Alors que le Liban célèbre son 100e anniversaire, la crise qui touche notre pays oblige tous les Libanais à réfléchir à ce que nous devons faire pour devenir à nouveau une nation stable, prospère et tolérante.
Le Liban a été fondé après l'effondrement de l'Empire Ottoman et suite à une famine brutale qui avait tué la moitié de la population du Mont-Liban. Ce qui a suivi a été un tournant majeur et changement total de mode de gouvernement.
Aujourd'hui, le Liban est confronté à une énorme crise, économique et humanitaire. Notre système ne fonctionne plus. Nous sommes devant un moment crucial qui nécessite une réponse aussi radicale et globale que celle d'il y a 100 ans. Nous devons nous préparer à créer un nouveau Liban.
Le défi actuel est immense. Le gouvernement est incapable de fournir les services les plus élémentaires à la population, il est inapte à protéger ses propres citoyens des menaces internes et externes. La corruption endémique et l'incompétence ont entravé l'État, abandonnant les gens à leur sort.
L’explosion tragique survenue au port de Beyrouth le 4 août était un symptôme de la terrible maladie qui sévit au sein de la société libanaise. Le pouvoir parasitaire a été averti à plusieurs reprises du danger existant dans l'entrepôt du front de mer, mais a refusé de résoudre le problème pour ensuite laisser les victimes, seules, face aux conséquences désastreuses.
La démission ultérieure du gouvernement était un stratagème clair pour que les vrais responsables évitent de rendre des comptes. En prolongeant le processus de formation du gouvernement et en accusant tout le monde sauf lui-même, le régime des «seigneurs de guerre» et des milices attend son heure pour réaffirmer sa présence.
C’est inacceptable. Le même système contrôlé par les mêmes personnes ne pourra produire que les mêmes résultats, et ces résultats ont mis notre pays à terre. Il ne peut y avoir de « retour aux affaires » comme si de rien n’était. Le peuple réclame depuis des mois un changement total, scandant : « Tous, cela veut dire tous. »
Dans ce contexte, le mécontentement général et son ampleur signifient simplement que les responsables de la détresse du Liban - y compris tous ceux qui ont soutenu les gouvernements de milices telles que le Hezbollah et leurs seigneurs de guerre au cours des 15 dernières années - ne doivent pas faire partie de son avenir. Il nous incombe la responsabilité de donner peuple, en particulier aux jeunes, espoir et stabilité, et offrir la perspective d'un nouvel avenir.
Que devons-nous faire à partir de maintenant ? Il s’agit de commencer par la formation d’un gouvernement transitoire puissant et révolutionnaire. Les noms actuels avancés pour le poste de Premier Ministre par les partis politiques, y compris Mustafa Adib, sont inacceptables.
Le besoin est urgent de former un gouvernement transitoire véritablement indépendant. Les gouvernements transitoires ne sont souvent chargés que de ramasser les ordures dans les rues, mais nous avons besoin d’un gouvernement capable de se débarrasser de toutes les ordures qui jonchent le système politique de notre pays.
Les parties en place sur l’échiquier politique chercheront, au nom de leurs intérêts personnels, à saper un gouvernement transitoire insinuant qu'il est dépourvu du mandat requis pour entamer des réformes radicales. Quel mandat serait plus fort, plus clair et plus présent que celui des jeunes qui défilent dans les rues, ou des familles qui se trouvent dans des maisons en ruines?
Une nouvelle équipe transitoire d'experts compétents, dévoués et indépendants doit recevoir un soutien local et international pour poursuivre un programme radical capable d’éclairer le chemin et d’orienter le Liban vers une réforme constitutionnelle globale.
La tâche la plus immédiate sera de reconstruire Beyrouth et de conclure un accord d'urgence avec le Fonds Monétaire International pour assainir les finances publiques. Si cela doit être mis en place par le peuple libanais, nous ne pouvons y parvenir seuls. Nous avons absolument besoin que la communauté internationale fournisse un soutien financier et une aide au développement de manière transparente et responsable, pour s’assurer qu'elle parvienne aux personnes qui en ont le plus besoin.
Les partenaires internationaux tels que le Président français Emmanuel Macron seront des alliés essentiels, et nous aurons besoin de leur engagement à long terme pour nous soutenir tout au long de ce processus. Le gouvernement transitoire doit épurer le système des intérêts personnels et des responsables corrompus qui ont étouffé le Liban à ce jour.
Les milices telles que le Hezbollah représentent un danger manifeste pour le pays et doivent être désarmées et démantelées, libérant ainsi le gouvernement de conjoncture toxique de ‘’l'État dans un État’’. Toutes les institutions - la justice, les services de sécurité et même les autorités portuaires - doivent être assainies, les intérêts des factions étant remplacés par la méritocratie.
Plus important encore pour l’avenir du Liban, le gouvernement transitoire devrait conduire un processus de réforme constitutionnelle. Ce processus peut tirer son mandat de l’accord de paix qui a mis fin à la guerre civile au Liban, qui appelait à une telle réforme constitutionnelle mais n’a pas été exécuté par les seigneurs de la guerre qui n’ont cessé de dominer le pays.
En s'accordant sur une nouvelle constitution non confessionnelle qui protège les minorités et consacre les droits et libertés du peuple libanais, le Liban que nous aimons reviendra. Ce Liban peut être un pays neutre dans la région, entretenant de bonnes relations avec tous nos voisins arabes et accueillant les citoyens et les investissements de tous les pays amis. Le Liban ne peut rester un champ de bataille pour les conflits régionaux.
Nous traversons un moment critique de notre histoire. Nous avons maintenant la possibilité de changer l’orientation de l’avenir du Liban. Nous devons saisir cette chance et créer l’espoir de voir les 100 prochaines années du Liban plus pacifiques et plus prospères que ce premier siècle écoulé.
* Bahaa Hariri est le fils aîné de l'ancien Premier Ministre libanais Rafic Hariri
NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur www.arabnews.com