L’arme nucléaire est à nouveau en tête des priorités du régime iranien

Il semble que le régime iranien préfère à présent devenir un État nucléaire plutôt que de voir les sanctions levées. (Photo Arab News).
Il semble que le régime iranien préfère à présent devenir un État nucléaire plutôt que de voir les sanctions levées. (Photo Arab News).
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Publié le Samedi 17 juillet 2021

L’arme nucléaire est à nouveau en tête des priorités du régime iranien

L’arme nucléaire est à nouveau en tête des priorités du régime iranien
  • Le régime intensifie ses infractions à l’accord sur le nucléaire, même durant les pourparlers de Genève. Il a entrepris l’enrichissement de l’uranium métal
  • Il semble que le régime iranien préfère à présent devenir un État nucléaire plutôt que de voir les sanctions levées

Le régime iranien semble être pris entre l’arbre et l’écorce: lever les sanctions imposées par les États-Unis à son establishment politique et aux principaux responsables de son gouvernement ou poursuivre ses objectifs nucléaires.

En effet, l’économie de la République islamique est plongée dans une profonde récession qui pèse lourdement sur la population. Cette inflation a considérablement réduit le pouvoir d’achat des citoyens. Selon les estimations, le taux d’inflation réel en Iran avoisine les 70%. Le quotidien contrôlé par l’État Jahan-e Sanat a signalé la semaine dernière que, «si l’on examine l’évolution de l’indice des prix à la consommation sur plusieurs années et compte tenu des taux d’inflation qui dépassent 30%, on constate que les familles iraniennes voient leur pouvoir d’achat diminuer de 20% en moyenne tous les ans. Les toutes dernières estimations fournies par le Centre des statistiques (Statistics Center) révèlent que la moyenne du taux d’inflation à la fin du mois de juin a atteint 43%». Selon le quotidien, «Ehsan Soltani fait partie des experts qui estiment que le taux d’inflation réel était de 71% en juin, un taux calculé en adaptant les statistiques annoncées aux réalités du marché».

Par ailleurs, les mollahs qui détiennent le pouvoir affrontent actuellement l’un des plus gros déficits budgétaires de leurs quarante ans d’histoire. Le déficit budgétaire s’élevait à 200 millions de dollars par semaine l’année dernière. Ces trois dernières années, la valeur de la devise iranienne, à savoir le rial, a chuté à des niveaux records. Ainsi, le dollar américain équivaut aujourd’hui à environ 250 000 rials, alors qu’il correspondait à environ 35 000 rials en novembre 2018. Selon Sima, qui travaille à la banque iranienne Pasargad, «les salaires n’ont pas bougé ces dernières années, alors que les prix des produits de base comme la nourriture, le transport, le loyer et les médicaments ont plus que doublé».

Il en va de même pour les milices pro-iraniennes, qui reçoivent dorénavant moins de financements. Ce manque à gagner pourrait expliquer pourquoi le leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a fait en 2019, pour la première fois en plus de trente ans, une déclaration ouverte dans laquelle il a appelé les gens à faire des dons d’argent à son groupe: «Les sanctions et les listes d’organisations terroristes sont une forme de guerre contre la résistance et nous devons leur faire face. J’annonce aujourd’hui que nous avons besoin du soutien de notre base populaire. Il incombe à la résistance libanaise, à sa base populaire, à son entourage (de combattre ces mesures)», a-t-il expliqué.

Mettre au point des armes nucléaires est devenu prioritaire à l'aune des récents changements politiques dans le pays.

Dr Majid Rafizadeh

De ce fait, le régime de Téhéran aspire sans aucun doute à la levée des sanctions. Mais pourquoi tarde-t-il à faire le premier pas et à rejoindre l’accord sur le nucléaire prévu par le Plan d’action global conjoint (PAGC), qui prévoit la levée des sanctions? Et pourquoi les négociations menées à Genève traînent-elles en longueur au bout de six cycles de discussions infructueuses? On pourrait expliquer cette situation par un changement des priorités et des calculs politiques du régime, qui privilégie ses ambitions nucléaires au détriment du redressement de son économie et des conditions de vie de sa population, comme le fait la Corée du Nord, l’alliée de l’Iran.

Le régime intensifie ses infractions à l’accord sur le nucléaire, même durant les pourparlers de Genève. Il a entrepris l’enrichissement de l’uranium métal. L’Agence internationale de l’énergie atomique, gardienne de l’accord sur le nucléaire auprès des Nations unies, a lancé un avertissement la semaine dernière: «L’Iran a informé aujourd’hui l’Agence que l’UO2 (oxyde d’uranium) enrichi à 20% d’U-235 serait expédié au laboratoire de recherche et de développement dans l’usine de production de combustible d’Ispahan, où il serait transformé en UF4 (tétrafluorure d’uranium), et ensuite en U-235, enrichi à 20% d’U-235, avant de l’utiliser pour produire du carburant.»

Les responsables iraniens indiquent que le programme nucléaire est destiné à des fins civiles, comme le développement de combustible pour les réacteurs de recherche. Toutefois, l’enrichissement de l’uranium métal constitue une étape décisive vers l’acquisition d’armes nucléaires. Dans une déclaration publiée conjointement, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne ont reconnu que le régime iranien «ne dispose d’aucun motif civil qui justifie la recherche et le développement ou la production d’uranium métal, sachant que ces activités représentent une phase essentielle dans le développement d’une arme nucléaire».

Les activités et les sites nucléaires clandestins en Iran sont nombreux. Ceci suggère que l’establishment théocratique nourrit depuis longtemps le désir de se doter de l’arme nucléaire. Si le régime a privilégié son économie en 2015, lorsqu’il a signé le PAGC et convenu de freiner son programme nucléaire, il semble aujourd’hui désireux de disposer de l’arme atomique au vu des changements politiques qui secouent le pays ces derniers temps.

Le régime iranien est conscient de l’opposition considérable qui se dresse devant lui. Les manifestations qui ont secoué tout le pays durant l’hiver 2017-2018 puis en novembre 2019 témoignent du mécontentement de la population envers la République islamique, et du désir de changer la donne. «Mort à Khamenei» et «Mort à la République islamique» sont désormais des cris habituels lors des manifestations. Une révolution semble couver sous la cendre.

Un nouveau soulèvement et une nouvelle intervention des puissances étrangères risquant d’arracher au régime son emprise sur le pouvoir, l’arme nucléaire garantirait la stabilité du régime, à l’instar de la Corée du Nord, dans la mesure où elle servirait de moyen de dissuasion important contre l’ingérence étrangère. Elle renforcerait également le poids du régime, sèmerait la terreur au sein de la population et permettrait au pouvoir de réprimer plus aisément la dissidence et de pousser ses ambitions hégémoniques au Moyen-Orient.

En quelques mots, il semble que le régime iranien préfère à présent devenir un État nucléaire plutôt que de voir les sanctions levées. L’arme atomique lui offrant un moyen de dissuasion puissant qui permettrait aux religieux de se maintenir au pouvoir.
 

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard. Twitter: @Dr_Rafizadeh

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com