivée dans le Royaume jusqu’à son retour dans son pays, après l’accomplissement des rites saints.

«Autrefois, nous les accueillions dans nos maisons, leur préparions à manger, lavions leurs vêtements, célébrions leur arrivée et nous les invitions à se joindre à nos fêtes. Ils souhaitaient visiter les sites historiques et archéologiques, mais aussi apprendre l’arabe et découvrir les lieux phares de La Mecque», se souvient Joumbi.

Elle se rappelle les cinq étages dédiés aux pèlerins dans les maisons de La Mecque. Les propriétaires vivaient tout en haut. Pour les pèlerins, échanger avec les membres du foyer était inhérent à l’expérience du Hajj.

De nos jours, les pèlerins mangent, boivent et séjournent dans des hôtels et des camps. Ils n’entrent plus en interaction avec les communautés de La Mecque.

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De nos jours, les pèlerins mangent, boivent et séjournent dans des hôtels et des camps. Photo fournie.

Selon Joumbi, le moutawif se rapprochait des pèlerins et tissait avec eux des liens solides.

«Aujourd’hui, le moutawif n’est plus qu’un simple numéro sur la liste des bureaux de tawaf (l’un des rituels islamiques du pèlerinage à La Mecque, qui consiste à faire sept fois le tour de la Kaaba, NDLR) répartis un peu partout. Il ne supervise plus les voyages touristiques ni les visites au marché. Quand les pèlerins tombaient malades, nous les conduisions à l’hôpital et nous leur prodiguions les soins nécessaires. Nous les accompagnions de leur arrivée jusqu’à leur départ», confie Joumbi.

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Joumbi, aujourd’hui âgée de 70 ans, est une pionnière: elle compte parmi les premières personnes qui ont exercé le métier de moutawif à La Mecque. Elle travaille dans ce domaine depuis qu’elle a 8 ans. Elle aide les pèlerins et les guide à travers les rites du Hajj.

Elle se remémore les adieux, les larmes, les bras qui s’ouvrent. «Lorsque nous leur rendions visite dans leurs pays, ils refusaient que nous séjournions dans des hôtels et nous accueillaient chez eux. Le moutawif était respecté et, à la différence d’aujourd’hui, son rôle essentiel consistait à traiter les pèlerins comme une famille qu’il respecte», souligne Joumbi.

Ahmed Saleh Halabi, un écrivain spécialisé dans les services du Hajj et de l’Omra, déclare pour sa part que la transformation des institutions de tawaf en entreprises présente de nombreux avantages.

«Il est exact que le fait de développer les ressources humaines qui travaillent dans les services et l’administration est bénéfique: cela permet aux employés de travailler tout au long de l’année en diversifiant les programmes, et pas seulement pendant la saison du Hajj. Le rôle des entreprises de tawaf ne se limitera pas à préparer les camps des pèlerins dans les Lieux saints, mais il leur assurera également leur logement et leurs repas [à La Mecque et dans les Lieux saints]», affirme-t-il.

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«Les mentalités doivent changer et tout le monde devrait accepter ce nouveau mode d’action», estime Ahmed Saleh Halabi, un écrivain spécialisé dans les services du Hajj et de l’Omra.

«En outre, les entreprises auront le loisir d’organiser le programme des visites à La Mecque, ainsi que des parcours touristiques à Taïf et Djeddah. Ainsi, les personnes qui travaillent dans le domaine de la prestation de services aux pèlerins pourront en retirer des avantages économiques, sans parler des bénéfices dont jouiront les pèlerins grâce aux services proposés», ajoute Ahmed Saleh Halabi.

Ce dernier affirme que les institutions auraient plusieurs sources de revenus si elles œuvraient à diversifier leurs services. Elles modifieraient ainsi leurs méthodes traditionnelles relatives à l’accueil des pèlerins, à la supervision des logements, à l’installation de camps dans les Lieux saints et à la mise à disposition de bus.

«Il est difficile d’exiger des contributeurs d’injecter des fonds dans les nouvelles entreprises pour augmenter le capital. Cependant, il est possible pour les entreprises d’obtenir des banques des prêts à conditions préférentielles qui leur permettent de persévérer», déclare-t-il.

Halabi est également convaincu que «les mentalités doivent changer» et que «tout le monde devrait accepter» ce nouveau mode d’action.

«Les entreprises ont besoin de nouvelles idées qui leur permettent de diversifier leurs services et de participer à d’autres activités qui ne faisaient pas partie de leur cadre d’action, comme le fait d’investir dans les transports et dans les repas», poursuit-il.

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Cette photo présente l’ancienne carte de visite d’un moutawif.

Selon lui, ce changement ne nuirait ni à au tawaf ni aux moutawifs. Bien au contraire, il leur serait bénéfique dans la mesure où il leur permettrait de travailler toute l’année dans n’importe quel domaine au lieu de le faire seulement de manière saisonnière.

Abdelaziz Abdelrazzak, un moutawif qui travaille auprès de l’Établissement national de tawaf pour les pèlerins d’Asie du Sud, considère que ce changement présente des avantages: il apporte un acte constitutif, un statut, des certificats d’actions et un manuel de régie qui permet de protéger l’entreprise, de garantir les droits des contributeurs et de développer la structure organisationnelle des membres et des comités en choisissant les personnes dont les compétences correspondent aux normes adoptées.

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Parmi les autres avantages figurent les réunions pendant lesquelles les rapports et les objectifs stratégiques sont discutés, les possibilités d’investissements qu’occasionnent les partenariats externes – dans des domaines comme la communication, le logement et le transport – et la prestation de services de qualité à destination des pèlerins. De même, les contributeurs pourront à l’avenir acquérir ou négocier des actions et voir leur valeur augmenter; cela permettra aux contributeurs de se joindre aux entreprises de prestation de services. Enfin, ce changement offre la possibilité d’intégrer plus tard le système de l’Omra.

 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Le ministre irakien des Affaires étrangères en visite officielle aux États-Unis

 Le ministre irakien des affaires étrangères, Fuad Hussein. (File/AFP)
Le ministre irakien des affaires étrangères, Fuad Hussein. (File/AFP)
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  • La visite s'inscrit dans le cadre de l'engagement diplomatique continu entre les deux pays dans un contexte d'évolution de la dynamique régionale
  • "Nous discuterons des moyens de renforcer la sécurité commune et la coopération dans divers domaines", a déclaré le ministre des affaires étrangères.

DUBAI : Le ministre irakien des Affaires étrangères, Fuad Hussein, s'est envolé jeudi pour les Etats-Unis afin de participer à une série de réunions bilatérales visant à renforcer les liens entre Bagdad et Washington.

Dans une déclaration partagée sur la plateforme X et rapportée par l'Agence de presse irakienne, M. Hussein a déclaré que la visite se concentrera sur le renforcement des relations irako-américaines et la coordination des efforts sur les questions régionales et internationales clés.

"Nous discuterons des moyens de renforcer la sécurité commune et la coopération dans divers domaines", a déclaré le ministre des affaires étrangères.

Cette visite s'inscrit dans le cadre d'un engagement diplomatique continu entre les deux pays, dans un contexte d'évolution de la dynamique régionale.


Gaza: 22 morts dans des bombardements israéliens, selon secouristes et hôpitaux

L'hôpital indonésien à Jabalia dit avoir reçu les corps de neuf victimes après un bombardement israélien sur un commissariat de police de cette ville du nord du territoire palestinien. (AFP)
L'hôpital indonésien à Jabalia dit avoir reçu les corps de neuf victimes après un bombardement israélien sur un commissariat de police de cette ville du nord du territoire palestinien. (AFP)
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  • L'armée israélienne a confirmé dans un communiqué avoir effectué une frappe dans la région de Jabalia, précisant qu'elle ciblait "des terroristes opérant dans un centre de commandement et de contrôle du Hamas et du Jihad islamique"
  • Une autre frappe aérienne sur une maison dans le nord de la ville de Gaza, dans le nord du territoire palestinien, a tué une famille de six personnes, un couple et ses quatre enfants, a indiqué la Défense civile à Gaza

GAZA: Au moins 22 personnes, dont six membres d'une même famille, ont été tuées dans de nouveaux bombardements israéliens sur la bande de Gaza jeudi matin, ont annoncé la Défense civile palestinienne et des sources hospitalières.

L'hôpital indonésien à Jabalia dit avoir reçu les corps de neuf victimes après un bombardement israélien sur un commissariat de police de cette ville du nord du territoire palestinien.

L'armée israélienne a confirmé dans un communiqué avoir effectué une frappe dans la région de Jabalia, précisant qu'elle ciblait "des terroristes opérant dans un centre de commandement et de contrôle du Hamas et du Jihad islamique".

Une autre frappe aérienne sur une maison dans le nord de la ville de Gaza, dans le nord du territoire palestinien, a tué une famille de six personnes, un couple et ses quatre enfants, a indiqué la Défense civile à Gaza.

Cette organisation de secouristes a aussi fait état de deux morts dans une frappe sur une tente de personnes déplacées à Khan Younès, dans le sud.

Toujours à Khan Younès, l'hôpital Nasser annonce avoir reçu les dépouilles de deux victimes après une frappe sur une maison familiale. L'hôpital des martyrs d'al-Aqsa dit, lui, avoir reçu trois corps après une frappe sur une tente de personnes déplacées dans le camp de Nuseirat (centre).

Rompant une trêve de près de deux mois dans la guerre déclenchée il y a plus d'un an et demi, Israël a repris le 18 mars son offensive aérienne puis terrestre dans la bande de Gaza, où au moins 1.928 Palestiniens ont été tués depuis selon le ministère de la Santé du Hamas.

Ce bilan porte à 51.305 le nombre de morts dans la bande de Gaza, selon la même source, depuis le début de l'offensive israélienne lancée en représailles à l'attaque du Hamas en Israël le 7 octobre 2023.

L'attaque sans précédent du Hamas a entraîné la mort de 1.218 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.

Sur les 251 personnes enlevées le 7-Octobre, 58 sont toujours otages à Gaza dont 34 sont mortes, selon l'armée israélienne.

 


1982 – Le massacre de Sabra et Chatila

Les corps des victimes du massacre de Sabra et Shatila sont transportés par le personnel de la Croix-Rouge pour être enterrés à Beyrouth. (Getty Images)
Les corps des victimes du massacre de Sabra et Shatila sont transportés par le personnel de la Croix-Rouge pour être enterrés à Beyrouth. (Getty Images)
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  • Le massacre, qui s'est déroulé au plus fort de la guerre civile libanaise, et les raisons qui l'ont motivé mettent en lumière les dimensions régionales complexes qui ont entouré le conflit
  • Arab News a publié des images saisissantes du massacre, qualifié de crime commis «avec la connivence des envahisseurs israéliens»

LONDRES: Le massacre de Sabra et Chatila, survenu en 1982, reste l’un des épisodes les plus tragiques et emblématiques de l’histoire politique mouvementée du Liban.

Des membres d’une milice chrétienne libanaise de droite ont pénétré dans le quartier de Sabra, au sud de Beyrouth, ainsi que dans le camp de réfugiés palestiniens de Chatila, tout proche. Ils y ont massacré des centaines de personnes. Certaines estimations font état de plus de 3 000 victimes, majoritairement des civils palestiniens et des Libanais musulmans.

Au moment où les atrocités ont eu lieu, le quartier, où résidaient de nombreux dirigeants palestiniens, ainsi que le camp, étaient sous le contrôle des forces d'occupation israéliennes à la suite de leur invasion du Liban-Sud trois mois plus tôt.

Selon certaines sources, les meurtres de masse ont été commis au vu et au su des forces israéliennes, de 18 heures environ le 16 septembre à 8 heures du matin le 18 septembre. Certains ont même affirmé que les milices chrétiennes avaient reçu l'ordre des Israéliens de «chasser» les combattants de l'Organisation de libération de la Palestine de Sabra et Chatila, dans le cadre de l'avancée israélienne dans la partie ouest de Beyrouth, majoritairement musulmane. Des rapports ultérieurs ont suggéré que les Israéliens avaient reçu des rapports sur les atrocités, mais qu'ils n'avaient pris aucune mesure pour les prévenir ou les arrêter.

Le massacre, qui s'est déroulé au plus fort de la guerre civile libanaise, et les raisons qui l'ont motivé mettent en lumière les dimensions régionales complexes qui ont entouré le conflit.

Comment nous l'avons écrit

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Arab News a publié des images saisissantes du massacre, qualifié de crime commis «avec la connivence des envahisseurs israéliens», provoquant une onde de choc et des réactions d’horreur à travers le monde.

Au Liban, le sectarisme a presque toujours été un facteur central des conflits qui ont façonné les équilibres politiques et redessiné les cartes du pouvoir. Bien avant la chute de l’Empire ottoman à la fin de la Première Guerre mondiale, dont le territoire libanais faisait alors partie, la région du Mont-Liban avait déjà été le théâtre de violences confessionnelles. Ces tensions ont débuté en 1840 et ont atteint leur paroxysme en 1860, avec des massacres d'une telle ampleur qu'ils ont entraîné une intervention militaire française. L’Empire ottoman avait alors réagi avec fermeté, cherchant à contenir l’avancée française, dans un contexte de pressions diplomatiques exercées par les grandes puissances européennes.

Le bouleversement politique majeur consécutif aux massacres de 1860 fut la création, en 1861, du district autonome du Mont-Liban, gouverné par un fonctionnaire ottoman chrétien dont la nomination devait être validée par les puissances européennes.

Mais après la défaite de l’Empire ottoman à l’issue de la Première Guerre mondiale, la Conférence de paix de Paris en 1920 annexa plusieurs régions au Mont-Liban – notamment Beyrouth – et plaça le nouvel État élargi du Liban sous mandat français.

Dans ce Grand Liban, la population chrétienne, auparavant majoritaire dans la région montagneuse du Mont-Liban, vit son poids démographique réduit par l’intégration de grandes villes et districts à majorité sunnite et chiite. Néanmoins, les chrétiens comptaient sur le soutien du mandat français pour préserver leur domination politique. Une illusion qui s’estompa rapidement, surtout après l’indépendance du Liban en 1943.

À cette date, selon de nombreuses estimations, les musulmans – sunnites, chiites et druzes – formaient déjà une majorité démographique. Parallèlement, l’émergence du nationalisme arabe, alimenté par la Nakba palestinienne de 1948, radicalisa la scène politique régionale. L’afflux de réfugiés palestiniens au Liban, comme en Jordanie, accentua les tensions et contribua à fragiliser davantage l’équilibre confessionnel libanais.

Le processus de radicalisation a été encore accéléré par la défaite arabe lors de la guerre israélo-arabe de juin 1967, qui a donné naissance, ainsi qu'une énorme crédibilité, au mouvement de résistance palestinien (les «fedayins»).

À l'automne 1970, à la suite de batailles entre les fedayins et l'armée jordanienne, les mouvements de résistance palestiniens ont transféré leur quartier général d'Amman à Beyrouth.

Les musulmans libanais, les nationalistes arabes et les dirigeants de gauche se rangent aux côtés des Palestiniens et font cause commune avec eux. De l'autre côté, l'élite politique chrétienne et les masses chrétiennes au Liban craignaient que cette alliance naissante ne constitue une menace mortelle pour leur position dominante dans le pays et, par conséquent, pour son régime, son identité et sa souveraineté.

J'ai vécu cette époque et je m'en souviens très bien. En 1973, l'armée libanaise, dirigée par les chrétiens, a tenté de contenir le pouvoir des fedayins dans les camps de réfugiés, mais le tollé soulevé par la gauche musulmane contre les actions de l'armée a ouvert la voie à une guerre civile imminente. Très vite, les milices chrétiennes ont été ouvertement armées et entraînées par des officiers de l'armée, tandis que les milices gauchistes et arabisantes ont également obtenu des armes et un entraînement par l'intermédiaire des Palestiniens et de certains régimes arabes.

La guerre a éclaté en 1975 et s'est poursuivie, en plusieurs phases, jusqu'en 1990. L'invasion israélienne de juin 1982 avait pour but d'achever l'infrastructure militaire et politique palestinienne et d'établir un régime «ami» à Beyrouth. Israël a tenté d'y parvenir en utilisant sa puissance militaire pour forcer les mouvements de résistance palestiniens à quitter le Liban, puis en confiant la présidence libanaise à Bachir Gemayel, chef des Forces libanaises, la milice chrétienne la plus puissante, en août 1982.

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Des familles pleurent les victimes du massacre dans le quartier de Sabra à Beyrouth et dans le camp de réfugiés adjacent de Chatila, où vivent des milliers de réfugiés palestiniens. (Images Getty) 

Cependant, Gemayel a été assassiné le 14 septembre 1982, avant même d'avoir pu prêter serment. Son assassinat, dans une explosion massive à Beyrouth, a choqué les chrétiens et rendu furieuses leurs milices, qui ont riposté en attaquant Sabra et Chatila deux jours plus tard.

À cette époque, le monde arabe est affaibli et profondément divisé à la suite de la reconnaissance d'Israël par l'Égypte dans les accords de Camp David de 1979, qui a entraîné la suspension de l'adhésion du pays à la Ligue arabe.

Les Israéliens ont donc pu participer au massacre de Sabra et Chatila sans craindre d'importantes représailles de la part des Arabes. En fait, c'est le tollé général suscité par ce massacre qui a conduit à la création d'une commission d'enquête présidée par Sean MacBride, assistant du secrétaire général des Nations unies et président de l'Assemblée générale des Nations unies à l'époque.

Le rapport de la commission, publié en 1983, concluait qu'Israël, en tant que puissance occupante, portait la responsabilité des violences et que le massacre constituait une forme de génocide.

La réaction de choc au massacre a été forte même en Israël, où les autorités ont créé leur propre commission Kahan pour enquêter sur l'incident. Son rapport, également publié en 1983, conclut que, bien que consciente de l'existence d'un massacre, l'armée israélienne n'a pris aucune mesure sérieuse pour y mettre un terme.

La commission a déclaré qu'Israël était indirectement responsable «d'avoir ignoré le danger d'effusion de sang et de vengeance» et que le ministre de la Défense, Ariel Sharon, en portait personnellement la responsabilité, ce qui l'a contraint à démissionner.

Eyad Abu Shakra est le rédacteur en chef d'Asharq Al-Awsat.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com