La décision de la Russie d’envahir l’Ukraine aura des répercussions à travers le monde entier pour les années à venir. En Occident, la préoccupation immédiate reste l’incidence de l’invasion sur les marchés du pétrole et du gaz. Pourtant, dans des pays comme le Liban, qui ne dispose que de six semaines à deux mois de réserves de blé, les conséquences de la guerre sur les chaînes d’approvisionnement agricoles risquent bien d’être la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Avec une économie en difficulté en raison des effets de plusieurs décennies de corruption, d’une crise financière et de la pandémie de Covid-19, les prochaines élections législatives n’ont jamais été aussi importantes. Mes compatriotes libanais sont confrontés à un avenir sombre, sans emploi, sans carburant dans les stations-service et avec des denrées alimentaires à des prix exorbitants. Les enfants souffrent déjà de la faim dans tout le pays et, si la crise en Ukraine se poursuit, les prix des denrées alimentaires ne feront que monter en flèche. Étant donné que le Liban importe plus de 60 % de son blé d’Ukraine, la situation risque de s’aggraver à un rythme effrayant.
Les élections de mai restent la dernière chance pour le Liban d’élire des députés qui seraient prêts à mettre en œuvre des politiques concrètes pour soulager la douleur de notre peuple. L’inaction n’est pas une option. Le maintien du statu quo non plus. Tant que le peuple libanais permettra à la politique sectaire de se poursuivre, le pays sera soumis à la manipulation, à l’ingérence politique et aux tentatives de provoquer davantage de chaos de l’étranger, mais aussi sur le plan interne, avec les dirigeants politiques actuels.
Malheureusement, les partis politiques au Liban ont serré les rangs, déterminés à maintenir leur fragile emprise sur le pouvoir. Certains évoquent la possibilité inquiétante que les élections soient retardées. Alors que les États-Unis et l'Union européenne (UE) ont fait pression sur le Liban pour qu'il organise ces élections, un autre effet secondaire de la crise en Ukraine est que leur attention pourrait se porter ailleurs.
Il ne faudrait pas sous-estimer la volonté des dirigeants politiques de rester au pouvoir en évitant la responsabilité électorale. Après tout, rien n’illustre mieux le désir d’autopréservation de la classe politique que sa réaction à la double explosion survenue au port de Beyrouth. Personne – aucun membre du gouvernement – n’a dû rendre des comptes pour cette tragédie qui aurait totalement pu être évitée sans coûter la vie à deux cent dix-neuf personnes et occasionner des frais de plusieurs milliards de dollars (1 dollar = 0,91 euro). Toute tentative de procédure régulière a été continuellement bloquée par ceux qui veulent uniquement maintenir le statu quo. Ils ne se soucient guère que de telles actions obligent les familles des victimes à mener une campagne interminable pour rétablir la justice.
«Il n’y a aucune raison valable de soutenir les anciens partis sectaires qui n’ont absolument rien fait au cours des dernières années pour améliorer la situation désastreuse à laquelle le Liban fait face.» - Bahaa Hariri
Mon père, Rafic Hariri, était un ardent défenseur du Liban et du peuple libanais. Il s’est fait connaître au lendemain de la guerre civile avec, pour seul objectif, de reconstruire le Liban et de guider notre nation sur le chemin de la prospérité. Il s’est battu pour un Liban libéré des contraintes sectaires qui ont conduit à la guerre civile et il a voulu construire un pays qui fonctionne pour tout le monde, pas seulement pour les élites. En fin de compte, il a payé ses ambitions au prix de sa vie, mais sa vision d’un Liban plus stable met en lumière une voie potentielle vers la prospérité et le retour à un Liban que mon père est mort en essayant de construire.
Pour lui rendre hommage, j’ai été l’un des premiers partisans de Sawa li Lubnan, un nouveau parti politique qui se bat pour mettre fin à l’emprise sectaire sur la politique libanaise et qui est prêt à appliquer des réformes indispensables à notre système judiciaire, politique et économique. J’espère que mes compatriotes verront en Sawa la possibilité d’un nouveau départ.
Le temps presse et les répercussions de ce que la Russie a entamé en Ukraine se rapprochent de plus en plus du Liban. J’espère que le peuple libanais prendra conscience de cette dure réalité. Il n’y a aucune raison valable de soutenir les anciens partis sectaires qui n’ont absolument rien fait au cours des dernières années pour améliorer la situation désastreuse à laquelle le Liban fait face. Si le peuple n’agit pas maintenant en soutenant des partis tels que Sawa li Lubnan, il n’y aura peut-être plus de Liban.
Je prie simplement pour que le peuple agisse avant que la crise en Ukraine n’atteigne nos côtes.
Bahaa Hariri est le fils aîné de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri.
TWITTER: @bahaa_hariri_
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com