PARIS: Contrôle du pass sanitaire en boutique ou en amont, attestation dérogatoire... Des responsables inquiets de magasins de centres commerciaux, qui seront tenus de vérifier la situation de leurs salariés et clients, ont interrogé jeudi la ministre du Travail, qui a tenu à rassurer... sans avoir toutes les réponses.
"Du côté des salariés, on est tranquille, ils sont vaccinés à 90%. C'est les clients qui me font peur", résume Ali Demirsal, qui emploie une centaine de personnes dans six sites alimentaires de quatre centres commerciaux franciliens. "On ne peut pas mettre quelqu'un à l'accueil d'un restaurant pour les contrôler".
"Comment les centres vont gérer ces contrôles, comment vont-ils se passer?", se questionne-t-il, en replaçant son masque sur son nez face à Elisabeth Borne, venue à la rencontre de ces professionnels à la Défense, le quartier d'affaires parisien.
Selon un avant-projet de loi, les exploitants qui manqueront aux futures obligations de contrôle seront passibles d'une amende allant jusqu'à 45.000 euros et d'un an de prison.
Leurs salariés ont jusqu'au 30 août pour se mettre en conformité (pass sanitaire valide), sous peine d'une interdiction d'exercer justifiant, après une période de deux mois, leur licenciement.
"On peut voir des atteintes au droit du travail" mais "on est dans une période exceptionnelle", justifie Mme Borne, défendant une mesure "proportionnée" et "évidemment limitée à la situation de crise sanitaire qu'on connaît".
Venue - en RER - prendre le pouls de ces commerçants des Quatre Temps, la ministre a constaté que leur inquiétude se concentrait autour de la réalisation de ces fameux contrôles, qu'elle souhaite "pragmatiques".
"Est-ce qu'ils sont faits en amont et pris en charge par URW (qui possède le centre commercial, ndlr), ou est-ce que ce sera à nous, directeurs de magasins de contrôler les clients, les salariés qui entrent ?", l'a directement interrogée Eric Landais, président de la fédération des commerçants de la Défense.
"Globalement, mes salariés ont 20-30 ans et ne sont pas vaccinés. Et un seul de mes prestataires de sécurité sur six l'est. C'est pour ça qu'on demande un peu de souplesse", ajoute ce patron d'un magasin Go Sport.
"On n'est pas dans la même échelle entre une boutique sur rue de 2-3 salariés et un centre commercial avec 3.000 salariés", plaide Emile Sebbag, président de l'association des commerçants du Forum des Halles.
"Je pense que les contrôles seront faits en amont du centre", leur répond la ministre. "Certains de vos représentants sont pour un contrôle à l'entrée dans le centre, d'autres pour un contrôle en boutique. Les deux positions sont débattues".
«Caler les bonnes règles»
Jeudi, une dizaine de fédérations de commerces (jouets, optique, jardineries, habillement...) ont regretté que "de nombreux points restent en suspens", et se sont prononcées pour des contrôles "à l'entrée des centres commerciaux".
"On continue de discuter pour caler les bons seuils, les bonnes règles. A priori, ce n'est pas votre rôle de contrôler l'identité", rassure Elisabeth Borne en renvoyant à des arbitrages relevant du Premier ministre.
"Ce sera à chaque établissement soumis à pass sanitaire de faire les contrôles et la police contrôlera que l'établissement a fait les contrôles", affirme-t-elle ensuite devant les médias.
A la Défense, Anne-Sophie Sancerre, directrice régionale d'URW, a plaidé pour un délai supplémentaire de 15 jours, au motifs que les usagers des centres commerciaux sont majoritairement jeunes et qu'ils ont accédé plus tardivement au vaccin.
"L'idée, ce n'est pas de bloquer les gens aux entrées", appuie Olivier Delamare, directeur des centres commerciaux français chez URW, estimant "matériellement impossible de contrôler chaque entrée" dans un espace qui attire environ 100.000 personnes par jour en semaine.
"On a calculé qu'il y aurait 27 km de queue au niveau de l'entrée du RER en prenant 30 secondes par contrôle", poursuit-il en mettant en avant une application calculant la fréquentation en temps réel ou des capteurs mesurant le taux de CO2.
Et si des voleurs nécessitent l'intervention des forces de l'ordre dans un magasin, demande encore M. Landais ? "On ne va pas vous demander de contrôler la police !", dédramatise Mme Borne en s'esclaffant.