À la place, on voit les démocrates qui prêchent les vertus de la bonté, alors que les républicains couvrent les cris de leurs adversaires en niant n’être que des nationalistes blancs. Étonnamment, la contre-programmation s’est montrée très efficace, du moins jusqu’à présent, probablement avant de se perdre derrières les obstacles, narratifs pour la plupart, auxquels sont soumis le président, Donald Trump, et l’ancien vice-président Joe Biden.
Dans l’exemple des démocrates, les vertus de la bonté – c’était certainement la première fois qu’on abordait un tel sujet dans une campagne politique moderne – a fait gagner des points. Un jeune bègue a été l’un des orateurs les plus efficaces lors de la Convention du parti démocrate. Il a raconté, non sans émotion, comment Biden (qui a souffert de bégaiement toute sa vie) lui a même offert un livre de poèmes de W.B. Yeats. Il lui a appris que réciter des poèmes, d’après son expérience personnelle, réduisait le bégaiement.
Il est vrai que le discours habituel de Biden montre qu’il est, à la base, un homme honnête. L’exact opposé du personnage de Trump. Il est aussi vrai qu’un sondage réalisé par Fox News en juin dernier a constaté que 37 % des personnes interrogées estiment que le président « se soucie des gens comme nous » alors que 57 % déclarent le contraire.
Cela nous amène aux aspects négatifs de la personnalité de Trump. Plusieurs électeurs de banlieue (des femmes pour la plupart) ont déserté le parti républicain, non pour des différends politiques majeurs, mais à cause de la personnalité de Trump. Garder ces électeurs en mettant l’accent sur la décence profonde de Biden n’est pas à prendre à la légère. Il est même essentiel de préserver l’intérêt du parti auprès des électeurs suburbains, qui ont voté pour Trump en 2016, qui se sont orientés, avec détermination, vers les démocrates dans les élections de mi-mandat de 2018.
Pour les républicains, « une dose » de contre-programmation était également indispensable. Dans leur cas, il n’était pas acceptable, d’un point de vue social et politique, d’être présentés comme le parti des nationalistes blancs, accusation portée par les démocrates à la suite des des manifestations pour les droits civiques survenues après le décès de George Floyd. Pourtant, il était politiquement acceptable selon eux, d’être vu comme le parti du nationalisme américain –ce qu’ils sont depuis Lincoln.
À la surprise générale, les républicains ont pris ce sujet brûlant à bras le corps, non sans succès. Tim Scott, un jeune sénateur africain-américain, a apporté son témoignage au début de leur Convention. Il a raconté comment il était passé, en une seule génération, de la culture du coton au Congrès. De même, Niki Haley, d’origine indienne, et ancienne ambassadrice de Trump auprès des Nations unies, a expliqué que le parti devait accueillir tous les immigrants. En montrant au peuple américain ce côté pour le moins inattendu et différent, les républicains espèrent, à travers leur Convention, contester le discours politique qui les considère comme représentant la population américaine à la peau blanche, en voie de décroissance, et rien d’autre.
Les démocrates ainsi que les républicains se sont étonnamment bien sortis de leurs conventions.
Si ce discours est maintenu, et si l’on considère les changements démographiques fondamentaux aux États-Unis, les républicains seraient sensés perdre les prochaines élections nationales. Toutefois, la Convention a marqué le premier pas vers l’élimination par le parti de ses vices pernicieux.
Faut-il aussi souligner que les conventions déterminent rarement, voire jamais, le résultat de l’élection présidentielle américaine ? De leur côté, les débats, plus marquants, de l’automne (comme ceux de Kennedy-Nixon en 1960 et Carter-Reagan en 1980) ne constituent pas non plus, une indication fiable sur le gagnant. Toutefois, on ne peut pas considérer qu’ils sont sans importance, puisqu’ils ouvrent une fenêtre sur l’esprit des parties, nous dévoilant leurs avis, leurs faiblesses mais aussi leurs forces.
Les républicains, quant à eux, s’attachent à juste titre à augmenter leur pourcentage d’électeurs non blancs. Dans le cas des démocrates, ils craignent que leur penchant à gauche, dont les républicains les accusent, ne leur coûte cher quand la campagne arrivera dans sa dernière ligne droite. Les démocrates mettent donc en valeur la décence fondamentale de Biden comme une sorte d’assurance idéologique. Les démocrates ainsi que les républicains se sont étonnamment bien sortis de leurs conventions ; les campagnes présidentielles de 2020 conservent tout leur suspens.
Dr John C. Hulsman est président et directeur associé de John C. Hulsman Enterprises, une entreprise internationale de conseil en risques politiques. Il est également chroniqueur principal pour City A.M., le journal de la City de Londres. Il peut être contacté via www.chartwellspeakers.com.
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com