Je ne devrais pas écrire cet article. C’est mon père, Rafic Hariri, qui devrait l’écrire à ma place. Quand il a été Premier ministre, c’est lui qui a permis au Liban de sortir du chaos de la guerre civile, et de reconstruire le pays. Mais il y a 15 ans, des terroristes du Hezbollah - ceux-là mêmes qui contrôlent le port de Beyrouth où a eu l'explosion du 4 août - l'ont assassiné.
Le peuple libanais est une fois de plus confronté à des pertes et à un cataclysme que nul n’aurait pu imaginer. Les morts tragiques, les blessures effroyables et les destructions immenses causées par l’explosion ont attiré l'attention du monde entier sur mon pays.
Alors que je me joins à ceux qui réclament une enquête indépendante pour déterminer non seulement ce qui s'est passé, mais comment cela a pu se produire, une autre enquête se termine. Mardi, le Tribunal Spécial pour le Liban a rendu public les résultats de son enquête entamée depuis plusieurs années pour juger les responsables de l’attentat commis en 2005, qui a tué mon père, ainsi que 21 autres personnes.
Considérés dans leur ensemble, ces évènements soulignent la nécessité pour le Liban d’avancer sans le Hezbollah. En fait, le Liban ne pourra jamais être la nation dont le peuple a besoin, avec la présence continue de cette organisation terroriste corrompue.
Mettre fin aux ententes politiques vieilles de plusieurs décennies qui couvrent le sectarisme, et semblent tout bloquer, est au cœur de la résolution des problèmes du Liban. Le temps est venu pour le Liban de devenir une véritable démocratie et de mettre fin au système de blocs parlementaires préétablis, qui sont uniquement le reflet de groupes religieux et qui ne se préoccupent pas des questions importantes pour le peuple libanais.
Bahaa Hariri
Il faut écouter la voix du peuple
La semaine qui a suivi l’explosion, le peuple libanais s'est levé et a parlé d'une seule voix. Il exige le changement. Il dénonce le système politique actuel faible et défaillant, critiquant les seigneurs de guerre et la classe politique corrompue, l'inertie du gouvernement et le système qui leur a permis d’avoir la place qu’ils ont aujourd’hui. Il appelle également à mettre fin au rôle du Hezbollah dans la participation au gouvernement de Beyrouth et du Liban. Les organisations terroristes et les seigneurs de la guerre ne peuvent pas bâtir des pays – ils savent seulement comment les détruire.
Le régime actuel appelle à des élections législatives anticipées dans l’espoir qu’elles feront taire ceux qui appellent à une vraie démocratie, mais le peuple en est conscient.
L’économie libanaise est en chute libre. Les investissements se sont évaporés. Les prix des denrées alimentaires augmentent, et en raison de l’effondrement de la monnaie nationale, l’épargne n’a plus de valeur. Ajoutez à cela l'impact de la pandémie du coronavirus et le peuple libanais se retrouve en plein milieu d’une catastrophe financière et humanitaire.
Fait important, étant donné le rôle central de la religion au Liban, ces points de vue ne sont pas propres à une seule religion ou confession ; ce sont là des problèmes communs auxquels tous les Libanais sont confrontés chaque jour. Les manifestations sont un facteur d'unité, capable de former une nation à partir d'un pays désuni.
Même avant l'explosion au port de Beyrouth, certains dirigeants populaires ont montré qu’ils étaient prêts à travailler ensemble pour réformer le système actuel qui détruit le Liban, partageant une conviction commune selon laquelle le Liban devrait être un acteur neutre dans la région, afin de stimuler son développement. C’est une étape positive qui montre que la voix du peuple est entendue et respectée par certains.
Mettre fin aux ententes politiques vieilles de plusieurs décennies qui couvrent le sectarisme, et semblent tout bloquer, est au cœur de la résolution des problèmes du Liban. Le temps est venu pour le Liban de devenir une véritable démocratie et de mettre fin au système de blocs parlementaires préétablis, qui sont uniquement le reflet de groupes religieux et qui ne se préoccupent pas des questions importantes pour le peuple libanais. Une nouvelle loi électorale mettrait fin à ce cycle de corruption politique, tandis qu’une société civile régénérée pourrait contribuer à faire en sorte que la voix du peuple contribue au développement de la démocratie.
Je suis fermement convaincu que c'est la meilleure voie à suivre si le pays veut avancer avec confiance et conviction, pour se reconstruire en une nation moderne.
Cela ne sera pas aisé et je ne prétends pas avoir toutes les réponses. Mais je sais que ceux qui disent qu'il est tout simplement trop compliqué d'avoir un gouvernement sans le Hezbollah ont tout simplement tort. Nous devons affronter le Hezbollah et s’opposer à sa destruction du pays et à la corruption permanente.
Seuls, nous ne pouvons pas le faire. Le peuple libanais a besoin d'un soutien international pour avoir adopter une nouvelle approche démocratique et non sectaire, qui puisse relancer l'économie et transformer le pays. Cela pourrait se présenter sous la forme d'un accord bienvenu avec le Fonds Monétaire International, de nouvelles sanctions contre les responsables de l'explosion et de l’extension du mandat de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) qui maintiendra la stabilité et la sécurité dans le pays, au cours de ce processus difficile. Sans ce genre de soutien aux réformes de la part de la communauté internationale, le Liban risque de rester piégé dans des conflits religieux et sectaires. Cela déstabiliserait davantage la région et pourrait éventuellement isoler le pays de la communauté internationale.
Tout en appelant la communauté internationale à approuver une véritable réforme constitutionnelle et un renouveau national pour faire du Liban une fois de plus une nation prospère, neutre et démocratique, j'exhorte les dirigeants du monde entier prêts à nous aide à rejeter tout rôle futur du Hezbollah.
Le peuple libanais a démontré que nous voulons, que nous avons besoin de paix et de stabilité. La seule vraie question qui demeure est de savoir si la communauté internationale interviendra pour nous aider dans cette transition ou si le peuple libanais souffrira à nouveau du sectarisme corrompu actuel sous la domination du Hezbollah.
Bahaa Hariri est un homme d'affaires et le fils aîné de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri.
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur ArabNews.com